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| - Dans un discours de vœux devant les autorités religieuses, le président du Mali a diffusé de fausses informations visant la France.Assimi Goïta a affirmé que l'Hexagone connaissait des coupures d’électricité régulières, une fausse information au regard des données publiques du Réseau de transport d’électricité français (RTE).Plusieurs fausses vidéos ont été relayées en 2024, censées montrer des coupures de courant en France.
Pour la nouvelle année 2025, le président du Mali, Assimi Goïta, n'a pas oublié de glisser un petit mot pour la France, ancien partenaire du pays, mais dorénavant en disgrâce depuis son arrivée au pouvoir à l'issue du coup d’État d'août 2020. Une affirmation assez étonnante effectuée en bambara, une des langues locales du Mali : "Vous avez sans doute constaté par vous-même les coupures d'électricité qui surviennent désormais chez eux, faute d'accès à l'uranium", a-t-il affirmé sur la chaîne ORTM. Avant d’ajouter : "Cette situation les place dans un état de désespoir total, car ils n'ont plus rien à perdre. En conséquence, ils n'éprouvent plus aucune crainte et peuvent agir de manière imprévisible".
Le président du Mali fait notamment référence aux tensions politiques entre la France et le Niger, où l'usine d’Orano, géant français spécialisé dans l'uranium, a perdu le contrôle de sa filiale Somaïr (nouvelle fenêtre)depuis le 4 décembre 2024. Or, l'uranium extrait par la filiale nigérienne représentait 10% à 15% des importations annuelles d'uranium françaises (nouvelle fenêtre). À tel point que l’entreprise a annoncé vouloir développer d'autres filiales, notamment en Mongolie (nouvelle fenêtre), pour diversifier ses approvisionnements. Mais la situation confirme-t-elle pour autant les déclarations du président malien ?
Pas de coupures ni en 2024, ni à prévoir en 2025
Depuis 2022-2023, le Réseau de transport d’électricité (RTE) met à disposition un outil de suivi hebdomadaire de la consommation d'électricité en France. Son dernier rapport indique que les perspectives pour la sécurité d’approvisionnement apparaissent à date comme très favorables. "Le risque pour l'hiver dernier, comme pour cet hiver (2024-2025) constituent les plus faibles depuis une dizaine d’années", explique par email RTE aux Vérificateurs de TF1. En 2024, la France a par ailleurs battu son record d’exportation d'électricité (nouvelle fenêtre) qui datait de 2002.
En ce qui concerne le fonctionnement des centrales électriques françaises, aucune crainte particulière en vue selon le dernier rapport de RTE. "La disponibilité du parc nucléaire était de près de 47 GW au 5 novembre 2024, soit une disponibilité supérieure de respectivement 9 et 17 GW à celle de l'année dernière et de l'année 2022 aux mêmes dates. Le retour de neuf réacteurs supplémentaires entre début novembre et le mois de janvier devrait également permettre d'augmenter la disponibilité du parc au cœur de l'hiver, bien que l’arrêt pour maintenance de huit réacteurs soit prévu en février [2025]", détaille le rapport. En clair, RTE note que la situation s'est largement améliorée par rapport à l’année 2022-2023. Par ailleurs, selon le groupe Orano (nouvelle fenêtre), la France disposerait de 320.000 tonnes d'uranium enrichi en stock, lui permettant de faire fonctionner ses centrales pendant environ sept à huit ans.
De fausses informations sur des coupures de courant en France durant toute l'année 2024
Mais alors, sur quoi s'appuie le chef d’État du Mali ? S’il est difficile de l'affirmer avec certitude, plusieurs allégations de coupures de courant en France ont circulé ces derniers mois sur des comptes pro-maliens, les liant quasi systématiquement à la problématique de l'uranium.
En avril 2024, un compte X de désinformation pro-junte malienne (nouvelle fenêtre) avait notamment relayé les images d'une panne de courant supposée en France, affirmant : "c’est l'AES (pour Alliance économique du Sahel, composée du Niger, du Mali et du Burkina Faso) qui lui a infligé cela !". Les images relayées dans cette vidéo remontent en réalité à 2022 (nouvelle fenêtre) lorsqu'une panne de courant avait touché plusieurs arrondissements de Paris pendant une vingtaine de minutes. Un extrait du journal de TF1 (nouvelle fenêtre) avait aussi été relayé prétendant documenter des pannes de courant récentes, comme le notait le média de vérification AFP Factuel (nouvelle fenêtre).
Mais cet extrait, lui aussi datant de décembre 2022, évaluait des scénarios en cas de pénurie d'énergie. "À cette époque, une campagne de prévention autour de la sobriété énergétique avait été lancée, car le système électrique était soumis aux problématiques de corrosion sous contrainte pour le parc nucléaire et la guerre en Ukraine pour le gaz", rappelle RTE à l'équipe des Vérificateurs, avant de préciser : "Il n'y a cependant pas eu de délestage ou de coupure due à un manque d'électricité cette année-là."
Dernier exemple sur TikTok en 2024 (nouvelle fenêtre) : une panne en plein match de rugby féminin entre la France et l'Angleterre présentée comme une conséquence du manque d’uranium. Sauf que ce match a eu lieu le 30 avril 2021 (nouvelle fenêtre), bien avant les tensions diplomatiques entre la France et le Niger.
Les coupures d'électricité, un serpent de mer au Mali
La déclaration du président malien n'a pas été faite au hasard : elle a été tenue le 6 janvier, lors des vœux en présence des autorités coutumières et religieuses. "Il a profité de l'audience pour faire passer un message en disant que le Mali n'est pas le seul et que même dans les pays développés, il y a des coupures d'électricité", analyse Malick Konaté (nouvelle fenêtre), journaliste et blogueur qui a notamment relayé la séquence après avoir été interpellé par ces propos. "C'est clairement une façon de masquer leur échec face au délestage au niveau local." Les coupures d’électricité sont un serpent de mer auquel les autorités de transition malienne ont tenté de s'attaquer. Mais les articles de presse locale relayant les délestages sont réguliers (nouvelle fenêtre), dont certains peuvent durer jusqu'à 48 heures dans certains quartiers de la capitale, Bamako.
Pour un autre journaliste malien qui a requis l’anonymat, l'objectif était également de féliciter les autorités religieuses pour mieux les associer à la diffusion de cette fausse information. "Chaque fois que tu dis que la France a un problème, le peuple va être content, mais ça va plus loin : lors de la prière du vendredi suivant, dans certaines mosquées, les imams ont fait le compte rendu de ce qu'avait dit le président sans vérification. Pour Assimi Goïta, c'est une façon de diffuser massivement une fausse information à travers des autorités écoutées."
Le chef d'État malien n'est pas le seul à avoir fait des références à la France lors de ses vœux : de son côté, le président du Burkina Faso, Ibrahim Traoré, a déclaré le 13 janvier (nouvelle fenêtre) que la France avait simplement "dissout son dispositif" de présence militaire, mais qu'elle allait maintenir une présence cachée "dans les ambassades" ou via des "entreprises de sécurité". Le président du Niger, Abdourahamane Tiani, s'était quant à lui illustré dans son discours de bilan de fin d'année (nouvelle fenêtre) en alléguant, sans aucune preuve, que Paris finançait des groupes terroristes dans la région, accusant même la France d'être en partie responsable... d'une pénurie d'oignons dans le pays.
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