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| - L’armée ukrainienne procèderait à des recrutements forcés, selon des vidéos en ligne.Sans contexte, ces scènes ne peuvent prouver une "vague de mobilisation" dans le pays.Kiev a démenti officiellement mener de nouvelles campagnes d’enrôlement dans l'armée.
Dans la guerre de propagande en Ukraine, chaque camp mise -et communique- sur les faiblesses de l’autre. Depuis début janvier, des vidéos présentées comme des scènes d’enrôlement forcé de civils ukrainiens se multiplient en ligne. Souvent, ces vidéos font leur apparition sur des chaines Telegram russes, pour se retrouver ensuite sur VK, l'équivalent de Facebook en Russie, ou Twitter.
Selon ces séquences, une "vague de mobilisation" serait en cours en Ukraine, entrainant des arrestations brutales de civils, et avec comme objectif le "recrutement d’urgence de 100.000 personnes avant le printemps" dans les rangs de l'armée. Ces scènes surviendraient en particulier dans des régions à minorité russe ou hongroise, comme la Transcarpathie, ce territoire frontalier de la Slovaquie, la Hongrie et la Roumanie. L’une se déroulerait dans le village de Lumshory dans cette même région. La séquence, postée sur Twitter (nouvelle fenêtre) et filmée d’une fenêtre par une habitante, montre l'arrestation d’un homme par trois policiers vêtus de noir et lourdement armés. Au premier plan, une voiture de police, portes ouvertes, stationne. Des cris se font entendre, mais leurs échanges sont inaudibles.
Des scènes d'arrestation en pleine rue
La vidéo ne comporte aucun élément temporel, si ce n’est que les quatre hommes sont habillés chaudement et coiffés de bonnets. Une indication géographique seulement : la voiture de police correspond à un véhicule classique de patrouille ukrainien, nous confirme Denis Strelkov, journaliste russe à RFI. Sur sa portière, est écrit en ukrainien "patrouille polikis". Mais pour Alla Poedie, analyste LCI et spécialiste des pays de l’ex-URSS, il s'agit surement ici d'une scène d'arrestation. En effet, dans le cadre de la mobilisation générale, "la police nationale n’est pas habilitée à distribuer les convocations militaires". Elle peut seulement accompagner les soldats, si besoin.
Une deuxième vidéo se déroulerait cette fois à Odessa, selon les comptes prorusses qui la diffusent (nouvelle fenêtre). Publiée le 9 janvier sur Telegram (nouvelle fenêtre), elle montre là aussi l'arrestation sur un parking d’un homme par d'autres hommes en treillis militaire. Il pourrait s’agir de soldats ukrainiens puisque l’un d’eux arbore un brassard jaune. Aucune parole n’est échangée et la scène semble filmée d’une voiture.
Sur une troisième vidéo, visionnable en ligne (nouvelle fenêtre), un homme est violemment maitrisé par deux hommes en civil, le tout filmé par un homme habillé en militaire. À leurs côtés, une femme crie en ukrainien et leur demande pourquoi ce dernier est traité comme un "criminel". Des insultes fusent de part et d’autre. D’après Denis Strelkov, les échanges se déroulent en sourjik, un dialecte mélangeant le russe et l’ukrainien. Si cet idiome est couramment employé dans le Donbass, cela ne donne pas d’indice supplémentaire sur la localisation.
"Il s’agit certainement d’un cas de dérapage, comme cela existe, mais qui reste rare", commente Alla Poedie, pour qui ces méthodes d’enrôlement n’ont rien de systémique dans le pays. La preuve, selon la consultante internationale, cette vidéo "circule depuis un moment sur les réseaux sociaux, sans qu’il y ait eu du nouveau depuis. Parfois, certains commissaires militaires font preuve de trop de zèle en dépassant le règlement. Ces cas sont alors discutés par la société ukrainienne, les gens s’indignent, se plaignent et les participants sont sanctionnés."
Un démenti officiel apporté par Kiev
Du côté de Kiev, on dément officiellement ces accusations. "Il n'y a pas de vagues de mobilisation", a affirmé le colonel Roman Horbach, chef du département du personnel de l'état-major du commandement des forces terrestres de l’armée, cité par la presse ukrainienne (nouvelle fenêtre). "Dans la plupart des cas, les citoyens sont appelés dans les centres de recrutement territoriaux pour clarifier les références militaires. La décision de mobilisation est prise après la conclusion de la commission médicale sur l'aptitude au service militaire." En décembre déjà, le haut responsable prévenait (nouvelle fenêtre) qu'il n'y aurait "aucune vague" de recrutement à compter du début de l'année et que cette mobilisation continuerait à s'opérer "constamment, quotidiennement et comme prévu".
Et notamment dans la région de Transcarpathie, où le porte-parole du centre de recrutement régional a nié l’existence de "vagues de mobilisation". "La mobilisation dans notre pays continue, comme elle a commencé avec le début de la guerre, et ne s'est pas arrêtée un seul jour", a assuré Andriy Akimov dans un entretien récent (nouvelle fenêtre).
Pour le contexte, la mobilisation générale a été instaurée pour 90 jours le 24 février 2022, jour de l’invasion russe, par décret présidentiel (nouvelle fenêtre) et prolongée de nouveau le 21 novembre dernier. Ainsi, la loi martiale exige des hommes ukrainiens âgés de 18 à 60 ans de rester sur le territoire et de "se présenter aux unités militaires ou aux points de rassemblement du centre territorial de recrutement et d'accompagnement social dans les délais précisés dans les documents". Ces documents peuvent prendre la forme d’ordres de mobilisation ou de convocations des chefs de recrutement territorial et des centres de soutien social.
En revenant à ces vidéos qui abondent les réseaux sociaux, elles semblent bien se dérouler en Ukraine d’après les éléments recueillis (un brassard jaune, un véhicule de patrouille classique ou encore un dialecte parlé entre le russe et l’ukrainien). Mais sans contexte supplémentaire, elles ne peuvent pas prouver que l’armée ukrainienne procède actuellement à des recrutements forcés. Sur ce sujet, un autre document a circulé, censé montrer une campagne de mobilisation des adolescents ukrainiens. Mais, d'après nos recherches (nouvelle fenêtre), le document s’est révélé être un faux.
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