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| - Trente-deux départements de gauche ont annoncé leur intention de ne pas appliquer une disposition du projet de loi immigration.Ils protestent contre le délai de carence imposé aux étrangers pour le versement de certaines aides, notamment l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) dont ils ont la charge.Pourront-ils le faire ?
La fronde s'organise contre le projet de loi immigration adopté mardi au Parlement. Mercredi, 32 départements de gauche ont fait savoir qu'ils refusaient d'appliquer la "préférence nationale" prévue, selon eux, par la loi. "Nous, présidentes et présidents de départements de gauche, refusons l'application du volet concernant l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) de cette loi inspirée par l'extrême droite", ont indiqué dans un communiqué ces 32 départements, emboîtant le pas à ceux du Lot et de la Seine-Saint-Denis qui avaient été les premiers à se rebeller.
Ce qu'ils pointent du doigt, c'est le délai de carence imposé aux étrangers pour bénéficier de certaines prestations sociales. Dans le texte issu de la commission mixte paritaire et adopté par les parlementaires, on lit que pour bénéficier des prestations familiales listées à l'article L511-1 du Code de la sécurité sociale, les étrangers en situation régulière qui ne travaillent pas devront attendre 5 ans, 30 mois pour ceux qui travaillent (trois mois pour l'APL). Mais ces aides sont versées par l'État, les départements n'ont pas la main dessus.
Pourquoi il n'est question que de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) ?
En revanche, le projet de loi indique que ces mêmes délais s'imposeront à la prestation listée à l'article L. 232-1 du Code de l'action sociale et des familles, à savoir l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Cette dernière, destinée à aider le maintien à domicile ou l'installation dans un établissement spécialisé des personnes de plus de 60 ans en perte d'autonomie, est en revanche bien versée par les départements. C'est pourquoi seule cette dernière est mentionnée dans leur communiqué, il s'agit de la seule sur laquelle ils ont un vrai moyen d'action.
Pourront-ils contourner la loi ?
Mais ont-ils le droit de refuser d'appliquer la loi ? Pas vraiment. C'est pourquoi les départements annoncent qu'ils la contourneront en créant une nouvelle aide à destination de ces publics. Invoquant l'article 72 de la Constitution sur l'autonomie des collectivités territoriales, le président de la Seine-Saint-Denis Stéphane Troussel (PS) a confirmé mercredi sur BFMTV que ces 32 département créeront "une prestation extra-légale, volontariste, qui compensera pour les personnes qui en seraient privées la possibilité de percevoir cette aide". Ce jeudi sur France Bleu il a redit qu'il avait "la possibilité de mettre en place des prestations dites volontaristes, selon les critères que l'assemblée délibérante fixera".
Le président du département du Lot Serge Rigal (DVG, ex-PS) a lui aussi proposé de "créer une nouvelle allocation d'autonomie universelle qui donnera exactement les mêmes droits aux Lotois qui seraient exclus par cette loi".
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L'ombre des tribunaux administratifs
Toutefois, même ce contournement de la loi pourrait être annulé par la justice. Selon Michel Verpeaux, professeur émérite de droit public à l'université Panthéon-Sorbonne cité par l'AFP, les départements qui contourneraient la loi "s'exposent à des annulations des tribunaux administratifs que pourront saisir les préfets s'ils ne respectent pas la loi". Une possibilité envisagée par Stéphane Troussel. En cas de recours devant le tribunal administratif, la préfecture de Seine-Saint-Denis ira "plaider pour la possibilité de maintenir cette aide à des personnes âgées dépendantes en perte d'autonomie", a-t-il assuré.
"La loi s’impose à tous, surtout quand on est élu par le peuple français", a réagi ce jeudi matin le ministre de l'Économie Bruno Le Maire. C'est "très sympathique de mettre la main sur le cœur, de dire 'je vais m'opposer', mais il y a une démocratie (...) Il est bon que tout le monde respecte les décisions de la souveraineté populaire, en particulier les élus", a-t-il dit sur CNews. Même le président de Départements de France François Sauvadet a appelé ses confrères à respecter la loi. "Mon engagement est ferme : une fois la loi en vigueur, elle sera appliquée dans un strict respect des institutions républicaines", a prévenu le président UDI du département de Côte-d'Or.
En 2021, les versements d'APA ont représenté un montant de 6,38 milliards d'euros pour les départements, selon les chiffres communiqués à l'AFP par l'association Départements de France.
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