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| - Selon le ministre de l’Agriculture, des précipitations régulières au printemps éviteront des problèmes de sécheresse cet été.Mais selon les experts interrogés, cela ne suffira pas à combler le retard d’un mois qui a été pris sur l’état des réserves.
En ce début d’année, il a fait sec, très sec en France. Pas une goutte n’est tombée dans le pays pendant 32 jours, à quelques exceptions près, selon Météo France. Un phénomène inédit depuis le début des relevés il y a 60 ans, qui est lié au réchauffement climatique et qui engendre un risque sérieux de sécheresse des sols cet été. Le niveau des nappes d’eau souterraines est dangereusement bas, mais le ministre de l’Agriculture a tenu à rassurer le 26 février dernier, dans l’émission Le Grand Jury.
"S'il pleut comme il pleut d'habitude, régulièrement, au printemps, nous n'aurons pas de difficultés parce que nous n’aurons pas besoin de prélever dans les nappes ou dans les cours d’eau", a ainsi assuré Marc Fesneau. Ses propos ont depuis été contredits par des scientifiques. Comme Christophe Cassou (nouvelle fenêtre), climatologue au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), selon qui "des pluies normales ne combleront pas le déficit" actuel en eau.
"3/4 des nappes sous les normales mensuelles"
En réalité, le propos est trop vague pour illustrer toutes les situations rencontrées, selon les spécialistes sollicités. "S’il pleut comme d’habitude, les agriculteurs auront moins besoin d’eau pour irriguer et auront moins besoin de puiser dans les réserves", souligne l’hydrologue Violaine Bault, hydrologue au Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM), le service géologique national. "Mais d’autres nappes sont plus lentes à réagir", comme les nappes inertielles du Bassin parisien et plus particulièrement celles du couloir Rhône-Saône. Et les besoins en eau varient selon les cultures, certaines nécessitant d’être irriguées. Par exemple, les champs de maïs nécessitent beaucoup d’eau, et donc des nappes phréatiques, pour être arrosés. En bref, la pluie ne servira pas exclusivement à remplir les réserves, selon Eric Sauquet, directeur de recherche en hydrologie à l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae).
De manière générale, l’état des nappes d’eau souterraines n’est pas bon. Au 1er janvier, la recharge en eau restait "peu intense", selon le BRGM, avec "plus des trois-quarts des nappes sous les normales mensuelles". Dans son dernier bulletin de surveillance (nouvelle fenêtre), le service géologique a prévenu que "durant l’hiver, les tendances dépendront essentiellement de la pluviométrie" et que "la recharge de ces prochains mois conditionnera les niveaux de l’été 2023".
Avec un mois de février très sec, les nappes phréatiques souffrent donc d’un mois de retard. Et celui de mars va être crucial, puisqu’il signe la fin de la période dite de "recharge" des nappes, courant de septembre à mars. Quelques chiffres, communiqués par Météo France, pour se rendre compte de l’enjeu : de début septembre 2022 au 2 mars 2023, il est tombé en France l’équivalent de 435,1 millimètres de précipitations, la normale saisonnière étant de 583,7 millimètres. Autrement dit, il faudrait que d’ici au 31 mars, il tombe quelque 150 millimètres de pluies dans le pays… ce qui s’est produit une seule fois en 60 ans de relevés météorologiques, en mars 2001. En effet, la normale pour un mois de mars ne dépasse pas les 67 millimètres de précipitations.
Les hydrologues que nous avons interrogés sur les propos du ministre de l’Agriculture sont unanimes. Des pluies normales au printemps ne seront pas suffisantes pour passer un été paisible. "C’est un raccourci très optimiste", observe Eric Sauquet, de l'Inrae. "Les mécanismes de recharge vont avoir lieu, ces apports vont combler en partie le déficit en eau, mais ce dernier est tel qu'il ne va pas se combler avec un mois de précipitations dites 'normales'." "Au vu de l'état du manteau neigeux et des nappes, qui contribuent à soutenir les débits au printemps et en été, et au vu de l'état des réservoirs, on peut clairement s'inquiéter pour cette année", abonde Florence Habets, hydroclimatologue au CNRS. En effet, une faible quantité de neige a bien des conséquences sur le niveau des lacs, des rivières, mais aussi des nappes d’eau souterraines.
Des pluies sont attendues pour la deuxième semaine de mars, selon les dernières prévisions de Météo France. Mais le gouvernement se prépare déjà à restreindre davantage l’eau dans certains territoires, alors qu’un plan de sobriété doit être présenté à la mi-mars. Un bulletin actualisé de l’état des nappes phréatiques par le BRGM est, quant à lui, attendu le 13 mars prochain.
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