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| - Vladimir Poutine a évoqué la Belgique lors d'une réunion avec les participants du Festival mondial de la jeunesse ce mardi.Le président russe a assuré que le petit pays devait son indépendance à la Russie.Une énième réécriture de l'Histoire par le maître du Kremlin, selon les spécialistes interrogés.
On connaissait Bruxelles pour ses frites, moins pour sa Poutine. Face à une foule réunie à Sotchi ce mardi 5 mars pour le "Festival mondial de la jeunesse", le président russe a assuré que la Belgique était "largement apparue sur la carte du monde comme un État indépendant, en grande partie grâce à la Russie". Une manière pour Vladimir Poutine de s'approprier l'histoire de ce petit pays, devenu à travers les années le centre politique de l'Otan et la capitale de l'Union européenne.
Poutine réécrit l'Histoire
Une affirmation qui a fait bondir tous les historiens que nous avons interrogés. Auprès de TF1info, ils rappellent que la Belgique a gagné son indépendance suite à la révolution de 1830. Sous l'autorité du royaume des Pays-Bas, les Belges se soulèvent en août 1830 contre leur roi, Guillaume Iᵉʳ. Or, à cette époque-là, le tsar Nicolas Iᵉʳ choisit de ne pas venir en aide à la population belge qui scande la "liberté en tout et pour tous". Au contraire, il y voyait une menace pour l'ordre établi lors du Congrès de Vienne. Après la chute de Napoléon, (nouvelle fenêtre) il décide finalement de venir en renfort au roi Guillaume Ier, dit Guillaume d'Orange. "Aussitôt, son beau-frère le Tsar de toutes les Russies lui répondit en mettant à sa disposition 115.000 hommes", écrivait ainsi l'historien (nouvelle fenêtre)Jacques Willequet en mai 1980 dans un ouvrage sur la naissance de la Belgique. Déjà aux prises avec une révolution en Pologne, les troupes tsaristes n'iront finalement pas dans la capitale belge. Un récit au travers duquel on comprend que le rôle de la Russie dans l'histoire de l'indépendance de la Belgique est en fait "plutôt contraire" à celui présenté par le chef du Kremlin, comme le souligne l'historien Vincent Dujardin.
C'est inexact, et c'est même plutôt le contraireVincent Dujardin, professeur d'histoire contemporain
Mais alors, de quoi parle le chef du Kremlin ? (nouvelle fenêtre) Interrogée à ce sujet, l'historienne Chantal Kesteloot relève que la Russie tsariste a effectivement joué un rôle, après la Révolution, mais de manière totalement insignifiante. Le 4 novembre 1830, une conférence internationale s'ouvre en effet à Londres afin de s'accorder sur l'avenir de la Belgique. Autour de la table, les cinq grandes puissances (nouvelle fenêtre)décident du sort du plat pays. On y trouve la France, la Grande-Bretagne, la Prusse, l'Autriche et la Russie. Ce sont ces mêmes puissances que l'on retrouvera ensuite en 1839 pour fixer les frontières du territoire de la Belgique et des Pays-Bas.
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Mais si elle est représentée, la Russie ne joue toutefois aucun rôle déterminant au cours de cette conférence. Selon les historiens interrogés, c'est en réalité Londres et Paris qui vont occuper une place décisive, soutenant l'idée de l'indépendance, calmant ainsi les ardeurs prussiennes. Auprès de TF1info, Chantal Kesteloot remarque par ailleurs que si toutes ces puissances s'étaient portées garantes de la neutralité belge, seule l'Angleterre la protègera, entrant de ce fait dans la Première Guerre mondiale. "Lorsque l'Allemagne a violé cette neutralité en août 1914, cela n'a entraîné aucune réaction de la Russie", note-t-elle.
À travers tous les écrits que nous avons pu consulter, tous les historiens s'accordent à dire que non seulement la Russie a d'abord voulu mater le mouvement d'indépendance belge, mais n'a en plus rien fait pour en garantir la souveraineté. Contrairement à ce qu'assure le chef du Kremlin, son pays n'a eu "aucun mérite dans l'affaire", comme le résume Vincent Dujardin. Il s'agit simplement d'une énième réécriture de l'Histoire, dont Vladimir Poutine est coutumier ces dernières années.
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