schema:text
| - Des vidéos populaires sur TikTok et Instagram affirment qu’il est important de mettre de la crème solaire tous les jours, même en hiver.Plusieurs spécialistes contactés expliquent que la crème solaire n’a pas vocation à être appliquée sur une base quotidienne, en particulier lorsque les UV sont faibles.La peau ayant besoin de lumière, trop se protéger peut avoir des effets négatifs.
On les compte par plusieurs dizaines sur les réseaux sociaux : des vidéastes, souvent jeunes, montrent leur crème solaire préférée et conseillent à leurs abonnés d’en mettre "tous les jours" en intégrant ce produit à leur "routine matinale". Si la tendance n’est pas nouvelle, elle essaime de nouveau cet hiver, en particulier sur TikTok (nouvelle fenêtre) et Instagram. Soi-disant "Meilleur anti-âge", "lutte contre les UV invisibles en hiver", "sans danger" : les arguments s’enchainent au fil des vidéos. Mais quels sont ceux qui sont réellement valables ? Nous avons posé la question à plusieurs dermatologues et experts pour faire le point.
"Même en hiver, il faut se protéger du soleil" ? Oui, si l'indice UV est élevé
Principal argument mis en avant par les vidéos : le fait que les crèmes permettraient de se protéger des rayons du soleil, "toujours présents en hiver". Devant ces affirmations générales, il faut distinguer deux types de rayons UV : les rayons ultraviolets A (UVA), qui représentent la quasi-totalité des rayons qui atteignent la terre et peuvent endommager la peau, et les rayons ultraviolets B (UVB), responsables des coups de soleil et de potentiels cancers de la peau. "Les UVB sont moins forts en hiver, mais les UVA passent toujours dans la peau et abiment les cellules", confirme Isabelle Gallay, dermatologue et vice-présidente du Syndicat national des dermatologues-vénéréologues (nouvelle fenêtre).
Cependant, elle ajoute que "la crème solaire n’est pas nécessaire toute l’année pour se protéger du soleil, sauf dans des conditions particulières, si on travaille en extérieur, si on fait du ski pendant l’hiver". Et de fait, la quantité d’UV augmente de 10% tous les 1000 m de dénivelé. En montagne, l’intensité d’UV est 30% supérieure par rapport à la plage, et la neige entraine une augmentation de la réverbération des UV jusqu’à 80% rappelait le SNDV (nouvelle fenêtre) dans une campagne de prévention en 2023.
Selon Santé Publique France (nouvelle fenêtre), des indices UV inférieurs à 3 ne nécessitent pas d’utiliser de la crème solaire. Au-delà de 7, il est recommandé d’en utiliser une avec un indice de protection 50. Actuellement en France métropolitaine, les indices UV oscillent entre 0 et 2 selon des données disponibles sur des cartes en ligne comme ici (nouvelle fenêtre).
Les spécialistes rappellent cependant que chaque année en France, entre 140.000 et 240.000 nouveaux cas de cancers de la peau (nouvelle fenêtre) sont détectés, en faisant le type le plus répandu et le plus fréquent de cancer chez les adultes âgés de 25 à 50 ans. Se protéger lors d’une exposition prolongée au soleil avec une crème solaire est donc toujours la meilleure solution. Mais "pour être vraiment efficace, une crème solaire doit être appliquée toutes les deux ou trois heures", rappelle Brigitte Dreno (nouvelle fenêtre), professeure en dermato-ontologie au CHU de Nantes et experte pour l'Inserm. Ainsi, en appliquer seulement une seule fois dans le cadre d’une routine matinale n’est pas efficace face aux rayons UV si la personne est exposée au soleil toute la journée.
"La crème solaire ralentit le vieillissement de la peau" ? Vrai, mais à nuancer
Dans leur "morning routine", beaucoup de vidéastes expliquent que les crèmes solaires permettent de diminuer le vieillissement cutané. Plusieurs études, dont celle du Conseil australien de la santé et de la recherche médicale (nouvelle fenêtre) datant de 2013, ont effectivement montré les bienfaits d’une utilisation régulière pour ralentir le photo-vieillissement.
Autre donnée importante : distinguer les crèmes solaires dites "chimiques", qui neutralisent les rayons UV, des "minérales", qui réfléchissent les rayons UV. "Si on est devant un ordinateur du matin au soir, il peut être utile de mettre un écran minéral qui limite les ondes lumineuses émises par les écrans qui ont aussi une incidence sur le vieillissement de la peau", schématise Isabelle Gallay. Mais selon elle, trop en mettre empêche les bienfaits de la lumière. "Le matin, lorsqu’on se prépare, le soleil est bas, la lumière est juste suffisante pour faire du bien. L’organisme a besoin de la lumière, et cela a des effets bénéfiques pour synthétiser de la vitamine D et pour le bien-être des cellules."
Concrètement, une forte carence en vitamine D (nouvelle fenêtre) peut entrainer des troubles musculaires, voire dans le pire des cas de l’ostéoporose. Néanmoins, aucune étude n’a pour l’heure prouvé qu’une application quotidienne de crème solaire pouvait avoir une incidence importante à ce niveau. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a de son côté recommandé (nouvelle fenêtre) récemment de supprimer toute mention d'une protection solaire sur l'emballage des produits cosmétiques intégrant un filtre UV afin d'éviter la confusion avec les crèmes solaires.
"C'est sans danger" ? Les experts recommandent la prudence
Enfin, un des principaux arguments développés dans les vidéos est une routine qui serait "sans risque" et qui ne présenterait que des effets positifs. À ce jour, un consensus scientifique existe globalement autour du fait que la crème solaire reste un produit sûr et efficace. Les conséquences néfastes sont globalement secondaires mais existent cependant. "En mettant des produits sur sa peau de façon quotidienne, on favorise une sensibilisation, donc on peut aussi potentiellement déclencher des allergies ou des irritations", explique la dermatologue Isabelle Gallay.
"Quand je lis le terme de 'routine matinale', je suis assez circonspecte", ajoute Brigitte Dreno du CHU de Nantes. "La crème solaire est souvent appliquée avant le maquillage. Au niveau du visage, c’est une action qui va faire pénétrer d’autant plus la crème, et on ne peut pas éliminer les conséquences de potentiels perturbateurs endocriniens, en particulier dans les crèmes solaires chimiques."
Pour certaines crèmes, des substances avaient effectivement été pointées du doigt, notamment en 2021, comme l’octocrylène, qui se dégradait dans les flacons en un contenu cancérigène et perturbateur endocrinien, le benzophénone (nouvelle fenêtre). Mais comme le rappelle l’AFP (nouvelle fenêtre), ces substances chimiques ont amené la Commission européenne à modifier leur limite maximum de concentration ces dernières années. C'est le cas de l’homosalate, qui est interdite en Europe depuis janvier 2025 (nouvelle fenêtre). Elle a également annoncé "réviser la recommandation sur les allégations de sécurité et d’efficacité des produits de protection solaire" formulée en 2006 aux industriels (nouvelle fenêtre).
Aucune étude indépendante explorant spécifiquement les effets de l’utilisation de la crème solaire au quotidien et sur le long terme n’a pu être trouvée par nos soins. Le seul document s’en approchant a été publié le 16 avril 2024 dans la Bibliothèque nationale de médecine aux États-Unis (nouvelle fenêtre). L’étude est à prendre avec des pincettes, deux docteurs y ayant participé ayant eu des missions rémunérées avec des grands groupes cosmétiques ou pharmaceutiques comme L’Oréal, Pfizer ou Sanofi. Néanmoins, l’étude menée sur des poissons et des rats signale "des perturbations des œstrogènes" ou sur les "hormones thyroïdiennes" en nuançant que ces effets sont "considérés comme négligeables" pour l’homme.
"C’est une étude très compliquée à mener du fait de la variété des crèmes solaires", analyse Virginie Prod’homme, chercheuse dans l'équipe Microenvironnement, signalisation et cancer de l’Inserm. "De nouvelles molécules sont fréquemment testées, et on n’a pas encore le recul sur leurs effets pour une application non prévue pour une crème solaire, c'est-à-dire au quotidien." À ce jour, l'Anses nous confirme qu'aucune alerte concernant des crèmes solaires n'a été émise.
Des opérations marketing déguisées ?
Au fil des vidéos, l’équipe des Vérificateurs a pu constater que de nombreux utilisateurs faisaient la promotion de crèmes solaires spécifiques. Des campagnes de promotion plus ou moins déguisées, dont certaines pour des produits vendus à l’étranger, notamment sud-coréens. "Les crèmes qui restent sur le marché en France sont celles qui ont passé les tests, donc le risque est a priori minime", abonde Brigitte Dreno. "Mais les normes ne sont pas les mêmes partout, et il faut être vigilant quant aux crèmes achetées en ligne et venant d’autres régions du monde", alerte-t-elle.
Isabelle Gallay explique voir régulièrement des jeunes filles et garçons empiler les cosmétiques car influencés par ces vidéos. "Tous les conseils ne sont pas mauvais, mais il ne faut pas oublier que mettre trop de produits sur sa peau n’est pas une bonne idée, car cela peut développer a minima de l’acné ou des irritations sur les peaux des plus jeunes", ajoute-t-elle. Tous les experts contactés ont souligné de la même façon que les crèmes solaires n’avaient pas pour objectif d’être utilisées au quotidien, et que l’absence de données en la matière appelait à la prudence.
Vous souhaitez nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable ? N'hésitez pas à nous écrire à l'adresse lesverificateurs@tf1.fr. Retrouvez-nous également sur X : notre équipe y est présente derrière le compte @verif_TF1LCI.
|