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| - Thierry Mariani assure que l'économie russe est en pleine croissance.D'après l'eurodéputé RN proche de Moscou, la Russie serait "la quatrième économie mondiale".L'indicateur utilisé par l'élu n'est pas adapté pour des comparaisons internationales.
Plus de 1000 jours de guerre et une économie qui s'en sort bien. Alors que la communauté internationale tente de limiter les capacités de la Russie à poursuivre son invasion de l'Ukraine en lui imposant des sanctions économiques, certains observateurs assurent, à l'instar de Thierry Mariani, que ces efforts sont vains. Sur son compte X, l'eurodéputé d'extrême droite a déclaré ce jeudi 21 novembre que "d'après le classement des PIB mondiaux en parité de pouvoir d'achat, la Russie est depuis deux ans la quatrième économie mondiale". "Bravo Le Maire pour les sanctions", a-t-il ironisé ensuite, en référence aux propos de l'ancien ministre de l'Économie Bruno Le Maire sur l'économie russe, tenus en 2022 puis en 2024 .
Pour preuve, ce fervent défenseur du narratif pro-russe, impliqué par exemple (nouvelle fenêtre) dans la campagne de désinformation Doppelganger, partage un tableau. Contrairement aux accusations de certains internautes, il s'agit bien d'une image authentique. Elle provient de la liste des pays par PIB (PPA), soit le produit intérieur brut basé sur la parité de pouvoir d'achat. Disponible sur Wikipédia (nouvelle fenêtre), il s'appuie sur les très officielles données du Fonds monétaire internationale (FMI) qui met à jour ces chiffres au niveau mondial (nouvelle fenêtre) deux fois par an. La dernière mise à jour remonte à la fin du mois d'octobre. Et on retrouve bien la Russie en quatrième position, derrière la Chine, les États-Unis et l'Inde. La France n'arrive qu'en 9ᵉ position.
Un indicateur peu adapté
Un constat en totale contradiction avec le classement des pays par PIB nominal, dominé par les États-Unis. En partant de ces données, toujours compilées par le FMI (nouvelle fenêtre), la Russie dégringole en 11ᵉ position quand la France remonte à la 7ᵉ place. Alors, comment expliquer un tel paradoxe ? Interrogé par TF1info, l'économiste Julien Vercueil explique que contrairement au PIB nominal, calculé à partir du taux de change des marchés, le PIB par PPA utilise un taux de change théorique.
Créé et uniformisé par une formule économique, il est calculé en quatre étapes. On définit un panier de biens censé représenter la consommation des ménages, on mesure le prix de ce panier en monnaie locale, puis son prix en dollars américains et enfin, on divise le prix du panier en monnaie locale par le prix du panier en dollars. "Par exemple, si le panier coûte 8000 roubles à Moscou et 100 dollars à New-York, le taux de change de PPA est de 80 roubles pour un dollar", schématise l'économiste spécialiste de la Russie. Ce taux va donc s'écarter du taux de change courant (nouvelle fenêtre), beaucoup plus volatile. Son intérêt ? Évaluer le seul marché intérieur d'un État, par exemple pour étudier le seuil de pauvreté de ce pays.
Toutefois, étant donné que cet indicateur ne prend pas en compte le taux de change du marché international, s'en référer pour tirer des conclusions sur une situation internationale est trompeur, selon le vice-président de l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). "Ce n'est pas pour cela que les taux de change de parité de pouvoir d'achat ont été conçus par les économistes", souligne-t-il en effet.
C'est d'autant plus vrai dans la situation économique actuelle, tant le rouble ne cesse de dévisser (nouvelle fenêtre). Ce vendredi encore, il avait atteint son plus bas par rapport au dollar depuis mars 2022, selon des chiffres officiels de la Banque centrale de Russie. Ce à quoi s'ajoutent d'autres critères qui peuvent influencer l'écart entre le PIB nominal et l'indicateur mis en avant par Thierry Mariani. "Si peu de biens du panier russe utilisé dans notre calcul sont importés, si leur qualité est inférieure à celle des biens américains, si l'État manipule les prix des biens du panier pour les maintenir à un faible niveau", le taux de change théorique calculé par les économistes sera beaucoup plus fort que le taux de change courant. "En général, plus le pays est pauvre (nouvelle fenêtre), plus l'écart entre les deux indicateurs est important", souligne Julien Vercueil.
En résumé, la comparaison de Thierry Mariani "pose un problème méthodologique", pour reprendre l'expression de notre interlocuteur. Cet indicateur "ne peut pas être une mesure précise de la puissance économique d'un pays". D'autant que plusieurs autres indicateurs montrent plutôt que l'économie de la Russie n'est pas aussi prospère que laisse penser l'eurodéputé proche de Moscou.
Si l'économie russe connaît "une légère croissance" (nouvelle fenêtre), grâce à l'effort de guerre et la production d'armes, le conflit et les sanctions lui ont coûté 5% de son PIB, d'après les évaluations (nouvelle fenêtre)de Julien Vercueil. L'inflation est également en train de peser sur la population. Officiellement aux alentours de 9%, elle serait en réalité nettement plus élevée. L'institut Romir, qui étudie le prix d'un panier moyen chaque mois, l'évaluait début octobre à 22% (nouvelle fenêtre) sur un an. À ce stade, c'est essentiellement la demande et les dépenses du gouvernement russe qui permettent de stimuler l'économie. Et compenser pour l'heure l'exode des sociétés occidentales.
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