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| - Après sa formation en France, la 155ᵉ brigade mécanisée des forces armées ukrainienne a été déployée sur le front.À leur retour en Ukraine, "plus de 1000 membres" de cette brigade équipée par la France auraient "fui la ligne de front".Un chiffre largement surestimé et une rumeur amplifiée par la machine à propagande russe.
Pour Paris, cette brigade devait être un "modèle de soutien". Dans le narratif pro-russe, elle est devenue un "fiasco". Plusieurs comptes affirment depuis le dimanche 15 décembre que la 155ᵉ brigade mécanisée des forces armées ukrainiennes, formée et équipée par la France, est confrontée à "des désertions massives". D'après eux, "plus de 1000 membres" de cette brigade surnommée Anne de Kiev auraient "fui la ligne de front". Signe que même avec neuf semaines de travail dans l'est de la France, les quelque 2000 soldats ukrainiens n'auraient pas été prêts au combat. Nous avons voulu vérifier.
Dans leurs publications, plusieurs internautes renvoient à une seule et même source, le compte Telegram (nouvelle fenêtre) anglophone "Military Summary Archive", qui possède également sa version russe. Dans les deux cas, ils s'appuient sur la vidéo de Youri Boutousov, un journaliste ukrainien. Nous avons retrouvé la séquence dans un direct (nouvelle fenêtre) publié le 13 décembre sur la chaine de ce commentateur spécialiste des questions militaires.
Face caméra, il s'en prend effectivement aux "dirigeants militaires et politiques" ukrainiens. Selon ses informations, ils auraient décentralisé la 155ᵉ brigade mécanisée formée par la France dès son arrivée sur le front afin de constituer plusieurs unités. Pour gonfler les rangs de ces nouvelles brigades, le commandement aurait ajouté "plusieurs milliers de personnes" inexpérimentées, directement "recrutées dans la rue et transportées dans des bus". Mais face à la percée russe près de Pokrovsk (nouvelle fenêtre), "plusieurs centaines, plus d'un millier de personnes, sont rentrées chez elles immédiatement après". Une situation qu'il expose de nouveau dans la presse ukrainienne le lendemain, déplorant que les autorités ne "répondent pas de leurs actes".
De vives critiques en Ukraine
Des informations qui correspondent au constat de la députée Mariana Bezuhla. À l'origine de vives critiques à l'encontre des commandants militaires depuis le début du conflit, cette élue ukrainienne regrette dès le 7 décembre que la brigade Anne de Kiev ait été décentralisée et ses membres envoyés au front sans coordination. Présidente d'une commission parlementaire (nouvelle fenêtre) sur le contrôle de l'action des représentants des autorités de l'État, elle va même jusqu'à comparer cette unité à une "brigade zombie" créée pour des raisons de communication.
Pourtant, diviser cette brigade en plus petites unités peut se justifier, comme le souligne une source militaire française. Cette décision, déjà prise par le passé dans de nombreux conflits dans le cas d'une unité d'élite, présente même des avantages stratégiques, dont celui de multiplier les unités afin d'envisager d'éventuelles rotations (nouvelle fenêtre) et injecter de nouveaux soldats là où les pertes étaient nombreuses.
Mais face à l'avancée des Russes à Pokrovsk, ces troupes se seraient repliées, provoquant effectivement la dispersion de ces hommes, dont le regroupement peut prendre du temps. Et ce sans compter la fuite de quelques membres de ces nouvelles unités, d'après cette même source militaire. Interrogée à ce sujet, l'armée ukrainienne a refusé de commenter. Du côté de l'état-major des armées françaises, on rappelle que ce sont les forces armées ukrainiennes "qui définissent les conditions de déploiement sur le sol ukrainien".
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Mais alors, peut-on parler de millier de soldats ? "Ce que je peux dire, c'est qu'il y a eu un grand nombre de cas d'absence non autorisée de l'unité par le personnel militaire", nous répond Mariana Bezuhla, soulignant qu'il ne s'agit pas exclusivement des soldats ayant été formés en France. Preuve des difficultés que rencontre cette unité, le colonel Dmitri Ryumshin, qui en avait la charge jusqu'alors, a été remplacé (nouvelle fenêtre) dès le mercredi 11 décembre par le colonel Taras Maksimov.
Auprès de TF1info, la députée de la Rada en profite pour épingler la "qualité de management" de l'armée ukrainienne. Et envoie un message aux alliés. "Nous avons non seulement besoin des armes pour défendre l'Europe, mais aussi d'un changement de la gestion militaire et d'un soutien pour y parvenir." À noter que la formation réalisée par la France comprenait bien un apprentissage (nouvelle fenêtre) à destination de l'état-major de la brigade sur l'emploi tactique.
Des propos déformés et une rumeur amplifiée
Il est donc faux d'indiquer que 1000 membres de cette unité formée et équipée par la France ont déserté les rangs. Il s'agit de la seule estimation d'un commentateur militaire à partir d'observations des départs sur l'ensemble des unités déployées sur le front de Pokrovsk. Reste qu'un vif débat existe bel et bien en Ukraine au sujet de la brigade Anne de Kiev et son déploiement.
Une information authentique, qui a ensuite été amplifiée par les réseaux pro-russes et détournée pour incriminer la France. Ainsi, les propos déformés du journaliste Youri Boutousov ont été récupérés dès le 15 décembre par tout l'écosystème lié à Portal Kombat, ce réseau "structuré et coordonné" (nouvelle fenêtre) qui relaie la propagande russe en Europe à travers différents portails. Simultanément, les relais habituels de propagande russe en France ont partagé ce contenu, dont l'ancien sénateur Yves Pozzo di Borgo. Non sans ajouter à cette fausse information un narratif sur le "fiasco" économique de ces dépenses coûteuses pour le "contribuable français". Du pain béni pour ce complotiste au service de la propagande russe qui multiplie depuis le début du conflit les fausses informations pour tenter coûte que coûte de décrédibiliser le soutien de la France à l'Ukraine.
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