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| - Dans les hôpitaux, les soignants alertent sur le manque de personnel et l'aggravation des conditions de travail.Un syndicat indique que dans l'Hexagone, le ratio infirmière/patients est environ deux fois supérieur à celui observé dans les normes internationales.S'il est difficile de disposer de données précises, les ordres de grandeur ici évoqués sont justes.
Cet été, les professionnels de santé alertent sur la situation très tendue dans les services d'urgence, ainsi que dans le reste des services hospitaliers. Des difficultés encore accentuées par rapport à l'an passé, qui se traduisent selon le porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) par un manque criant de personnel. Les infirmières et les infirmiers, indique Thierry Amouroux, se trouvent très régulièrement en sous-effectif : "La situation ne fait qu'empirer années après années. [...] La charge de travail normale, les normes internationales, c'est six à huit patients par infirmière. En France, on en est au double", regrette-t-il.
Loin des préconisations
En marge d'une proposition de loi très largement adoptée en début d'année au Sénat, un rapport parlementaire s'est intéressé au ratio infirmière/patients dans les hôpitaux français. On y apprend que la "proportion de soignants par patient hospitalisé se révèle particulièrement mal évaluée". En effet, "il n’existe pas de données nationales fines, par grandes catégories de spécialités, permettant de connaître le nombre de soignants effectivement présents au lit du patient". Nous disposons toutefois de quelques éléments : l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP) indique par exemple que "dans les unités conventionnelles, le nombre observé de soignants présents peut être de 1 pour 6, 8 ou 10, voire 12 ou même 14 le jour et 1 pour 16, 20 ou 30 la nuit". Une variabilité qui s'explique entre autres par la nature de l'activité des services. Pour faire simple, un service de gérontologie ou de réanimation n'affichent pas les mêmes besoins en personnel.
L'autre chiffrage dont nous disposons est fourni par la conférence des directeurs de CHU. Avec un constat : celui que le ratio d’une infirmière pour 10 patients qui prévalait avant la crise sanitaire aurait évolué. Une étude annuelle menée en 2022 "indiquerait un ratio constaté de 9,4 patients par infirmière en médecine et 9,8 en chirurgie". Une amélioration qui "n’est pas le fait de recrutements, mais résulte de redéploiement d’effectifs, d’un recours accru aux heures supplémentaires ou encore de fermetures de lits".
Qu'en est-il des "normes internationales" ? Officiellement, il n'existe pas de préconisation unanimement partagée par les autorités de santé telles que l'OMS. Néanmoins, on constate que des chercheurs ont planché sur l'organisation des systèmes hospitaliers et sur les conséquences du nombre de soignants alloués aux patients. Le ratio d'une infirmière pour huit patients est généralement considéré comme maximal afin d'éviter une dégradation notable des prises en charge, même si ce chiffre diffère en fonction des services.
"Une étude a été menée dans 168 hôpitaux généraux d'Israël", rapportait une publication dans une revue scientifique en 2020. Les travaux auxquels il est fait référence ont "révélé qu'une augmentation du ratio infirmière/patient de 1:4 à 1:6 a augmenté le taux de mortalité des patients de 7% et avec une nouvelle augmentation du ratio infirmière-patient à 1:8, le taux de mortalité a augmenté à 14%". En résumé : augmenter les effectifs de soignants auprès des personnes hospitalisées diminue les pertes de chances. En France, où aucun seuil minimal n'est fixé à l'exception de certains services, nous sommes donc de manière générale assez loin des ratios qui sont généralement préconisés.
Un rythme effréné et une perte de sens pour les soignants
Parmi les pays développés, on constate qu'en France, le nombre d'infirmières et sage femmes pour 1000 habitants n'est pas parmi les plus élevés. On en compte un peu moins de 12 dans l'Hexagone, rapporte la Banque mondiale, contre 14 en Allemagne, 15 aux États-Unis, ou encore 18 en Suisse et en Norvège. Un indicateur qui ne suffit pas à juger à lui seul de la qualité des prises en charge, mais qui apporte un éclairage sur les moyens humains mobilisés dans les hôpitaux.
Contacté par TF1info, le porte-parole du SNPI Thierry Amouroux se désole de la situation et tente d'alerter sur la fatigue qui gagne les soignants. "Courir toute la journée", assure-t-il, conduit à une forme d'épuisement physique ainsi qu'à une "insatisfaction au travail". Ne pas pouvoir correctement assurer la prise en charge des patients faute de temps est synonyme de "perte de sens pour les personnels, qui ont dans leur cœur de métier l'accompagnement, la relation d'aide ou l'éducation à la santé". Le manque d'infirmières et d'infirmiers, devenu criant dans les services, risque de s'aggraver si les jeunes se détournent de cette profession. "Beaucoup de jeunes diplômés se disent : 'Je ne vais pas tenir des décennies à ce rythme'", lance le représentant syndical. "D'autres, pour leur part, se disent : 'Je vais partir à l'étranger'", que ce soit en Suisse ou en Belgique par exemple, où les rémunérations et les conditions de travail sont davantage plébiscitées.
Si la proposition de loi adoptée très largement au Sénat en février prévoyait l'instauration de ratios minimums d'infirmières dans les services hospitaliers, une telle mesure n'est pour l'heure pas d'actualité. La majorité Renaissance à l'Assemblée n'y est pas favorable, assure-t-on dans les rangs du SNPI, qui espère toutefois que le gouvernement décide de s'en emparer. La France rejoindrait alors l'Irlande, la Californie, ou l'Australie, qui ont légiféré en ce sens.
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