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| - Des publications en ligne affirment que les autorités sanitaires auraient acté la fin de la prise en charge de cathéters utilisés pour soigner les AVC.Pourtant, il ne s'agit pas d'un arrêt des remboursements.Contacté par TF1info, le ministère de la Santé apporte des précisions et annonce des aides spécifiques pour les hôpitaux.
Malheureusement très fréquents, les AVC ne font-ils désormais plus l'objet d'un remboursement par la Sécurité sociale ? Des internautes l'affirment depuis plusieurs jours : "Depuis le 1er mars, les cathéters de thrombo-aspiration ne sont plus pris en charge", lit-on (nouvelle fenêtre) sur les réseaux sociaux, et avec lui "le traitement des AVC". Des affirmations qui laissent entendre que les patients seraient contraints d'assumer la charge de ces dépenses.
Dans le même temps, des publications transphobes se multiplient (nouvelle fenêtre), faisant un parallèle avec les opérations de changement de sexe qui seraient, elles, entièrement couvertes. Si les modalités de prise en charge ont bel et bien évolué, les messages qui circulent déforment très largement la réalité, quand ils ne se révèlent pas totalement trompeurs.
Quelle est le changement intervenu le 1er mars ?
Lorsqu'un patient fait un AVC et que l'une de ses artères est obstruée, les médecins peuvent utiliser des cathéters de thrombo-aspiration. Ils servent à réaliser une "thrombectomie mécanique (TM)", et sont employés dans 50 à 70% des cas. Il s'agit d'une technique assez novatrice en France, qui s'est développée au cours de la décennie écoulée. Elle est plébiscitée par les spécialistes, qui la considèrent comme une avancée significative ayant permis de réduire les risques de décès et de séquelles graves.
Avant le 1er mars, ces cathéters figuraient sur la LPP (nouvelle fenêtre), la "liste des produits et prestations remboursables par l'Assurance Maladie". Plus précisément, ils figuraient sur "la liste en sus", un "système de financement dérogatoire ayant pour but de soutenir et diffuser l’innovation dans les établissements de santé de certains produits et prestations associées onéreux", comme l'indique à TF1info le ministère de la Santé. "Via l’inscription sur cette liste, des produits et prestations peuvent être pris en charge en plus des tarifs des prestations", nous précise-t-on.
Concrètement, quand ces matériels étaient utilisés, l'hôpital touchait une somme d'argent en complément du forfait versé habituellement pour la prise en charge d'un AVC. Ce n'est plus le cas depuis le 1er mars, puisque les autorités sanitaires considèrent que "si le produit peut être financé au travers des prestations d’hospitalisation, alors il n’a pas vocation à figurer sur la liste en sus".
Des réactions rapides du corps médical
Dans une lettre (nouvelle fenêtre) adressée au ministre François Braun, la Société française de neuroradiologie (SFNR) et la Société française neurovasculaire (SFNV) se sont émues de cette modification. Le texte pointe une "décision prise sans concertation" qui expose à plusieurs risques. Tout d'abord une "non-utilisation de la technique de thrombo-aspiration [...] dans les centres déjà existants, pouvant mener à une perte de chance pour les patients. Il est, en effet, essentiel d’avoir à disposition un arsenal thérapeutique complet pour pouvoir prendre en charge chaque patient de manière personnalisée et adaptée."
Ensuite, est redouté un "coût supplémentaire pour les établissements réalisant la TM", celle-ci n'étant pas encore pratiquée dans tous les hôpitaux, en particulier ceux de taille réduite. Enfin, les professionnels craignent "un impact sur les nouveaux centres qui initient ou qui vont initier la technique".
Le directeur de l'hôpital Fondation Rothschild à Paris estime "à 450.000 euros la perte sèche sur l'année" avec la fin du remboursement. "C'est énorme", lance-t-il à France Info (nouvelle fenêtre). Le dispositif médical dont il est ici question, renouvelé pour toute nouvelle intervention, n'est pas donné. On estime que son coût moyen est d'environ 1500 euros par kit.
Pas une fin de remboursement à proprement parler
"À chaque fois qu'un matériel de cette nature devait être utilisé, une tarification spéciale se voyait allouée", résume à TF1info Sonia Alamowitch, la présidente de la SFNV. "Là, le mode de financement a été modifié, ce qui signifie plus de prise en charge spécifique, au profit d'une inclusion dans le coût de la prise en charge globale du patient." Le problème à ses yeux est simple : il s'agit d'un "type de traitement qui existe, mais qui demeure largement insuffisant et encore en développement". Pour poursuivre son adoption et en généraliser l'usage, "l'accompagner d'une valorisation financière aidait".
"Il y a un réel danger que cette décision soit un frein, alors qu'on a besoin d'un accélérateur", poursuit Sonia Alamowitch. Elle insiste sur le fait qu'il s'agit d'une "révolution thérapeutique" et que la France accuse un retard, par rapport notamment à l'Allemagne. Les freins, à ses yeux, doit être évités, puisqu'ils sont synonymes de "potentielles pertes de chance" pour les patients. Sans oublier, ajoute-t-elle, un "risque amplifié de mettre en difficulté les finances de l'hôpital, qui sont déjà précaires".
"La radiation de la liste en sus ne signifie pas que le remboursement est retiré", note pour sa part le ministère de la Santé. "Depuis le 1er mars 2023, ces produits à usage uniquement hospitalier sont réintégrés, pour leur prise en charge, dans les prestations d’hospitalisation."
9 millions d'euros sur la table
Dans l'entourage de François Braun, on précise que "la radiation de ces dispositifs de la liste en sus correspond à 0,22% de la dépense liée aux dispositifs médicaux inscrits sur la liste en sus et à 0.015% de la masse tarifaire des établissements de santé". Une réponse indirecte aux discours des responsables d'établissements qui craignent de voir leurs dépenses s'envoler. Par ailleurs, "l'identification de cette catégorie pour une éventuelle radiation de la liste en sus en 2023 avait été discutée dès 2021 avec les acteurs". Aucune surprise, donc, du point de vue du ministère de la Santé.
Pour accompagner en 2023 les "établissements les plus consommateurs" de ces matériels médicaux, "une enveloppe de 9,3 millions d'euros" est toutefois prévue, apprend-on. Elle concernera "les deux catégories radiées au 1er mars 2023 : les guides FFR et les cathéters de thrombo-aspiration". Notons enfin que la tarification à l'activité est revue à la hausse, "entre 5 et 8 % selon le type d’établissement (public/privé)". Les forfaits appliqués lors de la prise en charge d'un AVC seront, comme les autres, concernés.
Ces moyens supplémentaires suffiront-ils à rassurer les médecins et responsables de structures de soin ? Les enjeux sont immenses, rappellent-ils, puisque d'ici à 2030, un boom prévu de 50% des AVC est prévu en nombre absolu. Les baby boomers vont en effet arriver en grand nombre à un âge où surviennent généralement ces accidents vasculaires. Une question de santé publique prioritaire puisqu'on estime qu'une personne sur 4 devrait être touchée par un AVC au cours de sa vie.
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