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| - Non, l'Union européenne ne préconise pas de repousser l’âge de la retraite à 67 ans ou plusFAKE OFF•Publié ce mois-ci, un rapport de projections économiques à l'horizon 2070 est critiqué par plusieurs élus
Alexis Orsini
L'essentiel
- Pour la Commission européenne, la France et les autres Etats membres de l'UE auraient tout intérêt à repousser l'âge de la retraite de quelques années.
- C'est du moins la préconisation qui est attribuée à cette institution européenne par certains politiques, sur la base d'un rapport de projections à l'horizon 2070, publié au début du mois.
- Contactée par 20 Minutes, la Commission européenne conteste toute valeur contraignante à ce document informatif, et indique ne pas avoir émis une telle recommandation.
Les citoyens de l’Union européenne, tous pays confondus, doivent-ils s’attendre à voir l’âge de leur retraite repoussé jusqu’à 67 ans, voire jusqu’à 70 ans et plus ?
Un tel scénario serait sur la table, selon plusieurs responsables politiques. A commencer par Marc Botenga, l’eurodéputé de la gauche unitaire européenne, qui s’en est inquiété sur l’antenne de Public Sénat, il y a quelques jours : « La Commission européenne, dans un rapport, propose de porter l’âge du départ à la retraite à 70 ans, 72 ans notamment en Lituanie, alors que l’espérance de vie en Lituanie est de 71,5 ans. »
« Page 58 de ce rapport publié en mai par la Commission européenne, il est demandé le report à 67 ans (!) de l’âge de départ à la retraite en France. Et même 70 ans en Italie ! L’UE c’est ça ! Et ce ne sera jamais autre chose qu’une machine à casser les peuples ! Frexit vite ! » s’est quant à lui alarmé, source à l’appui, Florian Philippot, conseiller régional dans le Grand Est et président du mouvement des Patriotes.
Si ce document de plus de 350 pages est bien disponible sur le site de la Commission européenne depuis le 7 mai, il ne fait qu’avancer des « projections économiques et budgétaires pour les Etats membres de l’Union européenne [sur la période] 2019-2070 », comme l’indique d’emblée son titre.
FAKE OFF
« C’est un rapport d’analyse, il a donc une valeur informative mais aucune valeur contraignante. Ces rapports "Institutional papers" analysent la situation économique et son évolution », confirme à 20 Minutes la Commission européenne à propos de ce document, réalisé par le Comité de politique économique (CPE), un organe consultatif chargé de coordonner les politiques des Etats membres.
Les missions de cette structures sont variées puisqu’elles vont de l’élaboration de « recommandations en matière de politiques structurelles visant à stimuler le potentiel de croissance et d’emploi dans l’UE » à la réalisation d’« analyses économiques et [d’]avis relatifs aux méthodes », en passant par l’évaluation de « l’évolution de la situation macroéconomique à court et à moyen terme dans les États membres et dans l’UE ».
« Projections macroéconomiques »
Le rapport du 7 mai 2021 relève de ce dernier cas de figure, comme le précisent ses auteurs dès les premières pages et comme le détaille la direction générale des affaires économiques et financières de la Commission européenne à 20 Minutes : « Le rapport 2021 sur le vieillissement présente en effet des projections macroéconomiques et budgétaires (dans les domaines des retraites, santé, dépendance et éducation) à long terme pour tous les États membres de l’UE. »
« Ce rapport est préparé conjointement avec les États membres […], ce n’est donc pas stricto sensu un "rapport de la Commission européenne", mais un rapport joint des Etats membres-Commission. L’ensemble des hypothèses qui sous-tendent ce rapport ont été préalablement (longuement) discutées et soumises à l’accord des États membres. Ce rapport est préparé tous les 3 ans – depuis 2006 », poursuit la DG ECFIN.
Projections à droit constant
En se basant sur les récentes réformes des retraites adoptées au sein des Etats de l’UE ces dix dernières années, et en se projetant (très) loin dans le futur en partant du postulat que chacune de ces politiques reste le modèle de référence, le CPE en est ainsi venu à noter que « de nombreux Etats membres envisagent de repousser de nouveau l’âge de la retraite, ce qui amènerait la moyenne au sein de l’UE de l’âge statutaire de retraite des hommes de 65 ans aujourd’hui à 67 ans en 2070 et de 60,4 ans pour les femmes à 63 ans ».
« De plus, les conditions requises [pour la retraite] vont évoluer, avec un allongement des périodes de contribution minimum et des mesures dissuasives renforcées, telles que des pénalités en cas de retraite anticipée », poursuit la page 31 du rapport.
Impact de la réforme de 2010
La fameuse page 58, citée comme source par Florian Philippot, compile pour sa part les projections de l’âge du taux plein automatique dans chaque Etat membre aux horizons 2030, 2050 et 2070. Ainsi, alors qu’il était en moyenne de 66,8 ans en France en 2019 – même si le taux plein peut être atteint dès 62 ans, à condition de disposer du nombre de trimestres de cotisation requis –, il passe à 67 ans dès 2030, un chiffre qui reste en vigueur en 2050 et 2070. Cette évolution ne fait que reprendre les dispositions prévues par la réforme des retraites de 2010 (loi Woerth). Elle n’intègre pas les dispositions envisagée par le projet de loi mis entre parenthèses depuis la crise sanitaire.
Et la DG ECFIN d’ajouter sur ce point : « Le rapport 2021 sur le vieillissement ne contient pas de recommandations de politique économique. Il indique, dans le scénario de référence […], les tendances futures économiques et budgétaires "à législation inchangée" […]. Le rapport contient également des scénarios alternatifs, par exemple, faisant l’hypothèse d’âges constants à leur niveau actuel, ou au contraire, d’un ajustement partiel automatique de l’âge de départ à la retraite aux gains d’espérance de vie. Les résultats présentés illustrent les implications budgétaires à long terme de ces différents scénarios. »
Une préconisation en revanche bien réelle pour la Lituanie
Non contente de confirmer qu’elle ne préconise nullement de repousser l’âge de la retraite à 70 ans au sein de l’UE, la Commission européenne nous rappelle enfin que « la politique économique de la France est décidée en France ». « Chaque État est libre de décider du niveau et de la répartition de ses dépenses publiques (éducation, santé, retraite, défense, etc.). La Commission européenne n’impose rien, elle veille à ce que les États membres de l’UE respectent les règles qu’ils se sont eux-mêmes fixées. Ni plus, ni moins », conclut-elle.
Comme le rapportait le site spécialisé Euractiv fin avril 2021, elle a en revanche bien estimé, dans un « récent document », que la Lituanie devrait « porter l’âge maximum du travail à 72 ans si elle veut maintenir son "rapport de dépendance" actuel – le ratio entre les personnes en âge de travailler et les personnes âgées qu’elles doivent aider » dans un pays dont « 35 % de la population est âgée de plus de 55 ans. »
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