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| - Une publication rejette la responsabilité des algues vertes sur la pollution domestique.Il s'agit toutefois d'une mauvaise interprétation d’un rapport d’un collectif scientifique breton de 2011.Depuis, le rôle de l’agriculture dans le phénomène fait l’objet d’un consensus scientifique.
"On nous ment depuis des années, on pointe les agriculteurs du doigt pour rien" dans le fléau des algues vertes. Voici ce qu’on peut lire sur Twitter alors qu’une action de militants de Greenpeace a eu lieu le 10 juillet devant la préfecture du Finistère pour alerter sur la présence de ces algues sur les plages bretonnes. Le tweet cite ici un autre post, qui affirme que "le phosphore amené par les rivières viendrait principalement des rejets domestiques (STEP), et seulement de façon infime des terres agricoles".
Une concentration d'azote dans l'eau
Autrement dit, la marée verte qui ronge le littoral breton depuis des dizaines d’années serait causée par des rejets de polluants du quotidien et pas par des produits agricoles. Si la Bretagne est prise en exemple, c'est qu'elle reste la région française la plus touchée par le phénomène des algues vertes, avec un volume ramassé par an de "52.000 mètres cubes (m3) en moyenne sur les dix dernières années".
Le second tweet renvoie vers un document du Conseil scientifique de l'environnement de Bretagne (CSEB), publié en 2011. Créé à l’initiative du conseil régional, ce collectif scientifique n’existe plus depuis 2016. Dans ce rapport, il vient décrypter 14 affirmations sur l’origine des marées vertes. Parmi elles, l’idée que "le phosphore amené par les rivières et stocké dans les sédiments côtiers viendrait principalement des rejets domestiques, et seulement de façon infime des terres agricoles." Pourtant, le rapport dit précisément l’inverse. Cette phrase n’a pas été énoncée par un scientifique, mais a été vérifiée par le collectif… et elle est considérée comme fausse.
Pour rappel, les algues vertes sont extrêmement toxiques et polluantes. Celles-ci se forment à cause de l’eutrophisation, qui se résume en une forte concentration de nutriments dans l’eau et, dans ce cas précis, d’azote et de phosphore. "Les algues vertes sont des nitrophiles et ce sont les apports de nutriments qui contrôlent le développement des algues vertes. Cela a été parfaitement démontré", résume Pierre Aurousseau, ancien président du CSEB et l’un des quatre auteurs du rapport de 2011.
Or, ces apports en nutriments sont bel et bien rejetés par l’agriculture et l’élevage : contenus dans les engrais servant à fertiliser les cultures, ils s’écoulent ensuite dans les rivières puis rejoignent les côtes. Seule une action sur les taux d’azote dans l’eau pourrait jouer sur la prolifération des algues vertes, éclaire Sylvain Ballu, chercheur au Centre d’étude et de valorisation des algues (Ceva). "Il y a consensus sur le fait que le facteur de ’contrôle’ ou encore de ‘maîtrise’ du phénomène est l'azote et non pas le phosphore, massivement relargué par les sédiments proches littoraux. Et l'azote provient très largement des activités agricoles dans le cas des bassins versants bretons sur lesquels les diagrammes ont été faits". Concrètement, le Ceva a pu établir que 95 à 98% des nitrates présents dans l’eau des bassins versants étaient d’origine agricole. Ce qui laisse peu de place aux polluants domestiques, qui se sont réduits au fil des ans grâce à un meilleur traitement de l'eau.
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En 2021, la Commission des finances du Sénat a eu l’occasion de rappeler ce consensus. Sans ambiguïté, elle souligne dans son rapport que les "taux de nitrates élevés découlent essentiellement de pollutions ‘diffuses’, liées à des fertilisations excessives des terres agricoles, favorisées par l’exploitation intensive des sols et l’usage massif d’intrants, tous deux caractéristiques du modèle agricole breton". Et que si "la responsabilité de l’agriculture bretonne dans les marées vertes a longtemps fait l’objet de débats, ceux-ci sont aujourd’hui tranchés".
Ainsi, la limitation des marées d’algues vertes passe avant tout par la réduction des apports d’azote, directement causés par l’agriculture. Une ambition prise en compte par la Cour des comptes en 2021. Pour réduire la prolifération des algues vertes, observée de 2010 à 2019 en Bretagne, la juridiction recommande de "faire évoluer l’agriculture vers des systèmes de production à très basses fuites d’azote", de "reconquérir les zones naturelles (zones humides, prairies, haies, bocages)" mais aussi de "renforcer la connaissance scientifique du phénomène".
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