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| - Question posée par Fred le 03/04/2020
Bonjour,
Vous avez été plusieurs à nous interroger sur la publication, le 29 mars, d'un décret permettant aux médecins de ville de prescrire, hors autorisation de mise sur le marché (AMM) et dans le cadre de l'épidémie de Covid-19, un médicament appelé Rivotril. Cette dérogation est en vigueur jusqu'au 15 avril.
Depuis la fin de semaine, le gouvernement est accusé d'avoir de cette manière «légalisé l'euthanasie» dans les Ehpad. Une accusation reprise notamment par le sénateur LR de Côte-d'Or Alain Houpert et Gilbert Collard.
Avec ce décret et la banalisation du Rivotril ne risque-t-on pas de passer de la sélection des patients à une euthanasie massive qui ne dit pas son nom ? #COVID2019france https://t.co/Q1PbwdQNRK— Alain Houpert (@alainhoupert) April 2, 2020
#COVID19 : un décret du 28 mars 2020 autorise l’#euthanasie pour se débarrasser des vieux qui encombreraient l’hôpital, écoutez cette interview sur #RadioShalom ! Elle dit tout ! Et dire qu'on prétend être le pays des droits de l'Homme...#Rivotril #Coronavirus #Covid_19fr pic.twitter.com/1woRlaxYV2— Gilbert Collard (@GilbertCollard) April 2, 2020
Qu'est-ce que le Rivotril ? Ordinairement prescrit pour traiter l'épilesie, mais ce sédatif peut être utilisé quand les malades souffrent d'une atteinte pulmonaire telle qu'il y a un risque de suffocation. On l'utilise «pour ne pas les laisser mourir de suffocation», explique à CheckNews Benoît Veber, responsable de la réanimation chirurgicale du CHU de Rouen.
Utilisé en cas de pénurie d’un autre sédatif
Habituellement, les médecins ont recours au midazolam, une autre molécule pour laquelle les hôpitaux craignent un risque de pénurie. De fait, celle-ci est à la fois utilisée «pour endormir les patients en réanimation, mais aussi en soins palliatifs pour adoucir leur fin de vie», indique le praticien.
Or il y a actuellement une très forte consommation de ce médicament en réanimation, et une tension sur les stocks, comme l'expliquait CheckNews dans un précédent article sur la morphine. «En cas de pénurie, la proposition est donc d'utiliser le Rivotril pour assurer le confort des patients en soins palliatifs», souligne Benoît Veber.
Puisque le midazolam vient à manquer, le décret facilite les prescriptions de Rivotril, en autorisant les pharmacies de ville à le dispenser hors AMM (autorisation de mise sur le marché) pour accompagner les patients en fin de vie à domicile, ou en Ehpad dans le cadre du Covid-19.
Sur son site, la Fédération des pharmaciens d'officine précise que la prescription de Rivotril a «pour objectif la prise en charge palliative des patients confrontés à un état asphyxique et ne pouvant être admis en réanimation ou pour lesquels une décision de limitation de traitements actifs a été prise».
La sédation profonde n’est pas une euthanasie
Le décret dispose ainsi que «le médecin se conforme aux protocoles exceptionnels et transitoires relatifs, d'une part, à la prise en charge de la dyspnée [une gêne respiratoire, ndlr] et, d'autre part, à la prise en charge palliative de la détresse respiratoire, établis par la société française d'accompagnement et de soins palliatifs et mis en ligne sur son site».
Dans un communiqué publié samedi 4 avril, le président de la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG), Olivier Guérin, réagit : «Il est bien entendu hors de question de faire de la sédation sur des patients qui nécessiteraient une hospitalisation, ou en dehors d'une évaluation clinique rigoureuse avec une décision autant que possible partagée.»
Auprès de 20 Minutes, la direction générale de la santé (DGS) explique qu'il s'agit «d'améliorer l'accompagnement des soins palliatifs, y compris hors des hôpitaux, en Ehpad par exemple, où les médecins n'avaient pas accès au Rivotril» et que sa prescription est prévue pour «permettre d'améliorer [la] fin de vie» des «patients pour lesquels une décision de limitation de traitements actifs a été prise».
La prescription du Rivotril, comme du midazolam, n'a rien à voir avec une euthanasie. Il s'agit d'accompagner un patient en fin de vie à domicile, et de permettre une sédation profonde. Dans son guide du parcours de soins, la Haute Autorité de santé (HAS) explique comment distinguer les deux, insistant sur le fait que l'euthanasie est illégale.
«Il ne s'agit pas d'un assouplissement des modalités d'usage mais uniquement, de ses modalités de dispensation», précise la DGS à LCI. Ainsi, comme le rappelait Libération en février, la HAS recommande qu'un cadre soit respecté : collégialité de la prise de décision, lien systématique entre le médecin et une unité de soins palliatifs, et possibilité d'un repli de la personne vers un hôpital si la situation se complique. La société française d'accompagnement et de soins palliatifs, dans une fiche conseil sur le Covid-19 précise elle aussi que la décision thérapeutique de la dyspnée doit être collégiale.
«Administrer du Rivotril à un patient ne veut pas dire arrêter les soins. Il s'agit, au contraire, lorsque la situation se dégrade et dans certaines circonstances d'un accompagnement pour soulager sa souffrance en le plaçant dans une sédation lorsque la détresse respiratoire devient insupportable, mais il ne s'agit certainement pas, encore une fois d'un médicament destiné à pratiquer une euthanasie. L'asphyxie en fin de vie est inacceptable», répète le président de la SFGG.
Edit 20/11/2020 : Contrairement à ce que nous avions écrit précédemment, le Midazolam est uniquement disponible en pharmacie hospitalière.
Affirmation à vérifier
Un décret serait censé faciliter l'euthanasie dans les Ehpad
Conclusion
Faux. L'euthanasie reste illégale.
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