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| - Question posée le 21/04/2020
Bonjour,
Vous êtes nombreux à nous saisir sur ce visuel, largement partagé sur les réseaux sociaux. Il montre des taux probables de contagion au Covid-19, en fonction du port du masque ou non. Non sourcé, il circule principalement sur Twitter, Reddit, ou encore sur la plateforme 9Gag (mais aussi sur Facebook). Il est même partagé sur le site d'un laboratoire d'analyses médicales mexicain.
Si on doit porter le masque en permanance, il faut le penser comme un accessoire de mode, en tissu. En qq mois, ca va devenir banale comme qq’un qui porte les lunettes ou les gants. pic.twitter.com/zPV5BkOEys— Octave Klaba (@olesovhcom) April 19, 2020
L’image présente trois cas de figure. Dans le premier, une personne malade du Covid-19 parle à une autre, qui est munie d’un masque. Cette dernière s’exposerait à un risque de contamination de 70%. Deuxième option : la personne malade met un masque. Elle aurait alors 5% de risques de contaminer son interlocuteur non protégé. Enfin, dernier cas : si deux personnes masquées se parlent et que l’une d’entre elles a le Covid-19, la probabilité de contagion tomberait à 1,5%.
Alors d’où viennent ces chiffres ? Sont-ils exacts ? Pour le savoir, il faudrait d’abord être certain du type de masques dont il est question dans ce schéma. Ce qui n’est précisé nulle part. Car l’efficacité des masques n’est pas la même selon qu’on parle des protections en tissu réutilisables, des masques chirurgicaux, ou des FFP2, destinés aux soignants, et qui sont – si bien appliqués – plus filtrants que les deux précédents (mais visent essentiellement à protéger le porteur).
Toutefois, puisqu'il est barré de la mention «wear it», et qu'il est représenté comme étant à la fois utilisable par la personne infectée et la personne souhaitant se protéger de l'infection, on peut supposer que ce visuel s'inscrit dans le cadre d'une campagne pour le port du masque grand public, par toute la population, dans l'optique du déconfinement. Supposons donc que cette image porte sur l'efficacité des masques en tissu.
Données lacunaires
CheckNews a soumis ce schéma a plusieurs spécialistes de la question. Qui font toute remarquer qu'évoquer le risque de contagion en se focalisant sur le seul port du masque, sans aucun élément de contexte, n'a guère de sens. Les personnes en question ont-elles lavé leurs mains ? Ont-elles touché leur masque ? Se tiennent-elles à plus d'un ou deux mètres de distance l'une de l'autre ? Respectent-elles les gestes barrière lorsqu'elles toussent ou éternuent ? Autant de questions qui se résument à ce constat, martelé par les autorités et les spécialistes que nous avons consultés : les masques dits grand public sont à utiliser en complément des gestes barrière et de la distanciation sociale. Sans quoi, ils sont parfaitement inutiles.
Bruno Grandbastien, président de la Société française d'hygiène hospitalière (SF2H) explique ainsi : «Des données comme celles de ce schéma s'appuient sur des modélisations fragiles sans prise en compte de tous les paramètres des modèles. Je n'ai pas connaissance de travaux sérieux pouvant étayer ce type de raisonnement.»
Sans ces données contextuelles, il est impossible de connaître la «probabilité de contagion», comme indiqué sur le schéma. Par exemple, si une personne malade vous éternue à la figure, même en portant un masque, le risque d'attraper le virus est bien plus élevé que si elle se tient à bonne distance.
En revanche, au lieu de parler de risque de contagion, donc, on peut ici donner quelques informations sur l’efficacité des masques en termes de filtration des particules émises et reçues.
Un consensus
Sur ce point, deux documents officiels indiquent que les masques destinés à être portés par la population doivent limiter les projections émises de 70%. C'est le cas d'un avis de l'agence du médicament (ANSM) et d'une note d'information du ministère de l'Economie, qui tentent, tous les deux, de définir les contours d'une future politique du port du masque dit de catégorie 2, à visée collective, potentiellement généralisé à toute la population. Cette donnée est également citée par deux de nos sources, qui travaillent à l'élaboration de masques barrières selon un cahier des charges précis. Pour prendre un exemple concret, comme il l'a déjà indiqué auprès d'Europe 1 ou de France Info, Bertrand Dautzenberg, pneumologue et tabacologue, ancien chef de service à la Pitié Salpêtrière, explique que la personne qui porte correctement un masque en tissu, au lieu d'émettre 100 postillons, va n'en émettre que 30.
Auprès de CheckNews, Rémi Reuss, responsable de développement en santé-sécurité au travail, expert pour l'Afnor et qui a travaillé à l'élaboration du cahier des charges des masques en tissu, explique que les protections ainsi développées et validées par l'association, reprennent effectivement cette efficacité de 70% sur les particules émises de trois microns.
Cela signifie par exemple que dans le cas numéro 2 sur le visuel, dans lequel une personne malade porte un masque, cette dernière limitera les émissions de particules de 70%. Mais si cela affecte le risque de contagion de la personne qui lui fait face, il est impossible d’en déduire un pourcentage de risque d’être contaminé. La valeur indiquée sur le visuel (5%) n’a aucune valeur scientifique, selon nos interlocuteurs.
Bertrand Dautzenberg et Rémi Reuss s'accordent à dire que les protections établies selon le cahier des charges de l'Afnor fonctionnent «de la même manière dans les deux sens». En théorie, donc, ce type de masques, bien porté, pourrait également filtrer à 70% les particules reçues dont la taille est supérieure ou égale à trois microns. En appliquant cette donnée au cas numéro 1 (où une personne porteuse d'un masque fait face à une personne contaminée), cela réduit le risque, sans permettre là non plus de donner de valeur précise. «Pour les particules plus fines, plus légères, qui demeurent après un éternuement par exemple, le masque ne sera d'aucune aide» prévient Rémi Reuss. De même, des particules émises par la personne malade pourront se déposer sur le masque, et le risque de contagion dépendra largement du fait que la personne qui le porte le touche avec ses mains, et se frotte les yeux, par exemple.
Simpliste
Quant au cas numéro 3, celui où les deux personnes portent un masque, il fait consensus sur le fait, assez logique, que la protection est nettement renforcée lorsque les deux personnes qui se parlent ou se côtoient sont toutes les deux protégées. Pour Bertrand Dautzenberg, ce cas de figure limite de 90% les particules reçues. Mais là encore, le pourcentage de risque de contagion n'a guère de sens. Pour l'expert Afnor Rémi Reuss, il faut là aussi pondérer : «Si deux personnes portent un masque et respectent les gestes barrière, l'efficacité sera même plus élevée que 90%. Si les gestes barrière ne sont pas respectés, alors le risque sera très présent.»
Pour résumer : dans l’idée, le port du masque aide donc bien à limiter la propagation du virus, et c’est effectivement ce que cherche à transmettre ce visuel. Mais, en ne prenant pas en compte l’existence des gestes barrières, il demeure beaucoup trop simpliste et ses proportions, loin de refléter la réalité, pourraient même s’avérer dangereuses en laissant supposer que le seul port du masque suffit pour se protéger d’une contamination.
Edit le 4 mai : ajoute mention de la circulation du schéma sur Facebook
Affirmation à vérifier
Ce visuel sur l'efficacité des masques confond plusieurs notions.
Conclusion
Faux
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