schema:text
| - Le projet de "loi spéciale" pour assurer la continuité de l'État à partir de janvier, faute de budget 2025, a été présenté ce mercredi en Conseil des ministres.La France insoumise et le Rassemblement national veulent l'amender pour y ajouter l'indexation sur l'inflation du barème de l'impôt sur le revenu, mais le gouvernement assure que c'est impossible.Les juristes ne sont pas conclusifs ni d'accord entre eux à ce propos.
Assurer la continuité de l'État, autoriser le gouvernement à lever les impôts et dépenser les crédits sur la base du budget de l'année en cours. C'est ce que permettra la loi spéciale examinée lundi 16 décembre à l'Assemblée nationale puis deux jours plus tard au Sénat, faute de budget 2025 adopté dans les délais en raison de la censure du gouvernement. Mais le projet de loi de finances 2025 prévoyait une indexation sur l'inflation du barème de l'impôt sur le revenu afin d'éviter des hausses aux contribuables l'an prochain, que ne contient donc pas la loi spéciale.
Afin d'y remédier et de préserver le pouvoir d'achat des Français, des groupes politiques veulent amender la loi spéciale pour y ajouter cette disposition, mais le gouvernement assure que c'est impossible. TF1info fait le point.
"Nous allons demander et déposer un amendement pour faire en sorte que la réindexation du barème de l'impôt sur le revenu figure dans cette loi spéciale", a assuré le coordinateur national de La France insoumise Manuel Bompard ce mercredi sur France info. "Je vais regarder pour essayer de faire cet amendement", a confirmé sur TF1 le député insoumis et président de la commission des Finances Éric Coquerel. Le Rassemblement national a également indiqué qu'il était possible d'amender le projet de loi spéciale. Faux, répond le gouvernement.
Le ministre du Budget et des Comptes publics Laurent Saint-Martin a déclaré à la presse à l'issue du Conseil des ministres que cela n'était pas possible, renvoyant "à l'avis très clair et très précis du Conseil d'État", datant de ce 9 décembre. "Il ne peut pas y avoir de nouvelles dispositions fiscales. C'est là-dessus, conformément à la Constitution et à la loi organique relative aux lois de finances, je vous renvoie à l'avis du Conseil d'État qui était très clair en la matière concernant les impossibilités", a ajouté le ministre.
Que dit le Conseil d'État ?
Que dit l'avis en question ? "Le Conseil d'État considère que les mesures nouvelles d’ordre fiscal, qui ne sauraient, en tout état de cause, être regardées comme des mesures nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale, ne relèvent pas du domaine de la loi spéciale", lit-on (nouvelle fenêtre). Il indique que "l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu" ne peut pas faire partie des dispositions "ayant leur place en loi spéciale dès lors qu’elles constituent des modifications affectant les règles de détermination des impôts existants et excèdent ainsi l’autorisation de continuer à percevoir ces impôts".
À la lecture de ce dernier, les Insoumis estiment que tout est question d'interprétation. "Quand le Conseil d'État dit que ça doit permettre de lever les impôts existants, on peut légitimement considérer que réindexer le barème de l'impôt sur le revenu, c'est garantir le même périmètre d'impôt et donc rester dans le cadre des impôts existants", a expliqué Manuel Bompard. "Pour le reste, le Conseil d'État donne un avis, consultatif, pas contraignant. Il y a à plusieurs reprises des gouvernements qui n'ont pas suivi l'avis des Conseils d'État et là, il y a une unanimité de tous les groupes politiques pour demander à ce que cette loi spéciale puisse réindexer le barème de l'impôt sur le revenu."
Qu'en pensent les juristes ?
Qu'en disent les juristes ? Le site de legal-checking Les Surligneurs (nouvelle fenêtre) estime que l'avis du Conseil d'État, en écartant la possibilité de modifier le barème de l’impôt sur le revenu, formule "une interprétation téléologique (de sa finalité, ndlr) discutable de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF)". Selon l'auteur de l'article Sacha Sydoryk, maître de conférences en droit public à l’université de Picardie Jules Verne, il est possible d'avoir plusieurs lectures, permettant d'amender ou non l'article autorisant à prélever des impôts existants.
La réponse de la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina est plus tranchée. Selon elle, l'avis du Conseil d'État est le bon et il serait étonnant que le Parlement et le gouvernement amendent ce texte "étant donné que c’est vraiment une situation qui est censée durer maximum sur le mois de janvier", explique-t-elle, citée par Public Sénat. La spécialiste voit cette loi spéciale comme "un sparadrap sur une jambe de bois", considérant qu'"il n’y a pas vraiment de travail qui peut être réalisé là-dessus".
Mais comme le fait remarquer Manuel Bompard, le Conseil d'État n'a qu'un avis consultatif et l'institution à avoir le dernier mot est le Conseil constitutionnel. Sacha Sydoryk présume que si des amendements pour modifier le barème de l'impôt "étaient adoptés ou ajoutés par le gouvernement, et même si le Conseil constitutionnel était saisi, il n’est pas certain qu’il suivrait son voisin du Palais Royal".
Les impôts augmenteront-ils début 2025 ?
En résumé, il est pour l'heure impossible d'être conclusif sur la possibilité d'amender la loi spéciale pour indexer le barème d'impôt sur le revenu, les spécialistes n'étant pas d'accord entre eux. Quant aux avis exprimés par la classe politique, ils servent leurs intérêts : LFI et le RN veulent poursuivre leur lutte en faveur du pouvoir d'achat des Français malgré la censure, et le gouvernement veut montrer "l'irresponsabilité" de ses opposants en répétant que l'indexation des impôts sur l'inflation avait été prévue par Michel Barnier dans le budget 2025, qui n'a pas été voté à cause du Nouveau Front populaire et du RN.
Ce qui est certain, c'est que les impôts n'augmenteront pas au début de l'année 2025, que la loi spéciale comprenne ou non un amendement sur les impôts. Ils augmenteront si le projet de loi de finances pour 2025 que devront élaborer gouvernement et Parlement l'année prochaine n'indexe pas le barème de l'impôt sur l'inflation et que rien n'a été fait en ce sens au moment du rendu des avis d'imposition au printemps prochain.
"Il faudra attendre une nouvelle loi de finances, la loi de 2025 pour permettre d'indexer cela", a confirmé Laurent Saint-Martin. "Donc si votre question est de savoir s'il y aura bien 380.000 nouveaux foyers imposables avec la loi spéciale et une augmentation des impôts estimés pour un peu plus de 17 millions d'euros avec la loi spéciale, la réponse est oui telle qu'elle est présentée aujourd'hui." À condition de ne pas modifier les choses dans le prochain projet de loi de finances.
Vous souhaitez nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable ? N'hésitez pas à nous écrire à l'adresse lesverificateurs@tf1.fr. Retrouvez-nous également sur X : notre équipe y est présente derrière le compte @verif_TF1LCI.
|