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| - Soutenu par le diocèse de Paris, Emmanuel Macron souhaite qu'une série de vitraux contemporains soient installés dans la cathédrale Notre-Dame de Paris.Des opposants au projet montent au créneau : ils dénoncent un non-respect de la charte de Vienne, dont la France est signataire et qui fait référence dans la gestion du patrimoine.Si ce texte préconise en effet qu'une restauration de monument historique soit effectuée à l'identique, il n'a pas de valeur juridique ni contraignante pour l'État.
Alors que la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris touche à sa fin, un sujet continue de cristalliser les tensions. Emmanuel Macron a en effet sollicité la ministre démissionnaire de la Culture Rachida Dati, lui demandant selon Le Figaro de "remettre sur la table le sujet d’une commande de vitraux contemporains" pour la cathédrale. Ceux-ci pourraient trouver place dans six chapelles du bas-côté sud de la nef, côté Seine, pour remplacer, à l'horizon 2026, ceux datant du XIXe siècle et créés par l'architecte Eugène Viollet-le-Duc.
Une idée qui semblait en suspens, mais à laquelle le chef de l'État semble tenir tout particulièrement. Au grand dam de ceux qui défendent une reconstruction la plus fidèle possible du monument. Une internaute, dans un message posté sur X, dénonce un projet "illégal". Selon elle, la France aurait "signé la convention de Venise de 1964, qui impose l'obligation de la préservation des éléments historiques sans altération par des ajouts modernes".
Que dit cette charte ?
La convention à laquelle il est ici fait référence est en réalité une charte. Dite "de Venise", elle a vu le jour en 1964 et fut adoptée l'année suivante par l'ICOMOS, une organisation internationale non gouvernementale qui œuvre pour la conservation des monuments et des sites dans le monde. La France fait partie des signataires de ce traité, qui fournit selon le site du ministère de la Culture "un cadre international pour la préservation et la restauration des bâtiments anciens".
La charte compte 16 articles, dont certains spécifiquement liés aux cas de restaurations des monuments historiques. L'article 9 souligne par exemple que toute restauration demeure "une opération qui doit garder un caractère exceptionnel". Celle-ci "a pour but de conserver et de révéler les valeurs esthétiques et historiques du monument et se fonde sur le respect de la substance ancienne et de documents authentiques". C'est notamment pour garantir ce respect de la structure originelle qu'une restauration se voit "toujours précédée et accompagnée d'une étude archéologique et historique du monument".
Le fait d'ôter à la cathédrale une demi-douzaine de vitraux en bon état et sauvés des flammes pourrait également poser problème. "Les éléments de sculpture, de peinture ou de décoration qui font partie intégrante du monument ne peuvent en être séparés que lorsque cette mesure est la seule susceptible d'assurer leur conservation", ajoute la charte, via son article 8.
Sollicitée par TF1info, l'architecte du patrimoine et historienne de l’architecture Bérénice Gaussuin souligne que selon la charte de Venise, une création peut intervenir "en cas de lacune", mais "mais pour un remplacement". Avant d'ajouter que le "dernier état connu" sera celui qui va "primer sur tout le reste".
Le virage du ministère de la Culture
Emmanuel Macron a repris à son compte le projet de vitraux contemporains, qui fut à l'origine suggéré par un représentant du diocèse de Paris. Si le ministère de la Culture se joint désormais au chef de l'État pour défendre cette idée, sa position a largement évolué. Roselyne Bachelot avait ainsi lorsqu'elle était au gouvernement manifesté son opposition. "La France a signé la convention de Venise de 1964 qui rend absolument impossible toute dépose desdits vitraux et leur remplacement par des œuvres modernes. La chose est pour moi irrecevable et contraire aux conventions que nous avons signées", lançait-elle en 2020.
Quatre ans plus tard, Rachida Dati et ses équipes se montrent bien moins hostiles. Malgré un avis défavorable rendu en juillet par la Commission nationale du Patrimoine et de l’Architecture – qui a, elle aussi, invoqué la charte de Venise et ses principes – le ministère de la Culture suit l'Élysée et défend le projet. Contacté par TF1info, il n'a pour l'heure pas répondu à nos questions.
Rien n'impose au gouvernement ou au président de la République de suivre à la lettre le texte de 1964. "Il ne fait pas loi", glisse ainsi Bérénice Gaussuin, son but étant avant tout de fixer des "grands principes de conservation". Le docteur en droit Vincent Couronne, par ailleurs cofondateur du média Les Surligneurs, confirme que l'État n'est pas tenu de se conformer à un tel texte, qui "ne présente pas un caractère juridiquement contraignant", à l'inverse des traités internationaux ratifiés par les États.
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