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| - « On ne fait pas les choses en cent jours. » Emmanuel Macron défend ses choix et balaie les critiques sur certaines de ses décisions depuis son élection dans une interview au Point, publiée jeudi 31 août. Pas question pour le chef de l’Etat, donc, de remettre en cause les suppressions de contrats aidés ou la baisse de cinq euros par mois des aides personnalisées au logement (APL) à partir d’octobre, autant d’orientations justifiées par les faits, selon lui. Reste que ses affirmations sont parfois moins évidentes que le président l’affirme. Retour sur trois d’entre elles.
1. Une présentation réductrice de la situation de l’emploi en Europe
CE QU’IL A DIT
« Nous sommes la seule grande économie de l’Union européenne qui n’a pas vaincu le chômage de masse depuis plus de trois décennies. »
C’EST CONTESTABLE
Le taux de chômage en France était de 9,2 % de la population active en France (outre-mer compris) au deuxième trimestre 2017, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). C’est effectivement nettement plus qu’en Allemagne (autour de 3,8 %) et au Royaume-Uni (autour de 4,4 %), selon les chiffres d’Eurostat.
Si l’on ne compte que ces deux pays et la France parmi les « grandes économies » européennes, le constat du président serait donc juste. Reste que c’est faire l’impasse sur au moins deux autres grands pays, l’Italie et l’Espagne, qui ont encore plus de difficultés sur le front de l’emploi que la France avec respectivement autour de 11 et 17 % de chômage.
Enfin, ne retenir que le taux de chômage comme indicateur de la santé du marché du travail ne permet qu’une comparaison limitée entre pays en passant sous silence d’autres données intéressantes. Par exemple, les salaires ou les types de contrat dont bénéficient les travailleurs – le très précaire contrat « zéro heure » du Royaume-Uni est ainsi régulièrement évoqué.
2. Un discours caricatural sur les emplois aidés
CE QU’IL A DIT
« Le taux de retour à l’emploi durable des personnes concernées [par les emplois aidés] est, en effet, très faible. »
C’EST DISCUTABLE
Les critiques envers les emplois aidés sont récurrentes. En cause, leur coût élevé, mais aussi leur efficacité. Une note de la Dares, le service des études du ministère du travail, publiée en mars fait le point à cet égard. Elle estime que « 67 % des personnes sorties en 2014 d’un CUI-CIE [contrat aidé] et 41 % des personnes sorties d’un CUI-CAE (hors personnes passées par une structure d’insertion par l’activité économique) étaient en emploi » six mois après la fin de leur contrat aidé en 2014. La même année, dans le secteur marchand, « 71 % des sortants » de contrat aidé ont été embauchés en CDI.
Mais l’enquête montre aussi que 63 % de ses embauches auraient eu lieu avec ou sans aide de l’Etat. La difficulté de mesure se trouve, en effet, dans le fait qu’il n’est pas toujours aisé de savoir dans quelle mesure l’entreprise crée un poste du fait d’un emploi aidé ou si elle profite simplement de ce statut pour un poste qu’elle aurait, de toute façon, envisagé. La Dares procède donc par échantillons en comparant des personnes dans des situations similaires.
Selon ces calculs, toujours en 2014, dans le secteur marchand, « un ancien bénéficiaire de contrat aidé avait 31 points de chance de plus d’être en CDI qu’une personne aux caractéristiques proches mais qui n’était pas passée par un contrat aidé et 23 points de chance de plus d’accéder à un emploi non aidé ».
En revanche, dans le secteur non marchand (associations, fonction publique), le résultat de la comparaison était… négatif : une personne en contrat aidé avait « 8 points de chance de moins d’être en CDI deux ans et demi après l’entrée en contrat aidé, et 5 points de chance de moins d’être en emploi non aidé ».
Ces résultats sont jugés partiels par l’étude elle-même, qui conclut en notant un réel effet des contrats aidés sur le court terme, mais un effet plus discutable sur le long terme. Néanmoins, il est caricatural de dire que le retour à l’emploi des personnes en contrat aidé est « très faible ».
3. Une justification un peu facile de la baisse des APL
CE QU’IL A DIT
« Nous avons eu une politique de subvention de la demande, avec notamment les APL [aides personnalisées au logement]. Résultat : les loyers ont constamment augmenté. »
C’EST DISCUTABLE
Emmanuel Macron reprend ici à son compte la défense du gouvernement face aux critiques sur la baisse de 5 euros mensuels des APL à partir d’octobre : ces aides seraient inefficaces, en poussant les loyers à la hausse.
Le ministre de la cohésion des territoires, Jacques Mézard, avait été encore plus précis en juillet, affirmant que, « quand on met 1 euro de plus sur l’APL, ça fait 78 centimes de hausse des loyers ». Ce calcul vient d’une thèse de la chercheuse Gabrielle Fack publiée en 2006, qui a étudié l’extension des APL à de nouveaux bénéficiaires dans les années 1990. L’Insee est également allé dans ce sens dans une étude publiée en 2014, qui pointe les mêmes effets inflationnistes des APL sur les loyers.
Ces constats ne signifient pas pour autant que l’ajustement du gouvernement sur les APL était le seul possible, ni forcément le meilleur. La Cour des comptes, dans son rapport annuel de 2017, reprend plusieurs critiques sur les APL, tout en rappelant qu’elle constitue aujourd’hui la « principale prestation monétaire » qui bénéficie aux ménages les plus modestes et est « un outil essentiel de la politique de solidarité ».
Plutôt qu’une baisse du montant mensuel des APL, les magistrats préconisent plutôt plusieurs pistes d’ajustement. Par exemple, le fait de supprimer la possibilité, pour les étudiants, de cumuler le bénéfice de l’APL et de l’avantage lié à leur rattachement au foyer fiscal familial (la demi-part). Par ailleurs, la Cour des comptes plaidait pour une meilleure prise en compte du montant payé par les locataires pour leur logement, une fois l’APL déduite dans le calcul des aides.
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