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| - Jordan Bardella prévient que le RN acceptera de gouverner à la seule condition qu'il obtienne une majorité absolue à l'issue des législatives.Que se passera-t-il si la formation en tête dispose d'une majorité relative à l'Assemblée, mais refuse de gouverner ?Éléments de réponse avec Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public et membre de notre partenaire Les Surligneurs.
Jordan Bardella a prévenu. "Si demain, je suis en capacité d’être nommé à Matignon et que je n’ai pas de majorité absolue (...) et bien, je refuserai d’être nommé", assurait-il dès le 18 juin dernier. À l'approche du second tour des législatives, le Rassemblement national ne dispose d'aucune garantie. Alors que des désistements massifs ont été consentis par ses adversaires pour faire barrage à l'extrême droite, le prétendant à Matignon pourrait bien se retrouver, au soir du 7 juillet, avec une majorité relative, soit moins de 289 députés sur 577 à l'Assemblée.
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Si un tel cas de figure se produit, l'eurodéputé pourra-t-il vraiment refuser le poste de Premier ministre ? S'exposera-t-on à une crise politique et institutionnelle ? Pour le savoir, TF1info a fait appel à Bertrand-Léo Combrade. Professeur de droit public, il est par ailleurs membre de notre partenaire Les Surligneurs, média spécialisé dans le "legal-checking".
Le chef de l'État est libre de choisir, mais...
Bertrand-Léo Combrade rappelle en préambule que la Constitution prévoit que "le président de la République est chargé de nommer un Premier ministre". Et ce, "sans aucune exigence particulière d'un point de vue juridique". Au lendemain des législatives, il peut ainsi "nommer qui il veut, son choix demeure totalement libre".
Sur le papier toutefois, puisqu'en pratique, le Premier ministre doit ensuite se présenter devant l'Assemblée. S'il engage sa responsabilité et ne parvient pas à l'obtenir, il sera renversé, lui et son gouvernement. Ne pas engager sa responsabilité – une autre option possible – l'exposera en revanche à coup sûr à une motion de censure, synonyme, elle aussi, de renversement.
Au-delà du droit, nous observons aussi des "pratiques politiques", souligne le juriste, qui "n'ont aucun fondement constitutionnel", mais dont la force tient de "la coutume, des précédents". En période de cohabitation, poursuite le représentant des Surligneurs, on constate que "le choix du Premier ministre est dicté par le dirigeant du parti politique arrivé en tête". Jordan Bardella serait ainsi le candidat naturel d'un Rassemblement national qui aurait remporté les législatives. Mais attention : "il pourrait tout à fait refuser d'être nommé".
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Rien n'obligerait le RN à accepter le pouvoir
Inversement, si l'on s'appuie sur le droit, "aucun texte constitutionnel ne peut imposer à un parti de gouverner avec une majorité relative". Il est donc possible au RN ou à toute autre formation politique de décliner Matignon si elle ne peut pas compter sur une majorité absolue. Impossible, en revanche, de laisser vide le fauteuil de Premier ministre : dans une telle situation, il est à prévoir qu'Emmanuel Macron se présente devant les députés nouvellement élus et leur demande de s'accorder sur le nom d'un(e) candidat(e) pour le poste. Une femme ou un homme susceptible d'obtenir par la suite la confiance de l'Assemblée.
De multiples hypothèses seraient sur la table : "Les macronistes pourraient proposer de réinvestir Attal en s'ouvrant aux sociaux-démocrates", imagine par exemple Bertrand-Léo Combrade. Au même titre qu'une large union des droites, glissant vers le centre. Quoi qu'il en soit, il faudrait "se préparer potentiellement à une période de plusieurs semaines, durant laquelle le président de la République ne pourrait pas nommer de Premier ministre". Un moment de flottement politique au cours duquel les partis représentés au Palais Bourbon devraient chercher à bâtir des coalitions en vue de gouverner.
Maintenir Gabriel Attal durant un an... Avant une autre dissolution ?
Rien n'exclut que des formations politiques réussissent, à force de compromis, à mettre sur pied une coalition. Néanmoins, cela supposerait que des partis jusque-là très opposés soient en mesure de s'accorder sur un projet de gouvernement. Dans tous les cas, même en l'absence de candidat(e) consensuel(le) pour Matignon, "il est impensable que la France ne soit pas gouvernée", lance Bertrand-Léo Combrade. D'ailleurs, ajoute-t-il, "le droit a tout prévu". Si elle ne figure pas dans la Constitution, une théorie jurisprudentielle dite "de l'expédition des affaires courantes" prévaut dans une telle situation.
Concrètement, "dans l'attente d'un nouveau gouvernement, c'est le gouvernement actuel dirigé par Gabriel Attal qui continuerait d'expédier les affaires courantes". Il ne pourrait "plus réformer le pays, plus adopter de réformes", mais serait en mesure de "mettre en œuvre des textes déjà votés". Une manière d'éviter un blocage du pays, le ministre de l'Éducation nationale continuant par exemple de plancher sur la préparation de la rentrée des classes. "Quand bien même Gérald Darmanin et Bruno Le Maire seraient tentés d'organiser une sortie théâtrale de leur ministère dès lundi matin, les cartons à la main, en réalité ils devront attendre la nomination d'un nouveau Gouvernement", glisse le juriste.
Faute de consensus à l'Assemblée sur l'établissement d'une nouvelle majorité, il n'est pas improbable d'imaginer Gabriel Attal rester à Matignon. Pour une durée qui ne dépasserait sans doute pas un an : il s'agit en effet du délai à l'issue duquel Emmanuel Macron pourrait à nouveau dissoudre l'Assemblée. Bertrand-Léo Combrade exclut au passage l'hypothèse d'un recours à l'article 16 de la Constitution (attribuant au président les pleins pouvoirs), estimant que "les conditions ne seraient pas réunies".
Enfin, la formation d'un gouvernement composé des personnalités issues de la société civile pourrait être envisagée. Des figures plus consensuelles qui prendraient la tête des différents ministères, sous réserve, là encore, que la nouvelle équipe obtienne confiance du Parlement. On parle dans cette situation d'un gouvernement dit "technique", pas vraiment "dans la culture politique française", mais que l'on a déjà observé chez certains de nos voisins, que ce soit "en Italie ou en Belgique".
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