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| - Coronavirus : La vaccination conduit-elle à l’émergence de nouveaux variants ?FAKE OFF•Un court extrait de l'interview d'un scientifique de l'Institut Pasteur est présenté comme une preuve de la dangerosité des vaccins contre le Covid-19 par leurs opposants
Alexis Orsini
L'essentiel
- Sur Facebook comme sur Twitter, une courte séquence diffusée sur LCI connaît une grande visibilité ces jours-ci.
- On y voit un scientifique de l'institut Pasteur affirmer en plateau : « On sait que [le fait] de vacciner de plus en plus de monde probablement va faire naître d’autres variants résistants aux réponses immunitaires ».
- Nombre d'opposants à la vaccination s'appuient ainsi sur cette séquence pour prouver la prétendue la dangerosité des vaccins... quitte à se livrer à une interprétation erronée de propos certes maladroits.
Le fait de vacciner massivement la population contre le Covid-19 aurait-il l’effet pervers de donner naissance à davantage de variants du virus, et donc d’accroître le danger de la maladie ? Cette thèse, soutenue de longue date par certains opposants à la vaccination, viendrait d’être confirmée par un chercheur, à en croire une brève vidéo très relayée ces jours-ci sur les réseaux sociaux.
On y voit Frédéric Tangy, directeur du laboratoire d’innovation vaccinale de l’Institut Pasteur, affirmer sur le plateau de LCI : « On sait que [le fait] de vacciner de plus en plus de monde probablement va faire naître d’autres variants résistants aux réponses immunitaires. »
« Un chercheur de l’Institut Pasteur sort enfin de son silence […]. Donc vacciner massivement en pleine épidémie est dangereux », en déduit ainsi – un peu hâtivement – une internaute, parmi les nombreux autres ayant relayé la séquence… qui date en réalité du début de l’année 2021.
FAKE OFF
L’extrait en question a en effet été diffusé le 4 février dernier sur LCI, comme on peut le voir dans le replay de cette interview, toujours disponible sur Facebook.
Après avoir tenu ces propos (à 4 : 15), Frédéric Tangy précise pourtant sa pensée quelques minutes plus tard, soulignant l’intérêt de la stratégie vaccinale (à 5 : 45) en réponse à une question sur la possible mise en échec des vaccins par les variants : « C’est une course de vitesse avec le virus. Si les variants traînent un peu, on a le temps d’adapter, de refaire une composition vaccinale pour le prochain variant, mais on peut être battu de vitesse. »
Joint par 20 Minutes, Etienne Simon-Lorière, responsable de l’unité génomique évolutive des virus à ARN à l’Institut Pasteur, regrette la « formulation un peu maladroite, en partie vraie et en partie fausse » de son confrère et un « raccourci qui peut facilement être mal interprété ».
« La vaccination contre le Covid-19 est très utile »
« Un variant naît lorsque le virus se réplique chez une personne et fait une bêtise. Au lieu de mettre une lettre [dans son code génétique], il en met une autre. Ceci est très fréquent. La plupart du temps, cela n’a pas d’effet, voire le virus résultant fonctionne moins bien. Mais dans certains cas, cela peut générer un variant qui pourra avoir un succès épidémiologique », explique Etienne Simon-Lorière.
« Plus le virus circule, plus il a de chances de faire des erreurs et donc de faire émerger des variants. De ce point de vue, la vaccination contre [le] Covid-19 est très utile, car même si elle n’est pas parfaite, elle réduit les chances d’infections. Et chez les personnes qui se retrouvent infectées malgré la vaccination, cette infection est généralement plus courte, avec une charge virale plus faible, donc il y a moins de chances de transmission et d’erreurs du côté du virus », poursuit le spécialiste.
Un variant qui échappe à la réponse immunitaire ? Un scénario « considéré » mais « pas du tout garanti »
Pour le responsable de l’unité génomique évolutive des virus à ARN à l’Institut Pasteur, là où les propos de Frédéric Tangy ne sont « pas complètement faux, c’est qu’à l’avenir, quand une grande partie de la population sera "immune" par exposition au virus ou grâce à la vaccination et que le virus continuera de circuler », ce dernier sera « confronté à ces personnes ayant une réponse immunitaire. »
« Si un variant apparu par hasard est suffisamment différent, il est possible qu’il connaisse un succès épidémiologique car il pourrait échapper au moins en partie à la réponse immunitaire, alors que les autres virus seraient ralentis ou bloqués. C’est un des scénarios considérés pour le SARS-CoV-2, mais qui n’est pas du tout garanti », détaille le spécialiste.
Etienne Simon-Lorière cite ainsi à titre de comparaison deux cas de figure différents, illustrant les scénarios envisageables autour du Covid-19 : la grippe saisonnière par opposition à la fièvre jaune ou à la rougeole. Là où la première parvient à dériver et à échapper aux réponses immunitaires (qu’elles soient naturelles ou liées à la vaccination) grâce à une accumulation progressive de mutations au fil des années, la rougeole et la fièvre jaune n’ont « jamais été capables de changer suffisamment pour échapper au vaccin », ce qui explique que « ces épidémies touchent des personnes non vaccinées. »
« On ne sait pas du tout comment les choses vont tourner avec le SARS-CoV-2, d’où une grande prudence de rigueur », prévient le chercheur, tout en soulignant qu’il « est complètement faux de dire que vacciner massivement est très dangereux : au contraire, cela permet de protéger la population en limitant les risques de formes sévères et d’hospitalisation […] et cela permet en plus de réduire la charge virale et circulation du virus, donc les chances de faire apparaître de nouveaux variants problématiques. »
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