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| - Présidentielle 2022 : Emmanuel Macron a-t-il « supprimé le corps diplomatique » entre les deux tours ?FAKE OFF•Un décret paru le 17 avril lance une révolution chez les diplomates
Romarik Le Dourneuf
L'essentiel
- Paru au Journal officiel dimanche, le décret n°2022-561 du 16 avril 2022 modifie le statut des diplomates, qui deviennent « administrateurs d’Etat », au même titre que les préfets ou les inspecteurs des Finances.
- Cette réforme n’est pas nouvelle : elle figurait dans la réforme de la haute fonction publique promise par Emmanuel Macron en 2017.
- Si la réforme a pour avantage de permettre aux hauts fonctionnaires de changer de voie durant leur carrière, elle fait craindre à ses opposants la fin d’une diplomatie « professionnelle ».
S’ils étaient présentés comme des organisateurs de réception dans une célèbre publicité des années 1990, les ambassadeurs ont avant tout un rôle politique et économique clé dans les relations internationales.
Mais un séisme a secoué le monde de la diplomatie française avec la parution au Journal officiel d’un décret le dimanche 17 avril, qui a scandalisé de nombreuses personnalités sur les réseaux sociaux, dont les candidats à l’élection présidentielle Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, mais également Ségolène Royal, Eric Ciotti ou d’anciens diplomates, comme Gérard Araud ex-ambassadeur de France aux Etats-Unis (2014-2019).
« Journal officiel : suppression du corps diplomatique. La France voit détruire au bout de plusieurs siècles son réseau diplomatique. Le 2e du monde. Les copains de promo vont pouvoir être nommés. Immense tristesse », s’indigne ainsi le candidat de la France insoumise. Pour mieux comprendre ce qui se passe, 20 Minutes fait le point.
FAKE OFF
Formés à (feue) l’ENA (remplacée par l’Institut national du service public depuis le 1er janvier 2022), les diplomates sont des hauts fonctionnaires qui relèvent du ministère des Affaires étrangères. Ils accomplissent généralement l’intégralité de leur carrière dans cette voie et forment le corps diplomatique. Mais le décret n° 2022-561 du 16 avril 2022, dernière étape de la réforme de la haute fonction publique promise par Emmanuel Macron en 2017, signe la « mise en extinction des corps des conseillers des affaires étrangères et des ministres plénipotentiaires ».
La « mise en extinction des corps » signifie qu’aucun recrutement ne sera plus effectué. Aussi, les diplomates vont perdre leur statut et devenir « administrateurs d’Etat », un statut « à vocation interministérielle » créé par le décret n°2021-1550 du 1er décembre 2021, au même titre que les préfets, sous-préfets ou encore les inspecteurs des finances.
Qu’est-ce que ça change ?
Le statut d’administrateur d’Etat est une révolution chez les hauts fonctionnaires. Auparavant, lorsqu’un diplômé sortait de l’ENA, il choisissait, en fonction de son classement, une voie vers laquelle diriger sa carrière, un choix quasi définitif : les ministères, un service d’inspection, le Conseil d’Etat, la Cour des comptes, la justice administrative, etc. Choisir le ministère des Affaires étrangères était la voie qui menait à la diplomatie et éventuellement au poste d’ambassadeur. Avec toute une carrière au Quai d’Orsay, les diplomates étaient de véritables professionnels, aguerris et les nominations étaient faites par le président de la République en Conseil des ministres, en fonction de l’expérience et du grade dans la hiérarchie du diplomate.
Si quelques nominations ont créé du remous, cette tradition était de manière générale respectée. Avec cette réforme, il sera possible pour les hauts fonctionnaires de passer du poste de préfet à ambassadeur, puis d’ambassadeur à Conseiller d’Etat, moyennant une formation pour chaque mutation. C’est sur ce point que les détracteurs de la réforme, dont Gérard Araud, dénoncent une suppression de la diplomatie « professionnelle », puisqu’un haut fonctionnaire pourrait obtenir un poste de diplomate après avoir passé sa carrière dans un autre corps de l’Etat.
Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques de France, a justifié, il y a déjà plusieurs mois déjà sur Public Sénat, la volonté du gouvernement d’encourager les hauts fonctionnaires à changer de carrière, de leur permettre de connaître davantage « le terrain », et de s’assurer que les hommes et femmes soient « évalués sur leurs résultats ».
Mais certains craignent des arrangements, estimant que le président de la République pourra nommer plus facilement un allié politique, un ancien ministre ou un collaborateur. C’est notamment la critique émise par Marine Le Pen, adversaire d’Emmanuel Macron au second tour de l’élection présidentielle : « Il veut remplacer des serviteurs de l’État impartiaux par du copinage. »
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