schema:text
| - Une fois de plus, « 20 Minutes » a été recopié pour servir la propagande russeFAKE OFF•Cette fois, c’est une vidéo qui aurait été produite par notre service en interne qui a été diffusée sur Telegram. Mais la vidéo est fausse
Lina Fourneau
L'essentiel
- Sur la messagerie cryptée Telegram, une chaîne suivie par plus de 41.000 personnes a diffusé une vidéo qui serait produite par « 20 Minutes ».
- La production revient sur l’affaire des fausses couvertures de « Charlie Hebdo » et accuse un journaliste russe en exil, Ilya Ber.
- Mais cette vidéo n’a jamais été produite par « 20 Minutes ». Notre charte graphique a tout simplement été recopiée, sans doute dans le cadre d’une campagne de désinformation menée par un réseau russe.
Nous aimerions bien dire que l’on s’habitue, mais non. Une fois de plus, 20 Minutes a vu son nom être réutilisé à des fins de propagande russe. En octobre dernier, des pirates informatiques avaient copié plusieurs sites de médias européens, dont le nôtre. Cette fois, ce sont nos vidéos qui ont été prises pour cible.
Tout commence ce lundi, lorsque nous recevons à la rédaction une alerte d’Alexandre Capron, journaliste pour Les Observateurs de France 24. Une de nos vidéos circulerait sur le réseau social Telegram, plateforme de messagerie instantanée et cryptée et plus exactement sur une chaîne russe nommée « Раньше всех. Ну почти. Спецоперация » [ce qui veut dire « Plus tôt que d’autres. Presque. Opération spéciale »]. A ce jour, elle est suivie par plus de 41.000 personnes.
Un faux coupable désigné
Sans cette alerte, la vidéo signée 20 Minutes aurait pu continuer à circuler. Le problème, c’est qu’elle n’a jamais été produite en interne, mais reprend tous les codes de notre charte graphique et porte à confusion. Le nom d’une de nos journalistes du service vidéo, Suzana Nevenkic est même repris pour la désigner comme l’autrice de cette production.
Mais que raconte cette vidéo ? En deux minutes, elle revient sur l’histoire des couvertures de Charlie Hebdo en Russie. Six mois plus tôt, six fausses Unes du magazine satirique avaient été relayées sur des chaînes Telegram russes. D’après la vidéo qui aurait été produite par notre rédaction, son auteur serait Ilya Ber, un journaliste russe en exil et fondateur du média de vérification Provereno.
« Une vidéo quasi identique »
Toujours un peu sous le choc de voir son nom accolé à cette histoire, Suzana Nevenkic confirme qu’elle n’est pas à l’origine de cette vidéo. « Au sein de mon équipe, ça nous perturbe. La vidéo est quasi identique aux nôtres », confie-t-elle. Et pour cause, tous les codes graphiques et les éléments qu’on pourrait retrouver dans nos productions vidéo sont présents… « même les plus costauds ». Par exemple, le logo en haut à droite qui se remplit au fur et à mesure, ce n’est pas une mince affaire, selon Suzana.
Toutefois, après plusieurs visionnages, l’œil de notre journaliste vidéaste a tout de même détecté quelques incohérences. La police n’était pas exactement la même, ce n’est pas les mêmes génériques de début ou de fin et la vitesse a été modifiée. Mais aurait-il été possible de détecter ces différences pour une personne extérieure au service vidéo ? Pas sûr. De son côté, Les Observateurs remarquent tout de même des erreurs de syntaxe dans la vidéo, par exemple les termes « médias mondiaux » ou « médias satiriques occidentales ».
Un simple recopiage
Au sein de la rédaction de 20 Minutes, une question reste en suspens. Le template de nos vidéos a-t-il été volé ou la charte a-t-elle uniquement été reproduite à l’identique ? Côté pôle vidéo, Suzana Nevenkic se demande si elle n’a pas été piratée. En effet, un mois plus tôt, son ordinateur avait connu un petit coup de folie. « Les pages Internet s’ouvraient de manière très rapide et aléatoire. Je n’avais plus de contrôle sur mon ordinateur », raconte-t-elle.
Doit-on y voir un lien ? Pas forcément, répond le côté tech. « Il n’y a ni piratage, ni hack », tranche notre CTO (Chief Technical Officer) Aurélien Capdecomme. La personne malveillante a surtout dû télécharger une de nos vidéos depuis la plateforme où nous les publions habituellement et remplacer les éléments par ce qu’il voulait à la place. « Il faut juste savoir télécharger », ajoute-t-il… et assurer un montage vidéo, sans doute.
La mécanique se répète
Depuis le début de la guerre en Ukraine, de nombreuses plateformes de médias ont été usurpées pour diffuser de la propagande prorusse. Dès le mois d’octobre dernier, le site Internet de 20 Minutes avait été recopié. Mêmes couleurs, même présentation. Seul élément distinctif : l’URL « 20minuts.com ». Au milieu de vrais articles, étaient diffusées des informations autour de mensonges ukrainiens ou de violences commises par les troupes de Kiev. C’était alors la maison mère de Facebook - Meta - qui avait donné l’alerte face à un réseau russe de désinformation qui aurait investi plus de 100.000 euros dans cette petite manipulation.
Plus récemment, Le Parisien a également fait les frais de cette campagne de désinformation. Le quotidien avait alors été accusé de prendre position pour Poutine et contre l’Ukraine. Une fois de plus, le lecteur retrouve un site copié à l’identique. Mais une fois de plus, le média n’était pas à l’origine du contenu et les informations avaient été recopiées sur un nom de domaine différent. Le journal a d’ailleurs annoncé porter plainte dans le but de récupérer le nom de domaine frauduleux.
|