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| - Plusieurs publications s'inquiètent de l'article 23 contenu dans le projet de loi de programmation militaire.Le texte permettrait d'élargir le droit de réquisition du président de la République et du Premier ministre.Il s'agit d'un amalgame, voire d'une désinformation juridique.
Pendant que les regards sont détournés, le pouvoir légifère en catimini. C'est, en substance, la nouvelle théorie qui agite la sphère complotiste. "Alors que la rue est en feu, les textes passent sans encombre au Parlement, le pouvoir exécutif a le champ libre", alertait ainsi une internaute (nouvelle fenêtre)ce mardi 4 juillet, accusant "les parlementaires et les médias" de garder le secret. Lequel ? Selon eux, un "élément nouveau" permettant à l'État de "réquisitionner tout ce qu'il veut" est venu s'insérer dans le projet de loi de programmation militaire (LPM), qui sera débattu ce jeudi 6 juillet par la commission mixte paritaire. "Open bar pour les réquisitions, humaines et matérielles, au motif que c'est le Président ou le Premier ministre qui le décide", résume un internaute en commentaire. Nous avons voulu en savoir plus.
Un article adopté dès le 14 juin
À l'origine de cette rumeur, on retrouve un article (nouvelle fenêtre) publié le lundi 3 juillet dans un blog d'extrême droite habitué des fausses informations. L'auteur y fait référence à l'article 23 du projet de loi, qui doit arriver devant la commission mixte paritaire ce jeudi. Or, comme le montre la version du texte en ligne (nouvelle fenêtre), le texte prévoit effectivement la réécriture d'un chapitre entier du Code de la défense : celui relatif aux réquisitions. Cela qui ne signifie absolument pas que l'exécutif a profité de l'actualité pour faire passer un texte liberticide.
Premièrement, ce texte est antérieur aux violences urbaines. Déposé le 7 juin, soit 20 jours avant le décès du jeune Nahel, il a été adopté tel quel le 14 juin (nouvelle fenêtre) par la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Par ailleurs, le ministère des Armées a présenté sa volonté de "rénover" le Code de la défense dès le 4 avril sur le site "Vie publique" (nouvelle fenêtre). Plateforme qui a justement comme objectif d'informer la population le plus largement sur les politiques publiques.
Voilà pour l'accusation d'un article passé "ni vu, ni connu". Et quid du fond ? Auprès de TF1info, Jean-Paul Markus, professeur de droit public, relève que cet article n'a pas pour objectif d'étendre le droit de réquisition, mais de l'actualiser. "Le texte actuel remonte à 1959, tandis que le reste du Code de la défense a été modernisé", relève ainsi le directeur de la rédaction des Surligneurs, un collectif spécialisé en legal-checking.
C'est en effet cet argument qui est défendu dans l'étude d'impact (nouvelle fenêtre), ce document qui présente les éventuelles conséquences d'un texte, déposé le 5 avril. Citant une mission d'information parlementaire déposée en février 2022, ses auteurs expliquent en effet que dans le "triple contexte de crise climatique et écologique, de raréfaction des ressources et de montée des antagonismes entre puissances sur fond de recul de la démocratie et du droit international", il apparait nécessaire pour l'État d'adopter une posture destinée à "laisser aussi peu de place que possible à la surprise stratégique". Or, l'étude d'impact note que le pouvoir de réquisition de l'État repose actuellement "sur une juxtaposition de procédures distinctes". Ce qui, non seulement, rend le texte très imprécis, mais il est jugé également "très englobant". "Le droit des réquisitions est le fruit d'un empilement de textes épars, obéissant à des objectifs et à des procédures qui n'apparaissent ni homogènes ni coordonnés et dont la rédaction semble parfois désuète, sujette à interprétation ou, plus largement, inadaptée aux besoins de l'époque", écrivait le cabinet de la Première ministre.
Dans ces conditions, le projet prévoit de clarifier, préciser, compléter et encadrer davantage les cas de recours au régime des réquisitions, sans qu'il ait pour objet d'élargir les possibilités de mobilisation de la population. Une argumentation qui a en tout cas satisfait la Commission de la défense. Le 7 juin, elle a adopté cet article sans modification (nouvelle fenêtre).
L'article aligne le vocabulaire des réquisitions sur le début du Code de la défenseJean-Paul Markus, professeur de droit public et membre des Surligneurs
Quant à ceux qui s'inquiètent d'un texte permettant à l'État de réquisitionner "tout ce qu'il veut", là aussi, il s'agit d'une mauvaise interprétation du texte. Voir d'une "désinformation juridique", pour reprendre l'expression utilisée par Les Surligneurs (nouvelle fenêtre). S'il est adopté, l'article entrera en effet dans le Code de la défense. Il ne pourra donc être utilisé "qu'à des fins de défense militaire", comme le souligne Jean-Paul Markus. "Le texte élargit effectivement les pouvoirs de réquisition en matière de Défense, en prenant en compte les 'menaces' actuelles définies dans le Code de la défense, mais pas en matière civile." Comprendre par là que les pouvoirs publics ne pourront pas s'appuyer sur ce texte pour réquisitionner des grévistes ou du matériel, par exemple. "S’il y a détournement, un juge administratif y mettrait fin en 48 heures."
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En résumé, non seulement l'article n'a rien de secret - puisqu'il est débattu depuis près d'un mois - mais il n'a aussi rien d'étonnant. "Ici, le législateur vient simplement aligner le régime des réquisitions sur le reste du Code de la défense", résume notre interlocuteur. L'inquiétude des internautes relève de l'amalgame dans certains cas, de la désinformation pure et dure dans d'autres.
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