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| - Covid-19 : Non, les masques ne sont pas la cause des microplastiques retrouvés dans les poumonsFAKE OFF•Plusieurs études mises en avant dans un article du « Guardian » parlent des microparticules de plastiques « omniprésentes dans l’environnement »
Romarik Le Dourneuf
L'essentiel
- Un article d’un quotidien britannique révèle que des chercheurs ont trouvé, pour la première fois, des microplastiques dans les poumons de patients vivants. Des internautes ont fait le lien avec le polypropylène présent dans la composition des masques utilisés contre le Covid-19.
- La présence dans les poumons de ces microplastiques est due à leur omniprésence dans notre environnement, dans l’eau et dans l’air que nous respirons.
- Selon le professeur Jean-François Gérard et l’Anses, il n’y a pas d’inquiétude à avoir au sujet des masques s’ils sont utilisés selon les recommandations.
«Les masques contribuent à implanter des microplastiques profondément dans les poumons… » Depuis plusieurs jours, cette alerte est partagée des centaines de fois sur les réseaux sociaux. Inquiet, un de nos lecteurs nous a transmis cette rumeur via notre messagerie WhatsApp.
Quelques clics sur Twitter ou sur Telegram suffisent à découvrir les messages publiés par les internautes : des particules de polypropylène, présent dans la composition des masques chirurgicaux grand public dont le port a été imposé et généralisé depuis le début de la pandémie de Covid-19, ont été trouvées dans les poumons et dans le sang de patients par des chercheurs.
La plupart de ces messages sont accompagnés d’une capture d’écran du très sérieux journal britannique The Guardian titrée Des microplastiques trouvés dans les poumons profonds de personnes vivantes pour la première fois. Parmi ces microplastiques, le polypropylène est même souligné en début d’article. Il est également souligné dans une autre image qui accompagne la première, une capture d’écran d’un site de vente (probablement Amazon), qui propose des masques chirurgicaux fabriqués dans cette matière. Certains vont plus loin et disent que porter un masque équivaut à « respirer de l’amiante à plein poumons ».
FAKE OFF
Après avoir épluché la composition des masques d’une dizaine de marques différentes, il ne fait aucun doute que le polypropylène est l’élément principal de ces protections. Une donnée que l’Agence Nationale Sécurité Sanitaire (Anses) confirme sur son site. Il s’agit d’un polymère thermoplastique utilisé dans tous types d’industries, des tableaux de bords de voitures aux appareils électroménagers, en passant par certains emballages alimentaires. Sa fabrication permet d’obtenir une substance solide qui conserve une certaine souplesse, une qualité qui en fait le polymère le plus utilisé au monde.
Le polypropylène fait bien partie des microplastiques cités par The Guardian. L’article, publié le 6 avril 2022, ne fait aucune mention des masques chirurgicaux. Si des particules de microplastiques ont bien été trouvées pour la première fois dans les poumons profonds de patients vivants, les études citées révèlent que cette présence est due à la pollution de manière générale, pas des masques en particulier.
Des particules omniprésentes dans l’environnement
Jean-François Gérard, directeur-adjoint à l’Institut de Chimie du CNRS et professeur à l’Institut national des sciences appliquées (INSA), explique ce phénomène : « Nous absorbons tous les jours de très grandes quantités de particules. Des poussières minérales, comme le sable, des particules carbonées, des végétaux. » Mais d’autres, issues de l’activité humaine, sont aussi de la partie. « Les pneus de voitures lorsqu’ils s’usent, les fibres textiles d’un vêtement qu’on lave, l’usure d’une surface qu’on frotte… Tous produisent des microparticules de plastique qui se retrouvent dans l’eau ou dans l’air. » Ainsi, inévitablement, nous les retrouvons dans nos organismes et elles peuvent provoquer des cancers, des difficultés respiratoires, voire altérer certains de nos gènes.
Les masques chirurgicaux sont donc composés, on l’a dit, de polypropylène, sous la forme de fils très fins et non-tissés, de l’épaisseur d’un cheveu. Ajoutés les uns aux autres, ils forment un tamis souple, qui laisse passer l’air mais piège les gouttelettes et autres particules. De là à les retrouver au fond de nos poumons ?
Plus d’avantages que de risques à porter un masque
Jean-François Gérard se veut rassurant : « Les études manquent encore sur le sujet. Mais les premières, publiées en 2021, montrent que les masques protègent davantage des microplastiques présents dans l’atmosphère qu’ils ne présentent un risque pour leur porteur. » Même son de cloche du côté de l’Anses qui, au regard d’enquêtes menées par la DGCCRF, a publié son avis en décembre 2021 et ne constate « pas de dépassement des seuils sanitaires en contaminants chimiques ».
Ces données rassurantes ne valent qu’à condition de bien utiliser ces masques à usage unique. Lavées, désinfectées ou après avoir passé toute la journée à se frotter à l’intérieur d’une poche, les fibres de polypropylène peuvent s’abîmer. Le tamis laisse alors apparaître des espaces pour les microparticules extérieures. A ce moment, quelques fibres pourraient être ingérées ou respirées. Mais toujours pas de quoi inquiéter Jean-François Gérard. Le polypropylène utilisé est « inerte », c’est-à-dire qu’il ne présente pas de toxicité particulière : « Il y a une confusion avec l’amiante , dont la forme des particules, très aiguë, a un pouvoir inflammatoire sur les poumons. Le polypropylène ne provoque pas ces effets. »
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