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| - Dans une interview télévisée, le ministre de la Santé allemand a évoqué les effets secondaires des vaccins.Un passage très commenté et souvent présenté comme une véritable volte-face.Si les déclarations publiques de Karl Lauterbach marquent une évolution, on constate aussi que ses propos sont tronqués et déformés.
Le 12 mars, le ministre fédéral allemand de la Santé s'exprimait à la télévision, interrogé par la chaîne ZTE. Un entretien assez largement commenté puisque le responsable politique et médecin de formation a évoqué la très sensible question des effets secondaires des vaccins. Karl Lauterbach, peut-on lire sur les réseaux sociaux, "retourne sa veste". En effet, il "reconnaît désormais les effets secondaires graves" qui feraient suite aux vaccinations. Des commentaires relayés dans les milieux antivax français, mais qui ne reflètent que très partiellement la position du ministre.
Des propos décontextualisés
Si l'interview donnée à la ZTE a fait l'objet d'une couverture médiatique outre-Rhin, elle a surtout été relayée en ligne côté francophone, par le biais notamment d'un tweet (nouvelle fenêtre) de Laurent Mucchielli. Directeur de recherche du CNRS et fin spécialiste des questions de délinquance, le sociologue s'est mué depuis la crise sanitaire en pourfendeur des vaccins, régulièrement accusé de propager de fausses informations au sujet du Covid.
De prime abord, on constate que le message posté sur Twitter par le chercheur au sujet de Karl Lauterbach s'appuie sur une publication (nouvelle fenêtre) de la plateforme "CovidHub.ch". Le titre est sans équivoque : "Vaccins Covid : le ministre allemand de la Santé admet des dégâts 'consternants'". Le site qui héberge cet article se présente (nouvelle fenêtre) comme un "média francophone de réinformation en ligne, pour comprendre les réels enjeux de la crise en cours". On y dénonce pêle-mêle les dangers supposés des vaccins, les mesures sanitaires excessives des gouvernements ou bien encore les dérives prêtées à l'industrie pharmaceutique.
Le titre de la publication repartagée par Laurent Mucchielli se révèle trompeur : en effet, le ministre allemand ne désigne pas au cours de l'interview les dégâts causés par les vaccins en les jugeant "consternants". Le terme "absolut bestürzend" qu'il choisit dans ses propos se traduirait ici davantage par "absolument bouleversants" ou "tragiques". De plus, il ne fait pas ici référence aux dégâts en eux-mêmes, mais au destin des personnes qui sont touchées. Ce que l'extrait relayé par la chaîne ZTE (nouvelle fenêtre) sur YouTube permet de confirmer.
Ajoutons que sa réaction intervient après la diffusion d'un reportage consacré à deux personnes ayant souffert d'effets secondaires majeurs. Le ministre est alors invité à rebondir sur la souffrance des patients évoquée à travers le sujet diffusé quelques instants plus tôt. Surtout, le reste de son intervention mérite d'être également analysée pour bien comprendre la nature de ses propos.
Une volte-face à nuancer
Le quotidien Die Zeit, qui est revenu sur cette interview à travers un article, note que Karl Lauterbach a "annoncé qu'il lancerait son propre programme pour mieux rechercher et traiter les conséquences négatives de la vaccination" sur les patients. "C'était son vrai message", résume le journal (nouvelle fenêtre), "mais dans la conversation, les choses se sont mélangées, de sorte que certaines personnes ont eu l'impression que les effets secondaires graves de la vaccination corona se révèlent plus fréquents qu'on ne le pensait auparavant".
La fréquence des effets secondaires graves est mentionnée. "Moins d'un pour 10.000 injections", glisse le ministre. Il s'agit là d'une évolution rhétorique, puisqu'à plusieurs reprises par le passé, Karl Lauterbach avait laissé penser qu'il niait de possibles conséquences graves post-vaccination. Au cours de l'entretien, l'intéressé explique regretter certaines de ses anciennes déclarations, décrites comme des "exagérations". Une forme de mea-culpa que la presse allemande a souligné au lendemain de son passage télévisé, tout en expliquant que le représentant du gouvernement s'était montré confus à plusieurs reprises.
Les chiffres relatifs aux effets secondaires graves sont en effet qualifiés de trompeurs. Le chercheur Leif Erik Sander, spécialiste des vaccins, a expliqué à Die Zeit que "heureusement, les complications vaccinales les plus graves, telles que celles mises en lumière dans le sujet diffusé par la ZDF, ne surviennent pas avec une fréquence d'une sur 10.000". Il ajoute que "selon les données actuelles, des cas comme ceux-là sont si rares qu'ils ne sont pas répertoriés comme une accumulation statistique." Il note que l'Institut Paul Ehrlich, équivalent outre-Rhin de Santé publique France, aurait été rapidement alerté, tout comme les autres organismes internationaux en charge de la santé publique. Or, "cela n'a pas été le cas", tranche-t-il.
En résumé, il faut donc se montrer prudent au sujet de l'interview donnée le 12 mars par Karl Lauterbach. Si le ministre a fait évoluer sa communication en admettant la survenue possible d'effets secondaires graves, ses propos ont ensuite fait l'objet d'interprétations trompeuses. Une sortie confuse au cours de laquelle il a tenté maladroitement de rassurer sur les risques pour les patients, mais qui a conduit à l'utilisation de chiffres laissant penser que des cas critiques étaient plus fréquents que dans la réalité.
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