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| - La vaccination contre la grippe, « peu efficace » et même « gravement dangereuse » ? C’est ce qu’affirment plusieurs articles publiés sur des sites Internet francophones ces derniers jours. Mais malgré l’existence de limites et critiques fondées des vaccins antigrippaux, ces gros titres très catégoriques déforment sensiblement les faits, pour aboutir à des conclusions mensongères.
CE QUE DIT LA RUMEUR
« Les vaccins antigrippaux échouent à 99 % et augmentent la propagation de la maladie », écrit ainsi le site Lesmoutonsrebelles.com (qui nous apparaît peu fiable dans le Décodex), comme plusieurs autres sites Internet se revendiquant « alternatifs ».
Ces articles se fondent sur une analyse publiée sur le blog de David Brownstein, un médecin américain adepte des thérapies alternatives. Chiffres à l’appui, ce dernier prétend démontrer l’inutilité et même la dangerosité du vaccin contre la grippe, un « désastre », selon lui : « Je ne comprends pas comment quiconque pourrait autoriser qu’on lui injecte un vaccin raté. »
POURQUOI C’EST FAUX
1. Le vaccin contre la grippe offre bien une protection limitée
M. Brownstein s’appuie sur des données compilées dans une étude publiée dans la Cochrane Library début février. Cette publication spécialisée confirme une réalité connue de longue date : le vaccin contre la grippe est loin d’offrir une protection comparable à la plupart des autres vaccins.
Une limite vient principalement du fait que les souches virales rencontrées varient d’une année à l’autre. Pour faire simple, la vaccination contre la grippe saisonnière tente chaque année d’anticiper les principales souches qui vont circuler, avec plus ou moins de succès.
2. Un taux d’échec à « 99 % » fallacieux
L’article de M. Brownstein a, en revanche, largement manipulés les chiffres de la Cochrane Library. L’étude en question aboutit, en effet, aux deux estimations suivantes :
- En moyenne, 2,3 % des adultes en bonne santé non vaccinés seraient touchés par la grippe, contre 0,9 % des vaccinés ;
- 21,5 % des adultes non vaccinés seraient touchés par des infections proches de la grippe, contre 18,1 % des vaccinés.
Sur cette base, les auteurs de l’étude calculent qu’il faudrait que 71 adultes en bonne santé soient vaccinés pour prévenir un cas de grippe, et 29 vaccinés pour les infections similaires. De ce constat, M. Brownstein conclut que le vaccin ne ferait « rien » pour 70 patients sur 71 et parle donc d’un prétendu « taux d’échec » de l’ordre de 99 %.
Il est pourtant fallacieux de parler d’échec pour un chiffre qui regroupe une petite partie de patients qui seront effectivement malades, et une large partie de patients qui ne seront pas malades. Il est également trompeur d’avoir occulté le cas des infections proches de la grippe, bien que l’écart entre les deux groupes reste également limité dans ce cas de figure.
Pour évaluer l’efficacité des vaccins antigrippaux, il est plus pertinent de se fier au taux de protection offert aux personnes vaccinées, qui est supérieur à 60 % les bonnes années, mais est de l’ordre de 20 ou 30 % les mauvaises, comme en 2016.
3. Les prétendus dangers du vaccin ne sont pas étayés
Autre manipulation : les articles comme celui de M. Brownstein évoquent des « effets secondaires sérieux » liés à la vaccination. Or, l’étude sur laquelle ils se fondent conclut au contraire que les auteurs n’ont « pas trouvé de signes d’une association entre la vaccination contre la grippe et des effets secondaires sérieux » dans les données utilisées.
Les auteurs mentionnent simplement un taux de fièvre « légèrement supérieur » chez les personnes vaccinées (2,3 % contre 1,5 %).
L’affirmation selon laquelle la vaccination augmenterait la « propagation de la maladie » qu’on retrouve dans certains titres n’est pas plus étayée par les faits.
4. Le vaccin reste considéré comme pertinent pour les publics ciblés
Le vaccin contre la grippe ne fait pas partie des onze qui sont obligatoires en France. Bien que conscients de ses limites, le ministère de la santé et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommandent tout de même fortement la vaccination contre la grippe pour :
- Les personnes considérées comme « les plus fragiles » (les plus de 65 ans, les femmes enceintes, les personnes atteintes de certaines affections chroniques…) ;
- Le personnel soignant ;
- L’entourage des personnes fragiles.
Il est, en effet, largement admis que le vaccin contre la grippe présente des bénéfices bien supérieurs aux risques liés à cette maladie. Cette dernière aurait ainsi été encore responsable d’une grande partie des 19 400 « décès en excès », constatés par Santé publique France à l’hiver 2017, pour beaucoup chez des personnes âgées.
Comme toute politique de santé publique, ce choix de recommander la vaccination contre la grippe dans certains cas fait l’objet de débats et de questionnements légitimes. Les affirmations catégoriques véhiculées par certains sites douteux n’en restent pas moins mensongères.
Le passage de 3 à 11 vaccins obligatoires en 2018 a relancé le débat sur la vaccination. Pour vous aider à y voir plus clair entre questions légitimes et fausses informations, Les Décodeurs proposent plusieurs analyses sur le sujet :
- Question n°1 : la justice européenne a-t-elle reconnu le lien entre sclérose en plaques et vaccination contre l’hépatite B ?
- Question n°2 : l’obligation vaccinale est-elle contraire aux droits du patient ?
- Question n°3 : si presque tout le monde est vacciné, pourquoi rendre les vaccins obligatoires ?
- Question n°4 : pourquoi s’inquiéter de l’aluminium dans les déodorants et pas dans les vaccins ?
- Question n°5 : la Suède a-t-elle rejeté l’obligation vaccinale à cause « de graves problèmes de santé » ?
- Question n°6 : les vaccins sont-ils « contaminés par des nanoparticules toxiques » ?
- Question n°7 : est-il vraiment dangereux de briser un flacon de vaccin ?
- Question n°8 : le vaccin contre le papillomavirus va-t-il aussi devenir obligatoire ?
- Question n°9 : les vaccins contiennent-ils « du porc, du chien et du fœtus humain » ?
- Question n°10 : y a-t-il des agents anti-fertilité dans les vaccins envoyés en Afrique ?
- Question n°11 : l’allaitement peut-il remplacer les vaccins chez les nouveau-nés ?
- Question n°12 : multiplier les vaccins nuit-il à l’immunité des enfants ?
- Question n°13 : Bill Gates a-t-il déclaré que les vaccins sont la meilleure solution pour faire baisser la population ?
- Antivaccins : des mensonges dans un débat légitime
- Vrai du faux : les vaccins sont-ils vraiment dangereux pour la santé ?
- L’efficacité des 11 vaccins obligatoires, maladie par maladie
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