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| - Une vidéo prouverait qu'un drone de Kiev a abattu une ambulance dans le Donbass.Sur les images, un véhicule blanc est visiblement touché par une grenade ukrainienne.Les Vérificateurs ont cherché à en savoir plus.
La meilleure défense, c'est l'attaque. Accusée de crimes de guerre en Ukraine, la Russie essaye à tout prix de prouver que le camp adversaire vise, lui aussi, des civils. Dernier argument en date, une vidéo publiée le 27 février qui montrerait comment l'armée ukrainienne "largue des grenades" sur des secouristes venus "évacuer une femme blessée". "Les Ukrainiens ont atteint le stade où ils ne prennent même plus la peine de cacher leurs crimes de guerre, Ils savent que l'Occident continuera à les soutenir", ironise ainsi un internaute dans une publication vue plus de 356.000 fois.
La diffusion de ces images tournées depuis un drone coïncide avec une actualité qui a ému la Russie. Le 23 février, le ministère russe de la Santé a rendu hommage à "quatre membres" d'une "brigade d'ambulanciers". Des "héros" qui, selon les autorités citées dans la presse (nouvelle fenêtre), sont tous morts à la suite d'un "bombardement par les Forces armées ukrainiennes du quartier Petrovsky, à Donetsk". Alors, la vidéo en question prouve-t-elle que Kiev a attaqué ces secouristes ?
Ambulance ou policiers russes ?
Plusieurs éléments nous poussent au doute, parmi lesquels le véhicule en question. Sur les images diffusées en ligne, (nouvelle fenêtre)l'engin ne possède pas de gyrophare. Pire, il ne présente aucun marquage distinctif : ni croix rouge, ni inscription sur le capot. Par ailleurs, seule la porte du siège passager est ouverte, et non pas l'arrière comme cela devrait être le cas lors d'une intervention.
Pour en savoir plus, nous avons retracé l'origine de cette vidéo. Elle est apparue pour la première fois le 24 février sur cette chaine Telegram pro-Ukraine (nouvelle fenêtre). En légende, une toute autre réalité : "Salutations aux officiers du MGB et à quelques ordures de Donetsk de la part de la 59ème Brigade." Le MGB renvoie, ici, aux services de sécurité russes de Donetsk, la "capitale" officieuse de la région du Donbass. L'attaque viserait donc plutôt des officiers militaires russes. Derrière ce post, on retrouve un certain Roman Sinicyn, qui documente le conflit sur ses réseaux sociaux. Se mettant en scène en tenue militaire, le jeune homme n'est pourtant pas soldat, mais "coordinateur de la direction militaire de la Fondation caritative Serhiy Prytula", selon son profil Facebook (nouvelle fenêtre).
Cette fondation privée a été créée le 24 février 2022, (nouvelle fenêtre) quelques heures après le début de l'invasion russe, par l'humoriste du même nom pour venir en appui à l'armée ukrainienne et notamment l'approvisionner en équipements. Des tenues, des chars sont ainsi livrés aux soldats, mais aussi des "drones d'observation et de reconnaissance" ou des "caméras thermiques", d'après le journal Le Monde (nouvelle fenêtre). Cela ne dit toutefois pas si cette vidéo a bien été tournée par la Fondation, ou à l'aide du matériel fourni par ses soins. Interrogé sur ses sources, Roman Sinicyn n'est pas revenu vers nous pour le moment.
Une version russe qui ne tient pas la route
Comme souvent dans ce conflit, deux versions s'opposent (nouvelle fenêtre). Mais comment savoir qui dit vrai ? Une chose est certaine, cette vidéo ne montre pas l'attaque d'ambulanciers dont la mémoire a été saluée par les autorités russes. Et alors que ces dernières affirment qu'ils ont été abattus à Petrovsky, nos recherches ont en effet permis de situer les faits dans une autre quartier de la ville (nouvelle fenêtre), le district de Kirovskyi, un peu plus au nord. La géolocalisation invalide donc la version russe.
Et quid de la version ukrainienne ? Plusieurs éléments coïncident. Oui, la 59ᵉ brigade pourrait bien être à l'origine de cette frappe, selon les membres du projet Ukraine Control Map (nouvelle fenêtre), qui met à jour régulièrement les localisations et emplacements des différentes unités à partir de données ouvertes. Cette équipe se situe en effet dans le district de Yasynuvata Raion, à proximité du point touché, et a déjà frappé à deux reprises cette zone du Donbass. Cela dit, cette section n'a rien publié à ce sujet sur les réseaux sociaux, où elle est pourtant hyper-active. D'autre part, l'arme visible sur les images correspond à des drones de loisir détournés par Kiev pour lâcher des grenades à fragmentation. Depuis plusieurs mois, ces armes artisanales se retrouvent sur le front. (nouvelle fenêtre) Elles permettent de lancer des grenades de conception soviétique, auxquelles ont été ajoutés de petits ailerons imprimés en 3D, notamment pour détruire des véhicules.
En résumé, si la géolocalisation dément la version russe, le récit ukrainien tient la route. Sans pour autant être confirmé. Malgré un faisceau d'indices, les données disponibles ne permettent pas de corroborer l'information sur la nature de la cible. Certains internautes ont bien écrit en commentaires que l'endroit visé était devenu "une caserne" après l'annexion de la Crimée, ou qu'il s'agissait d'une "antenne locale du MGB". Mais pour l'heure, aucune de nos recherches n'ont permis de confirmer cette information.
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