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| - Les organisateurs promettent la première Coupe du monde neutre en carbone.Pour ce faire, le Qatar prévoit des projets compensatoires en émissions de CO2.Mais des rapports avertissent déjà que le compte n’y est pas.
En organisant le Mondial de football, le Qatar est scruté de toute part, aussi bien sur le respect des droits humains que sur les conséquences environnementales. Et alors que la climatisation des stades en plein désert choque l’opinion, l’émirat se défend et garantit la neutralité carbone de l’événement.
Sollicité, le Comité suprême pour la Livraison et l’Héritage indique avoir "travaillé de concert avec la FIFA afin de livrer une compétition aux standards environnementaux ambitieux, s’engageant notamment à ce que l’évènement soit neutre en émissions de carbone". Du pur "greenwashing", accusent en retour plusieurs ONG européennes, dont la française Notre Affaire à Tous (nouvelle fenêtre), qui ont porté plainte début novembre pour "publicité trompeuse".
Les voyages, la moitié de l'empreinte carbone
Pour le Comité suprême, "les deux aspects clés du tournoi qui contribueront à la réduction de son empreinte carbone sont la compacité de l'événement - ce qui signifie que les déplacements aériens ne seront pas nécessaires - et l’utilisation du Métro de Doha, qui servira de transport pour acheminer les supporters jusqu’aux stades, dans les fan-zones, et autres lieux d’intérêts". Le comité d’organisation cite aussi l’utilisation de panneaux photovoltaïques pour éclairer certains des huit stades de la Coupe du monde, ou encore "l’utilisation de bus électriques et de nouveaux bus à faibles émissions".
La Fifa, de son côté, a évalué l’empreinte carbone de la compétition. Selon ses calculs (nouvelle fenêtre), celle-ci devrait rejeter l’équivalent de 3,6 millions de tonnes de CO2 (MtCO2eq) dans l’atmosphère. Selon l'instance dirigeante de football mondial, "parmi les principales catégories d'émissions, 51,7% des émissions proviennent des voyages, 20,1% de l'hébergement, 18% de la construction de sites permanents, 4,5 % de la construction temporaire et 1,1 % de la logistique", tandis que "les 5,7 % restants" sont affectés à "la logistique, la nourriture et les boissons".
Mais plusieurs rapports contredisent cette estimation, comme la promesse affichée de neutralité carbone. D’après les calculs de Greenly, une startup spécialisée dans l'évaluation de l'empreinte carbone des grands événements, le bilan de la Coupe du monde pourrait être deux fois plus élevé. Si c'est"impossible de quantifier exactement" son poids total, l'événement pourrait générer l’équivalent de 6 millions de tonnes de CO2 en prenant en compte les transports (40%), les infrastructures (27%) et la diffusion des matchs à la télévision, selon ces estimations publiées sur France Inter (nouvelle fenêtre), que nous avons pu consulter.
Questionné sur sa méthodologie, Greenly nous indique s'être fondé sur diverses sources, de la dernière Coupe du monde en Russie pour la retransmission numérique jusqu'à l'Ademe en ce qui concerne les navettes aériennes affrétées par le Qatar. Mais une ONG s’est penchée longuement sur le sujet - à laquelle se réfère d'ailleurs Greenly. Dans un rapport de mai 2022 actualisé fin octobre, l’association Carbon Market Watch considère, elle aussi, que le chiffre fourni par la Fifa ne correspondra pas à la réalité et que la neutralité brandie par les organisateurs ne sera pas atteinte. Le problème majeur réside dans le calcul des émissions rejetées par la construction des stades, précise à TF1info Gilles Dufrasne, auteur du rapport.
Des crédits carbone insuffisants ?
"Selon notre estimation, l'empreinte totale des stades permanents construits pour la Coupe du monde pourrait être sous-estimée d'un facteur huit, s'élevant à 1,6 MtCO 2 e, plutôt que les 0,2 MtCO 2 e rapportés", souligne Carbon Market Watch (nouvelle fenêtre). D’autant que ces stades pourraient ne pas être réutilisés une fois la compétition terminée. Or, "l'empreinte des stades permanents spécialement construits pour le tournoi a été attribuée à l'événement sur la base d'une ‘part d'utilisation’" au-delà de la Coupe du monde. D’autres sources d’émissions des infrastructures semblent sous-estimées : celles "liées à l'entretien et à l'exploitation des stades au cours des nombreuses années suivant le tournoi" ne figurent pas dans le bilan officiel. En revanche, la climatisation des stades, qui symbolise pourtant le gaspillage énergétique, ne pèse pas bien lourd dans le bilan carbone (nouvelle fenêtre) de cette compétition, selon Gilles Dufrasne.
Autre argument avancé par le Qatar : les projets compensatoires en émissions, aussi appelés crédits carbone. Concrètement, pour être neutre en carbone, il faut compenser autant de CO2 que l’on en émet. Pour atteindre son objectif, le Qatar prévoit donc d'acheter des crédits carbone dans le cadre de projets d’énergies renouvelables dans la région. "Tout excès d’émission de carbone sera compensé par des projets dans le secteur public et privé. À cet égard, le SC a appuyé la création du Global Council Carbon - qui a eu pour mission d’identifier les meilleurs projets au Qatar et dans la région en matière de compensation d’émissions", répond le Comité suprême.
Mais d’après Carbon Market Watch, ces projets risquent de ne pas être suffisants en n’ayant "probablement pas un impact suffisamment positif sur le climat". De plus, ils sont peu nombreux à avoir été initiés jusqu'alors. "L'offre totale actuelle de crédits est de 133.667, bien en deçà des 1,8 million de crédits qui devront être disponibles pour honorer le contrat d'achat qui a apparemment été conclu, sans parler des 3,6 millions nécessaires pour couvrir l'empreinte totale (mais probablement sous-estimée) de la Coupe du monde 2022", appuie l’ONG dans son rapport.
Au mois de mai, seuls deux projets basés en Turquie avaient été enregistrés par le Global Council Carbon (nouvelle fenêtre), ce programme de compensation carbone au Moyen-Orient distribuant des crédits dans le cadre de projets dits "verts". À ce jour, deux projets en Turquie ont bien été approuvés par le Global Council Carbon (une centrale hydroélectrique à Ova et des éoliennes à Ali Bey), ainsi qu'un parc éolien à Vsrac, en Serbie, pour un total de 343.000 crédits carbone.
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