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| - Une vidéo vue plus de 30 millions de fois s'inquiète du sort de Gonzalo Lira.Ce citoyen américain serait "emprisonné depuis cinq ans en Ukraine pour avoir critiqué Zelensky".Il s'agit d'un raccourci trompeur.
À l'heure où le soutien de l'Occident flanche, cette accusation a pour objectif de discréditer Kiev et son gouvernement. Selon le patron du réseau social X, un citoyen américain serait "emprisonné depuis cinq ans en Ukraine". Son tort ? "Avoir réalisé des vidéos", écrit Elon Musk ce dimanche 10 décembre dans une publication vue 26 millions de fois. Pour preuve, ce défenseur de la liberté d'expression absolue cite un entretien de l'éditorialiste Tucker Carlson avec le père de ce prisonnier.
Un relais du Kremlin
Dans la séquence, diffusée par la plateforme X, l'une des voix les plus influentes de l'Amérique conservatrice affirme qu'un certain Gonzalo Lira serait emprisonné en Ukraine. L'ancien présentateur star de Fox News débute en dressant le portrait de ce "citoyen américain", présenté comme un YouTubeur "qui montrait la vie à l'intérieur de l'Ukraine". Une vidéo de l'homme en question le montre face caméra, casquette vissée sur la tête et cigarette à la main, décrivant le régime de Kiev comme "meurtrier et qui a soif de sang".
Selon Tucker Carlson, c'est parce que cet homme a dit ce qu'il pensait "factuellement" de la guerre en Ukraine qu'il aurait été arrêté. Propos répétés par son père qui indique lors d'un entretien que Gonzalo Lira est en prison "pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression". "Il est détenu pour avoir critiqué le régime nazi de Zelensky, soutenu par le gouvernement américain", ajoute le père. De quoi pousser l'éditorialiste amateur de théories complotistes - qui lui ont valu son poste de présentateur - à critiquer le régime de Kiev, cette "supposée démocratie". Et remettre en question l'aide américaine.
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Pour en savoir plus, nous nous sommes tournés vers les différentes annonces du côté de l'Ukraine. Dès le 5 mai, quatre jours après son arrestation, les services de sécurité d'Ukraine diffusent une information au sujet de ce "blogueur étranger" arrêté chez lui, à Kharkiv. Il est accusé d'avoir "créé et diffusé des documents justifiant l'agression armée de Poutine contre l'Ukraine" et d'avoir "diffusé des fausses informations" à ce sujet. Dans une communication sur Telegram, les autorités ajoutent que la perquisition à son domicile a révélé des "preuves supplémentaires de ses activités illégales", notamment des données trouvées sur ses téléphones portables et son ordinateur.
Si on ne connait pas exactement quels sont les propos retenus par l'accusation, il est clair que dans ses interventions, Gonzalo Lira n'a pas uniquement "critiqué Zelensky". Il a assuré que le président ukrainien utilisait sa population comme bouclier et voulait "provoquer un accident nucléaire", comme le soulignait la presse américaine en mars 2022. "Dès le début de l'invasion, le blogueur a été l'un des premiers à soutenir les envahisseurs russes et à glorifier leurs crimes de guerre", résument les services de sécurité ukrainiens. Si bien que l'homme était devenu un relais privilégié du Kremlin, refusant l'existence d'une résistance ukrainienne, assurant que des laboratoires sur les armes biologiques se cachent en Ukraine ou encore que certains massacres étaient des mises en scène.
Autant de fausses informations qui tombent sous le coup de l'article 436 du Code pénal ukrainien. Voté avec le début de la guerre, ce texte prévoit en effet que les "appels publics" à la guerre et la "production et diffusion de matériel justifiant" l'invasion russe "commise de manière répétée", relèvent d'une infraction. Elle est punie d'une peine de deux ans de travaux forcés ou de trois ans d'emprisonnement.
Selon les documents de suivi judiciaire ukrainiens, disponibles en ligne, le tribunal de Kharkiv s'est prononcé le 25 juin 2023 au sujet de Gonzalo Lira. Et a imposé à l'homme de nationalité chilienne et américaine une détention provisoire à cause "de motifs suffisants pour croire que le suspect peut se cacher des autorités" en cas de libération.
Après son assignation à résidence en mai dernier, il avait été arrêté en juillet alors qu'il tentait de franchir la frontière hongroise à bord de sa moto pour fuir le pays. Le tribunal a par ailleurs estimé que malgré deux enfants mineurs, l'homme "officiellement au chômage" n'en avait pas la charge. En instance de divorce, il vivait en effet à plus de 1000 kilomètres de son ex-conjointe et ses enfants. Il reste donc en prison jusqu'à son procès, qui doit se tenir le 12 et 21 décembre.
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