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| - Emmanuel Macron estime qu'un vaste chantier doit être conduit pour améliorer l'orientation des jeunes après le bac.Il a indiqué qu'en première année de licence, la moitié des étudiants abandonnent et ne se présentent pas aux examens.Le chef de l'État fait référence à des données officielles, mais en tire des conclusions trompeuses.
Défaillante, l'orientation des étudiants ? C'est ce que suggère Emmanuel Macron. Interviewé cette semaine par l’animateur de la chaîne YouTube "Hugo décrypte" le chef de l'État s'est exprimé sur des questions relatives à "l’avenir des jeunes", déplorant que beaucoup d'étudiants se retrouvent à suivre des études dans des domaines qui ne leur correspondent pas. "Pourquoi on a beaucoup de jeunes qui sont sans formation ou qui sont sans emploi ? Parce qu'on a beaucoup de jeunes qui vont dès après le bac vers un système universitaire qui n'est pas adapté pour eux", a-t-il lancé. Expliquant se baser sur des "chiffres officiels", il assure que seuls "50% des jeunes" vont "se présenter à l'examen en première année de licence". Dès lors, "Où sont les 50% d'autres ?", interroge le président de la République.
Des chiffres surinterprétés par le chef de l'État
Ce n'est pas la première fois qu'Emmanuel Macron avance ce chiffre, puisqu'il l'avait déjà mis en avant en début d'année 2022. À l'époque, l'Élysée expliquait se référer à des données fournies par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Un document produit par le Système d’information et des études statistiques (SIES), dans lequel on apprenait que seuls 51,6% des étudiants en première année de licence étaient catégorisés comme "très assidus". Une dénomination qui désigne en pratique les jeunes qui "ont obtenu au moins une note supérieure à zéro" pour chacune des matières auxquels ils étaient inscrits.
Il faut avoir en tête qu'à l'université, un zéro est synonyme d'absence. Cela signifie donc qu'un étudiant n'ayant jamais obtenu cette note au cours de l'année n'aura fait l'impasse sur aucune épreuve. S'appuyer sur la proportion des jeunes "très assidus" présente toutefois de nombreuses limites. Comme l'avait souligné Libération, un étudiant qui obtient un zéro ne peut pas être considéré automatiquement comme un décrocheur qui aurait abandonné l'université. Il est ainsi tout à fait possible de valider son année et d'accéder en deuxième année de licence malgré une absence à l'une des épreuves.
Autre point à prendre en compte, le fait que les statistiques évoquées plus haut ne concernent que les effectifs de néo-bacheliers. C'est-à-dire les jeunes qui ont débuté un cursus en première année à l'université après l'obtention de leur baccalauréat. Les redoublants (comme les étudiants qui entament une licence 1 après avoir effectué d'autres études au préalable) ne sont pas pris en compte dans les chiffres.
Un constat moins sombre que celui d'Emmanuel Macron
Si l'on comprend que le chiffre avancé par Emmanuel Macron n'est pas pertinent pour juger de l'abandon des étudiants en première année de licence, quelle est la réalité du décrochage chez celles et ceux qui entament des études à la fac ? Une publication du SIES datée de janvier 2023 nous livre une série d'éclairages. Tout d'abord, on apprend que parmi les néo-bacheliers (les redoublants ne sont toujours pas pris en compte ici), la proportion d'étudiants qui ont validé leur première année (et ont poursuivi dans la foulée avec une deuxième année) est de 53,5%. Ce serait impossible si la moitié des inscrits en L1 ne se présentaient pas à leurs examens.
Par ailleurs, on apprend qu'en 2019 (dernière année pour laquelle nous disposons de données), 90% des élèves étaient classés parmi les "assidus". Cela signifie que 9 sur 10 se sont présentés à au moins une épreuve lors de leurs examens. Seuls 10% des jeunes en première année de licence auraient donc fait totalement l'impasse cette année, en ne cherchant même pas à se présenter pour les épreuves. Au bout du compte, seule une grosse moitié des étudiants vont poursuivre leur cursus en L2 après une première année à l'université, mais cela ne signifie pas que l'autre moitié a abandonné en cours d'année, sans prendre part aux examens.
En conclusion, il est donc trompeur d'affirmer comme le fait Emmanuel Macron que seuls 50% des jeunes se présentent aux examens lorsqu'ils sont en première année de licence. La part des étudiants qui vont sécher l'ensemble des épreuves n'est que de 1 pour 10. Cela n'empêche pas de constater qu'en moyenne, un étudiant sur deux en L1 n'ira pas l'année suivante en L2, que ce soit en raison d'un échec à ses examens, d'un abandon de son cursus ou d'une réorientation.
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