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| - «Gilets jaunes»: Des CRS ont-ils tiré sur la Croix-Rouge?FAKE OFF•Une vidéo virale prétend montrer un membre de la Croix-Rouge blessé par des tirs de CRS...
Alexis Orsini
L'essentiel
- Sur Facebook, une vidéo visionnée plus de 182.000 fois montre une personne portant un casque blanc marqué d'une croix rouge soigner un confrère blessé.
- A en croire sa légende et les commentaires du vidéaste, il s'agit de membres de la Croix-Rouge ciblés qui ont été ciblés par des tirs de CRS.
- La séquence a été filmée à Montpellier pendant « l'acte VIII » des « gilets jaunes » mais elle montre des street medics et pas des membres de la Croix-Rouge.
Retranchés derrière un abri de fortune, des « gilets jaunes » gardent un œil sur les forces de l’ordre positionnées à quelques mètres, tandis qu’un homme portant un casque blanc siglé d’une croix rouge en soigne un autre allongé au sol.
« Y a un blessé là ! Ils tirent sur la Croix-Rouge ! Bravo d’avoir tiré sur la Croix-Rouge ! » s’époumone au même moment un témoin qu'on entend distinctement dans cette vidéo visionnée plus de 191.000 fois depuis sa mise en ligne sur Facebook samedi 5 janvier (et reproduite depuis sur Twitter).
« Les CRS CANARDE[NT] SUR LA CROIX ROUGE, HONTE À EUX » précise la légende de cette séquence d’une quarantaine de secondes, sans préciser où elle a été tournée – et sans montrer les tirs évoqués.
Notre dossier sur les « gilets jaunes »
Si la vidéo aux plus de 10.000 partages est authentique, elle mentionne à tort la Croix-Rouge : les trois personnes portant un casque siglé d’un tel symbole sont en réalité des street medics, des bénévoles présents dans les manifestations pour assurer les soins de personnes blessées.
FAKE OFF
La scène a été filmée à Montpellier le 5 janvier, lors de l’« acte VIII » des « gilets jaunes ». Plus précisément au 22 rue de Verdun, à proximité de la gare Saint-Roch, comme on peut le vérifier sur Google Street View : on y retrouve différents éléments du décor aperçus dans la vidéo, comme un palmier en arrière-plan, les grilles d’un cabinet de podologie et la croix verte d’une pharmacie sur la gauche.
On distingue en outre clairement, sur l’un des casques (notamment à 17 secondes) la mention « street », montrant qu’il ne s’agit pas d’intervenants de la Croix-Rouge. Ce que confirme à 20 Minutes Jérôme, le street medic qui soigne son collègue dans ce passage : « Nos casques portent une croix rouge pour être identifiés, mais pas la mention "Croix-Rouge" propre au logo de l’association, justement pour éviter qu’on nous confonde. »
« Certaines personnes ne font pas la différence entre les deux. J’ai bien précisé [à l’homme qui criait] qu’on était des street medics, on ne veut pas être accusés d’usurper l’identité de la Croix-Rouge » précise-t-il.
Il confirme en revanche avoir été ciblé par des tirs et raconte le déroulement de l’incident survenu « vers 15h30 ou 16h » le samedi 5 janvier : « A l’origine, on était sur la place de la gare pour soigner quelqu’un, puis on nous a appelé en urgence. Mais quand on est arrivés sur la passerelle, la personne blessée avait déjà été interpellée. On s’est alors retrouvés pris en sandwich entre une horde de "gilets jaunes" d’un côté et les CRS dans notre dos. »
« Ils voulaient clairement nous dégommer »
« On s’est mis à genoux, les CRS auraient dû nous prendre notre matériel – puisque c’est ce qu’ils font d’habitude – mais ils nous ont laissé partir sans nous retirer nos sacs. A ce moment-là, on est partis vers cette rue [de Verdun]. Mais au moment où on traversait, il y a eu plusieurs tirs dans notre direction : l’un est passé entre mes jambes et un autre entre nous. Ils voulaient clairement nous dégommer » poursuit Jérôme, qui précise toutefois ne pas être en mesure d'identifier avec certitude les forces de l’ordre à l’origine des tirs.
Le service d'information et de communication de la police nationale (SICoP) indique pour sa part : « Aux alentours de 16 heures, des compagnies d'intervention, des CRS et la BAC sont intervenus aux abords de la gare, où la situation était tendue, avec de nombreux jets de projectile. Les forces de l'ordre ont donc procédé à une riposte. »
Le SICoP, qui se dit « dans l'incapacité de dire l'origine de la blessure », estimant qu'elle peut aussi bien émaner d'une arme des forces de l'ordre comme d'un projectile de manifestan, juge « peu probable » que les street medics aient été spécifiquement visés.
C’est seulement une fois arrivé dans la rue que Jérôme réalise l’impact de l’un des tirs : « [Mon binôme] m’a dit à ce moment-là qu’il avait été touché. Son gilet tactique ne lui a pas servi puisqu’il a été frappé sur le flanc. Je lui ai mis de la Biafine et un pansement stérile : depuis la blessure est devenue un peu violette, mais c’est un simple hématome. »
Pour Jérôme, les cibles visées par les tirs ne font aucun doute : « Si les street medics sont dégommés en premier, on ne peut plus aider les manifestants, donc [les forces de l’ordre] ont tout intérêt à nous cibler. Je suis convaincu qu’ils n’auraient pas tiré s’il s’était vraiment agi de la Croix-Rouge. »
« Si une personne estime avoir été délibérément visée, elle doit venir le signaler au commissariat » conclut pour sa part le SICoP.
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