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| - Guerre en Ukraine : Le rôle de l’URSS pendant la Seconde Guerre mondiale est-il sous-estimé dans l’enseignement en France ?FAKE OFF•Cette allégation est portée par le pouvoir russe depuis de nombreuses années
Romarik Le Dourneuf
L'essentiel
- À l’occasion des cérémonies commémoratives de la fin de la Seconde Guerre mondiale des 8 et 9 mai un peu partout dans le monde, de nombreux internautes avancent que le rôle de l’URSS serait sous-estimé à l’école et dans les manuels scolaires.
- La Seconde Guerre mondiale est principalement abordée dans le programme d’Histoire de Terminale et l’Union soviétique y a une bonne place dans l’explication du déroulement et du dénouement du conflit.
- Les manuels scolaires aussi abordent l’URSS avec des chiffres sur les pertes humaines et les batailles sur le front de l’est.
La date du 9 mai est importante en Russie puisqu’il s’agit de la commémoration de la victoire sur l’Allemagne nazie en 1945. Particulièrement scrutée et suivie cette année en raison de la guerre en Ukraine et de la symbolique qu’elle renvoie, elle a aussi été l’occasion pour de nombreux internautes de rappeler l’importance du rôle de l’URSS durant ce conflit.
De nombreuses publications sur les réseaux sociaux ont d’ailleurs regretté que ce rôle soit possiblement sous-estimé dans l’enseignement en France : « On oublie trop souvent que c’est grâce à l’armée rouge que nous ne parlons pas allemand. Assez de la propagande occidentale à l’école ! ». Certaines publications mettent aussi en avant la photo du maréchal Joukov, l’officier russe qui a pris Berlin en mai 1945 : « Il a vaincu Hitler, mais son nom ne figure pas dans les manuels scolaires français. »
FAKE OFF
Contactée par 20 Minutes, le Ministère de l’Education nationale précise que la Seconde Guerre mondiale est « particulièrement abordée en classe de terminale, mais également évoquée au cycle 3 et 4 (CM2, 6e et 3e) ».
Si dans les cycles 3 et 4, la situation de la France et de ses voisins est au centre de l’enseignement, l’aspect mondial et les conflits militaires sont détaillés en terminale dans le chapitre 3 du thème 1 : « Fragilités des démocraties, totalitarismes et Seconde Guerre mondiale (1929-1945) » , selon le programme disponible sur le site Internet du ministère.
Outre la présentation des protagonistes du conflit et l’étendue mondiale qui font partie des objectifs d’apprentissage, le programme stipule également, dans les points de passage et d’ouverture à destination des enseignants, « Le front de l’est et la guerre d’anéantissement » et « Juin 44 : le débarquement en Normandie et l’opération Bagration ».
Batailles et pertes humaines
Si le débarquement est bien connu de tous en France, l’Opération Bagration est l’offensive soviétique qui a eu lieu au même moment, de juin à août 1944, sur le front de l’Est. Les deux batailles possèdent la même importance dans le programme.
Un point sur lequel Christine Guimonnet, secrétaire générale de l’Association des professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG) insiste : « Nous travaillons autant les deux sujets, ils sont nécessaires à la compréhension de la situation. » « Nous expliquons à quel point le 3e Reich a été pris en étau, la prise de Berlin par l’Armée rouge », ajoute la professeure d’Histoire en lycée. A l’heure d’établir le bilan de la Seconde Guerre mondiale en Terminale, l’URSS est aussi évoquée avec le siège de Leningrad et les 900.000 morts de Stalingrad : « Nous travaillons aussi sur les victimes militaires et civiles de ce conflit. »
Les manuels scolaires à l'image des programmes
Côté manuels scolaires, ceux que nous avons pu consulter (dont nous ne pouvons diffuser les images ici pour des questions de droits) mettent bien en avant les différentes batailles et avancées militaires des troupes soviétiques. Les pertes humaines sont également très largement dévoilées et d’autres éléments comme la célèbre photo d’un soldat de l’Armée rouge brandissant un drapeau sur le toit du Reichstag à Berlin sont proposés aux commentaires sur la propagande de guerre.
« S’en prendre aux manuels scolaires est inutile, ils ne représentent pas les programmes mais ne sont que des outils, pas la ligne à suivre », explique Christine Guimonnet.
Mais alors pourquoi cette idée semble imprimer dans l’esprit de beaucoup d’internautes ? Sûrement parce que cette minimisation du rôle de l’URSS dans la victoire de 1945 est un gimmick du pouvoir russe depuis des décennies. La glorification du rôle de l’URSS pendant la Seconde Guerre mondiale est même inscrite dans la Constitution russe depuis 2020.
Selon Christine Guimonnet, beaucoup gardent en tête les enseignements des années 1960 à 1980, durant lesquelles les informations étaient difficiles à obtenir du côté soviétique : « Depuis l’effondrement du bloc de l’Est, beaucoup d’archives ont été ouvertes et ont permis de découvrir et d’accentuer le renouvellement historiographique. Depuis de nombreuses thèses et travaux ont été réalisés et on en connaît beaucoup plus. »
Par exemple, quand Staline ne reconnaissait que 7 millions de victimes soviétiques du conflit en 1947, Nikita Krouchtchev en évoquait près de 20 millions en 1963. L'historien Nicolas Werth, directeur de recherche émérite au CNRS et spécialiste de l'URSS cité par Le Monde, estime le nombre de morts à 26 millions, le nombe communément admis aujourd'hui.
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