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| - Le Conseil d'État aurait "supprimé" l'encadrement des loyers ce lundi.La ville de Paris rétorque qu'il s'agit d'une "fake news".Nous avons vérifié ce qu'a vraiment dit la plus haute juridiction administrative sur ce dispositif.
C'est un dispositif qui ne met pas tout le monde d'accord. Depuis cinq ans, la ville de Paris, comme d'autres à travers le pays, encadre le prix des locations afin de limiter la hausse des loyers. Une pratique responsable de la tension locative selon ses opposants, qui ne cessent de multiplier les recours en justice depuis sa mise en place dans la capitale. Or, d'après eux, le Conseil d'État leur aurait donné raison.
"Le Conseil d'État annule" cette "mesure spoliatrice", s'est par exemple réjoui l'élu parisien Aurélien Véron sur X ce mardi 19 novembre. "Bravo au Conseil d'État qui supprime l'encadrement des loyers à Paris", se félicite un internaute. "Fake news" a immédiatement rétorqué Barbara Gomes, conseillère déléguée en charge de l'encadrement des loyers dans la capitale, sur le même réseau social. Vraie "claque pour la mairie de Paris" ou fausse information ? Nous avons vérifié.
Non, cette loi n'est pas jugée "illégale"
Pour commencer, il est faux d'affirmer que la plus haute autorité administrative s'est prononcée contre la légalité de ce dispositif. Tout simplement parce qu'il n'est pas régi par la seule ville de Paris, mais par la loi. L'encadrement des loyers a été instauré par la loi ALUR du 24 mars 2014 et modifié par la loi ELAN du 23 novembre 2018 (nouvelle fenêtre). Celle-ci prévoit que les villes souhaitant appliquer le dispositif détermine par voie de décret le "périmètre du territoire de la collectivité demandeuse sur lequel s'applique le dispositif". Puis, chaque année, les autorités rédigent un arrêté préfectoral déterminant le montant des loyers de référence pour chaque secteur géographique.
Or, auprès de TF1 info, Nicolas Damas, professeur de droit privé à la Faculté de droit de Nancy, note que le décret de 2019, celui qui encadre le périmètre, a été validé dès 2022 par le même Conseil d'État. La juridiction a rejeté la totalité des recours des associations de défense des propriétaires. Trois arrêtés ont été attaqués par la suite. Deux d'entre eux ont été validés. Seul le tout premier, celui de 2019, pose un problème. Initialement annulé par le tribunal administratif de Paris, ce texte a ensuite été validé par la cour administrative d'appel le 2 octobre 2023 (nouvelle fenêtre). Ce lundi, le Conseil d'État est enfin venu rebattre les cartes en annulant l'arrêt de la cour d'appel. La procédure actuelle porte donc sur ce seul arrêté, qui couvre la période du 1ᵉʳ juillet 2019 au 30 juin 2020.
Alors, que reproche le Conseil d'État au texte ? Que la méthode de calcul sur laquelle s'appuyaient les écarts de loyer pour délimiter les différentes zones dans la capitale n'était pas assez fiable. Ainsi, la juridiction regrette (nouvelle fenêtre) que l'encadrement repose sur un découpage administratif ancien de la ville de Paris. Ce qui ne signifie donc pas du tout que le Conseil d'État a annulé le dispositif. Mais simplement qu'il a "estimé que la décision de valider l'arrêté de 2019 reposait sur une argumentation peu convaincante", résume l'avocat Nicolas Damas. "L'affaire est donc renvoyée devant la cour administrative d'appel."
Une décision à la portée "assez limitée"
C'est pourquoi, aux yeux de Barbara Gomes, cette décision n'a "aucune réelle incidence". "À ce stade, il n'y aucune remise en cause du cadre juridique de l'encadrement des loyers, qui dépend de l'État, Paris continuera donc à appliquer ce que lui permet la loi", nous assure-t-elle.
Une lecture que partage en partie Me Patrice Spinosi. L'avocat qui a défendu les associations de propriétaires (nouvelle fenêtre) dans leur recours devant le Conseil d'État estime que cette décision pourrait bien être une "forme de tournant dans le contrôle juridique du dispositif de l'encadrement des loyers" : "Certes, le Conseil d'État ne remet pas en question le principe même", concède l'avocat, mais, précise-t-il,"il remet en cause sa méthodologie, c'est-à-dire les outils et les méthodes retenus par l'administration pour déterminer comment sont constitués les différents secteurs géographiques à Paris."
En résumé, le Conseil d'État n'a ni supprimé ni censuré l'encadrement des loyers à Paris. C'est pourquoi, à l'heure actuelle, la portée de cette décision est "assez limitée" pour reprendre l'expression du professeur à la Faculté de droit de Nancy. Il ne faut donc pas s'attendre à la fin de cette mesure et encore moins un dédommagement des locataires pour les années passées.
Reste que la procédure n'est pas close, comme l'ont souligné la totalité de nos interlocuteurs. Si, du côté de la ville de Paris, Barbara Gomes est optimiste et veut laisser "les juges de la cour administrative souverains dans leur appréciation", du côté des associations de propriétaires, "le ver est dans le fruit". Quoi qu'il en soit, "il est trop tôt pour tirer des conséquences définitives", conclut Nicolas Damas.
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