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  • Vrai ou faux Certains postes sont-ils déjà interdits aux binationaux, comme l'affirment Marine Le Pen et Eric Ciotti ? C'est une proposition choc qui agite la campagne des législatives. Le président du Rassemblement National (RN), Jordan Bardella, a fait part, le 24 juin, de la volonté de son parti d'exclure les Français binationaux de certaines fonctions clés. Les "postes les plus stratégiques de l'Etat" seraient ainsi "réservés aux nationaux français" pour lutter contre les "tentatives d'ingérences orchestrées par des intérêts étrangers". Pressés de préciser les contours de cette mesure controversée, l'ex-patronne du RN, Marine Le Pen, et son nouvel allié Eric Ciotti se sont voulus rassurants, mardi 2 juillet. "Vous nous reprochez de donner une base légale à quelque chose qui se fait déjà", a affirmé la première, sur France Inter, quand le président des Républicains a fait valoir, sur Europe 1, que "les emplois des fonctionnaires aujourd'hui" étaient déjà "réservés dans ce cas". Disent-ils vrai ou faux ? "Aucune distinction" dans la loi Si on se réfère au droit, la réponse est claire. L'article L1132-1 du Code du travail interdit toute discrimination. "Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise" en raison "de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à (...) une nation", y est-il écrit. Dans les faits, toutefois, certains postes de la fonction publique sont réservés aux seuls ressortissants français. Il s'agit d'une part des "emplois dits de souveraineté", qui "relèvent d'un secteur régalien (justice, intérieur, budget, défense, affaires étrangères)", selon le site officiel Service public. Sont également concernés les emplois qui présentent des "prérogatives de puissance publique", parmi lesquelles "l'élaboration d'actes juridiques", le "contrôle de leur application" ou encore l'"exercice d'une tutelle", selon le ministère de la Fonction publique. Pour autant, dans le droit français, les binationaux sont considérés au même titre que les Français ne possédant qu'une nationalité. "La France ne fait aucune distinction entre les binationaux et les autres Français sur le plan des droits et des devoirs liés à la citoyenneté", souligne le ministère des Affaires étrangères. Une personne binationale peut donc tout à fait travailler pour le service public, contrairement à ce que laisse entendre Eric Ciotti. Des enquêtes sans "cibler directement les binationaux" Que permet le droit actuel pour tenter de prévenir les ingérences étrangères ? L'article L11461 du Code de la sécurité intérieure rend possible des "enquêtes administratives" avant diverses "décisions administratives de recrutement, d'affectation, de titularisation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation". Plusieurs types de métiers sont concernés, parmi lesquels "les emplois publics participant à l'exercice des missions de souveraineté de l'Etat" et "les emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité ou de la défense". Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, l'a lui-même illustré, le 25 juin, sur Europe 1 : "Les membres de mon cabinet, par exemple, passent un entretien d'habilitation où on regarde leurs faiblesses. Ça peut être une binationalité, bien évidemment, ça peut être aussi l'argent, ça peut être aussi une faiblesse familiale", a-t-il énuméré. D'après la loi, les enquêtes ont pour but de "vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées". "Cela peut être lié à leurs origines, mais ce texte ne cible pas directement les binationaux", souligne auprès de franceinfo Serge Slama, professeur de droit public à l'université Grenoble-Alpes. Selon lui, les relations personnelles et les loisirs peuvent aussi être considérés comme des "faiblesses pour le poste". Un risque d'inconstitutionnalité ? La proposition du Rassemblement National changerait radicalement la donne, estime Clément Chauvet, professeur en droit public à l'université d'Angers. "Cela consiste à exclure des personnes non pas sur la base d'un risque avéré, mais, objectivement, car il ne possède pas seulement la nationalité française", argue-t-il auprès de franceinfo. Des exclusions similaires visant des citoyens français ont déjà existé par le passé, sans être toutefois spécifiques aux binationaux. L'article 81 du Code de la nationalité française, abrogé en 1983, imposait un délai de cinq ans à partir de la naturalisation avant de pouvoir être "nommé à des fonctions publiques rétribuées par l'Etat". La loi du 3 octobre 1940 sur le "statut des juifs", prise sous l'Occupation par le régime de Vichy, interdisait l'accès des personnes juives à de nombreux emplois publics. "Je ne vois pas comment le Conseil constitutionnel pourrait valider ce projet", affirme Clément Chauvet, en s'appuyant sur l'article premier de la Constitution, qui prévoit que "la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes (...) aux responsabilités professionnelles et sociales". Pour Serge Slama, une éventuelle entrée en vigueur de la mesure proposée par le RN nécessiterait une révision de la Constitution. 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