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| - Non, la crème solaire n’est pas inutile contre les cancers de la peau (même en hiver)FAKE OFF•Contrairement au propos d’une médecin, la crème solaire reste utile, même si ce n’est pas la seule arme contre les effets néfastes du soleil
Lina Fourneau
L'essentiel
- Sur son compte Instagram, le docteur Sina Gombert invite ses abonnés à ne pas utiliser de la crème solaire, surtout en hiver. Elle estime également que l’exposition au soleil réduirait le risque de cancers.
- Un discours dangereux alors que le nombre de cancers de la peau augmente sans cesse ces dernières années. Ce sont 80.000 nouveaux cas chaque année en France, selon Santé publique France.
- Pour la Ligue contre le cancer, il y a du vrai et du faux dans son discours. La crème solaire n’est pas forcément utile en hiver, mais tout dépend des situations. Et en été, elle est indispensable, mais doit être complémentaire avec d’autres pratiques.
Edit du mercredi 22 février 2023 : Ajout de l'avis du Dr Sina Gombert aux derniers paragraphes
En défilant sur notre « feed » Instagram, une vidéo nous interpelle. Celle de la docteur Sina Gombert, suivie par 34.100 personnes, qui indique sur sa page être « médecin fonctionnelle ». Une pratique qui s’affranchie de la médecine traditionnelle pour identifier l’origine d’un trouble et lutter contre la cause profonde d’une maladie.
Fin janvier, la médecin a publié une nouvelle vidéo sur sa page pour inciter ses abonnés à ne pas appliquer de protection solaire en hiver. « C’est du pur marketing et il n’y a aucun bénéfice », fustige-t-elle dans sa vidéo. Elle les invite également à s’exposer intelligemment au soleil. Selon elle, cela réduirait même le risque de cancers de la peau. Les rayons du soleil auraient des effets bénéfiques pour le corps, notamment sur l’équilibre hormonal et contre les inflammations.
Cette vidéo soulève une question qui revient souvent au sein de la société [enfin surtout à la rédaction de 20 Minutes] : la crème solaire est-elle si indispensable et n’était-ce pas un peu inutile en hiver ? Eh bien non, nous répondent l’ensemble des professionnels interrogés. Ne jetez pas tout de suite votre crème solaire donc, elle peut toujours vous être utile.
FAKE OFF
Tout d’abord, il est nécessaire de comprendre que le discours du Dr Sina Gombert peut être dangereux à l’heure environ 80.000 cancers de la peau sont diagnostiqués chaque année en France, selon Santé Publique France. Un chiffre en nette augmentation depuis une cinquantaine d’années.
Il n’y a d’ailleurs plus de doute entre le lien entre l’exposition au soleil et les cancers de la peau. En 1992, le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) a classé le rayonnement solaire comme cancérogène, suivi une vingtaine d’années plus tard par les UVA et les UVB. C’est ce qu’expliquent les docteurs Martine Perez et Béatrice Fevers dans leur ouvrage Cancer, quels risques, publié aux éditions Quae. Pour les mélanomes, le chiffre a presque triplé depuis 1980. Et selon le CIRC, 83 % de ces mélanomes seraient attribuables à l’exposition aux rayons UV solaires.
Au sein de la Ligue contre le cancer, la vidéo de la docteur Sina Gombert interroge. « Sur la vidéo, il y a du vrai et du faux qui cohabitent. Il y a beaucoup d’éléments vrais, mais des éléments laissent à interprétation », souligne Emmanuel Ricard, porte-parole de l’association.
Un bon complément
Pour l’expert, la crème solaire n’est pas inutile, mais elle ne fait pas tout. Ce qui importe réellement, c’est de ne pas s’exposer pendant les heures les plus ensoleillées, c’est-à-dire de midi à 16 heures. « Quand le soleil est intense, quand l’indice UV est supérieur à 7, il ne faut pas sortir », ajoute Emmanuel Ricard.
Autre règle importante : se couvrir le plus possible [dans la limite possible des températures extérieures]. Le mieux est donc de porter des vêtements couvrants, un chapeau et des lunettes de soleil. Car l’exposition au soleil peut également avoir une incidence sur les mélanomes oculaires. « Finalement, la crème est l’un des moyens de protection, mais c’est le dernier ».
Le mythe de la crème en hiver
Que répondre donc à notre collègue qui s’applique de la crème solaire tous les jours, même en hiver ? Selon le docteur Sina Gombert, il faudrait y renoncer complètement. Emmanuel Ricard, lui, est plus nuancé. A partir du moment où l’indice UV descend en dessous de 3, ça n’est pas tellement utile, avoue-t-il.
Mais si vous êtes actuellement sur des pistes de ski, là il faudra sûrement en utiliser davantage. « En montage, il y a une exposition plus importante avec la réverbération sur la neige et l’altitude. A ce moment-là, il faut utiliser la crème solaire sur le visage et les zones découvertes ».
Une stratégie marketing ?
D’après le Dr Sina Gombert, tout reposerait en fait sur un enjeu financier. Un propos qui fait grincer de la marque Les laboratoires de Biarritz, créée il y a une dizaine d’années par un couple passionné de surf. « La protection solaire est plus grave que cela, c’est une question de santé publique », estime Stéphanie Eyherabide, directrice des opérations de la marque. Avant d’ajouter : « Il ne s’agit pas de dire que la protection solaire est un bouclier suffisant à lui tout seul. Ce n’est pas du tout ce que disent les marques ».
Pour celle-ci, un travail d’éducation a été fourni depuis plusieurs années pour sensibiliser aux dangers du rayonnement lumineux et ce discours risquerait d’entraver les efforts. D’ailleurs, Stéphanie Eyherabide remarque que les consommateurs privilégient désormais plus les hautes protections, c’est-à-dire 50 ou 50 +. Une bonne chose, selon Emmanuel Ricard qui encourage cette utilisation d’écran total. « Il faut que la protection soit maximale, sinon ça ne sert pas à grand-chose ».
Qu’en est-il des produits cosmétiques qui intègrent un indice solaire ? Là il y a davantage un effet marketing. Pour Emmanuel Ricard, soit la protection est entière, soit elle ne sert à rien car elle ne couvre pas assez. « Il faut bien avoir conscience que le soleil est une agression pour la peau. C’est pour ça que quand vous êtes exposés au soleil, vous rougissez, c’est une brûlure. Cette brûlure montre qu’en dessous votre ADN souffre et s’il souffre beaucoup, c’est là qu’un cancer peut apparaître », alerte-t-il.
La face cachée du soleil
Enfin, dans sa vidéo, le docteur Sina Gombert estime même, qu’au contraire, s’exposer au soleil pourrait réduire les risques de cancer de la peau. En effet, le soleil jouerait sur notre moral et notre bien-être. Dans l’ouvrage Cancer, quels risques, Martine Perez et Béatrice Fevers comparent d’ailleurs le soleil à Dr Jekyll et Mr Hyde. Il comporte des bienfaits incontestables, mais aussi de lourds effets nocifs.
Pour ce qui est de l’exposition, pour les deux autrices comme pour Emmanuel Ricard, tout est une question de dosage. Au printemps comme en été, il suffirait uniquement de s’exposer une dizaine minutes, voire vingt, pour obtenir notre dose de vitamine D nécessaire. Même constat au sujet « de la préparation de la peau »onclusion. « La supplémentation en vitamine D ne peut donc être recommandée pour une prévention des cancers ».
Une vingtaine de minutes, pas plus
Pour ce qui est de l'exposition, pour les deux autrices comme pour Emmanuel Ricard, tout est une question de dosage. Au printemps comme en été, il suffirait uniquement de s'exposer une dizaine minutes, voire vingt, pour obtenir notre dose de vitamine D nécessaire. Même constat au sujet « de la préparation de la peau », mentionnée par le docteur Sina Gombert. D’après l’expert de la Ligue contre le cancer, la seule exposition intelligente est de se protéger et s’exposer le moins possible.
Et ne lui parlez surtout pas de cabines UV pour préparer son bronzage. « C’est extrêmement dangereux », estime Emmanuel Ricard. « L’exposition aux UV artificiels dans les cabines de bronzage ne fait que se cumuler aux expositions aux UV naturels, sans entraîner aucun bénéfice pour la santé. Elle est donc fortement déconseillée », tranchent Martine Perez et Béatrice Fevers. L’interdiction des cabines avait d’ailleurs été demandée en France par l’Académie nationale de médecine. Une demande rejetée, mais qui a amené des pratiques plus encadrées.
L'avis du Dr Sina Gombert
A la suite de notre publication, le Dr Sina Gombert a souhaité expliciter les propos évoqués dans la vidéo initiale. Qu'entendait-elle par « exposition intelligente », comme se demandait la Ligue contre le cancer lors de notre entretien ? « Je fais réfèrence à ce qu'on voit dans la recherche à ce sujet. Les chercheurs montrent que le soleil a de nombreux bénéfices, au-delà de la vitamine D. C'est ce que je dis dans la vidéo, que ça réduit le risque de certaines maladies, notamment le cancer du sein ou le cancer colorectal, ou certaines maladies auto-immunes. »
La médecin cite par exemple une étude publiée en 2020 par des chercheurs au Pays-Bas : « L'exposition régulière au soleil est bénéfique pour la santé ». « Au cours des dernières décennies, de nouvelles associations favorables entre la lumière du soleil et la maladie ont été découvertes. Il existe de plus en plus de preuves observationnelles et expérimentales que l'exposition régulière au soleil contribue à la prévention du cancer du côlon, du sein, de la prostate, du lymphome non hodgkinien, de la sclérose en plaques, de l'hypertension et du diabète », écrivent-ils.
Comme pour Emmanuel Ricard, la médecin recommande donc une exposition raisonnable « sans risque de brûlures ». « Selon le teint de la peau, cela va être de dix à trente minutes. Le tout est d'éviter le soleil quand l'indice UV est très élevé ; c'est-à-dire entre 11H30 et 16h30 ». Avant d'ajouter : « Il ne faut juste pas faire une confiance aveugle à la crème solaire. »
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