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| - À quelques jours des élections européennes, Jean-Luc Mélenchon a dénoncé le déroulement du scrutin en France.Selon le leader des Insoumis, les électeurs seraient notamment "radiés dans les quartiers populaires".Une accusation trompeuse, qui ne s'appuie sur aucun élément factuel.
Il promet une "commission d'enquête". Face à une campagne qui patine, Jean-Luc Mélenchon s'en est pris directement au déroulement des élections européennes le samedi 1ᵉʳ juin. En plein meeting à Toulouse, le leader des Insoumis a notamment insinué que les citoyens favorables à la liste menée par Manon Aubry auraient été radiés des listes électorales. "Y en a ras-le-bol que, lorsque ce sont dans les quartiers populaires, il y a des radiations", a-t-il dénoncé. Un argument répété sur ses réseaux sociaux, (nouvelle fenêtre) où l'ancien candidat à l'Élysée a dit en avoir "marre des électeurs radiés dans les quartiers populaires". Une accusation à quelques jours du scrutin, qui ne repose sur aucune donnée tangible.
Près de 530.000 radiations en deux ans
Pour rappel, pour pouvoir voter, un citoyen doit être inscrit sur une – et une seule – liste électorale. Depuis 2016, la loi a instauré un "répertoire électoral unique" (REU), dont la gestion a été confiée à l'Insee. L'institut chargé de la statistique a alors pour rôle de rayer les noms de son répertoire en suivant le Code électoral : lorsqu'un citoyen décède, lorsqu'il perd le droit de vote ou lorsqu'un électeur qui déménage s'inscrit sur la liste électorale de son nouveau lieu de résidence. C'est ensuite à la commune d'en informer l'électeur.
C'est donc vers l'institut chargé de la statistique qu'il faut se tourner pour disposer de données sur les radiations au niveau national (nouvelle fenêtre). Entre l'élection présidentielle de mars 2022 et le 8 mai 2024, quatre millions de radiations ont été effectuées sur les listes électorales des communes et consulats français, ce qui représente 8% du corps électoral. Parmi elles, 30% concernent des personnes décédées, 55% des personnes inscrites dans une autre commune et 2% correspondent à la prise en compte de décisions de justice. Seules 13% de ces personnes ont été retirées des listes à l'initiative de leurs communes, lorsque celles-ci ont constaté "qu'un électeur ne remplit plus les conditions d'inscription sur son territoire", c'est-à-dire lorsqu'ils ne peuvent plus justifier d'un domicile dans la commune. Au total, exactement 529.913 personnes sont concernées, qui correspondent à 1% des électeurs. Des radiations normales, réalisées par les communes dans le cadre de l'application du Code électoral. À titre indicatif, entre mai 2021 et mars 2022 (nouvelle fenêtre), 226.962 électeurs avaient été radiés par les communes.
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En réalité, la France n'assiste à aucune explosion des radiations à la veille des élections (nouvelle fenêtre). Mais qu'en est-il de la zone dans laquelle ce phénomène a lieu ? Les quartiers populaires sont-ils visés ? Sur ce sujet, l'Insee botte en touche. L'institut nous répond n'avoir pas mené "d'étude spécifique" à ce sujet "permettant d'observer d'éventuelles disparités géographiques concernant les radiations".
Pour en savoir plus, nous nous sommes tournés vers l'équipe de Jean-Luc Mélenchon. Auprès de TF1info, elle affirme avoir eu ces informations "directement de certaines préfectures via nos députés nationaux", refusant toutefois de nous préciser les régions concernées. Interrogées par TF1info, aucune des préfectures dans lesquelles un député Insoumis a été élu n'a pu confirmer cette affirmation. En Seine-Saint-Denis, on nous répond n'avoir pas identifié de problème particulier, tout comme dans les Bouches-du-Rhône. La préfecture de Meurthe-et-Moselle nous rappelle quant à elle "que la radiation des listes électorales ne relève pas des préfectures". "Nous n'avons donc pas de statistiques telles qu'attendues", nous indique-t-on.
À Toulouse, une "polémique construite de toute pièce"
Depuis, une autre accusation est toutefois apparue en ligne, qui vise cette fois-ci directement la commune de Toulouse. Sur ses réseaux sociaux, (nouvelle fenêtre) un député LFI a mis en cause la municipalité qui organiserait la "pagaille électorale". François Piquemal a affirmé ce mardi 4 juin que "plus de 10.000 radiations" ont eu lieu dans la ville, "pour entraver le droit de vote" des Toulousains. Contacté par TF1info, Sacha Briand, adjoint au Maire de Toulouse, confirme ces chiffres. Sur les 265.172 électeurs de la ville, très précisément 9901 ne sont plus sur aucune liste de la commune. "L'écart avec les chiffres des Insoumis représentent ces électeurs qui ont simplement changé de quartiers, mais qui sont inscrits dans un nouveau bureau de vote dans la ville."
Un nombre qui est "parfaitement cohérent", comme le démontre celui qui est en charge des élections dans la commune. "Il représente les radiations d'office réalisées par l'Insee, environ 3000 décès par an, et la rotation des habitants". Avec près de "15.000 Toulousains qui déménagent chaque année", certains choisissent de s'inscrire sur la liste électorale de leur nouveau lieu de résidence. "À partir de là, l'Insee procède à la radiation d'office", comme nous vous l'expliquions en début d'article. Une seule et unique radiation émane directement de la mairie de Toulouse, qui a supprimé de sa liste une électrice après qu'elle a notifié son changement d'adresse directement en mairie. "Le chiffre des radiations ne nous a donc pas surpris." Quant à savoir s'il existe des disparités territoriales, Sacha Briand assure que le phénomène est "réparti" sur tout le territoire. Seul un bureau de vote a été particulièrement touché, avec 50 noms supprimés. Il concerne un quartier "avec beaucoup d'étudiants et de logements locatifs, dans lequel le taux de rotation est beaucoup plus élevé", souligne-t-il.
En résumé, ni l'équipe de Jean-Luc Mélenchon, ni les différentes préfectures n'ont pu amener les preuves de radiations massives. Quant aux communes, si elles interviennent dans le processus, il ne leur appartient pas de délivrer l'autorisation ou non de voter. La radiation d'un bureau de vote relève en réalité essentiellement de l'Insee et de son répertoire. Si quelques "erreurs ponctuelles et locales", peuvent persister, comme le reconnait l'Insee, rien n'indique que les quartiers populaires ne soient donc visés à la veille des élections européennes.
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