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| - Des études montreraient la présence d'ARNm vaccinal "dans le lait maternel" de certaines femmes.Une information qui prouverait la dangerosité du vaccin contre le Covid-19 chez la femme allaitante.Il s'agit d'une lecture erronée de ces travaux et de conclusions trompeuses.
En près de deux ans, des milliers de femmes enceintes ont été vaccinées contre le Covid-19. Et ont donné naissance. Sans qu'aucun problème ne soit répertorié. Pourtant, certains s'inquiètent encore de la dangerosité des vaccins Pfizer et Moderna pour les nouveau-nés. En cause, un article de blog publié ce 14 octobre sur le site de désinformation "Reinfo Covid", créé par le collectif du même nom, farouchement opposé à la gestion du Covid-19 et à la campagne de vaccination. On y apprend que de l'ARNm vaccinal aurait été détecté dans le lait maternel de certaines femmes. Nous avons vérifié.
Des calculs erronés
Cet article s'appuie sur une étude publiée dans le JAMA Pediatrics (nouvelle fenêtre)le 26 septembre dernier. Deux chercheurs de l'École de médecine de Long Island ont examiné la présence de l'ARNm chez onze femmes allaitantes ayant reçu soit le vaccin de Pfizer, soit celui de Moderna, jusqu'à six mois après accouchement. Les échantillons de lait ont été prélevés entre une heure et cinq jours après l'injection. Résultat, l'équipe a détecté des "traces" de cette molécule, propre aux vaccins contre le Covid-19 chez cinq femmes. En tout, sept échantillons portaient la marque du vaccin sur la totalité des 131 prélèvements examinés. Une présence "sporadique", comme l'analysent les chercheurs, qui suggère "que l'allaitement après la vaccination par l'ARNm du COVID-19 est sûr".
Une conclusion qui n'a cependant pas satisfait les internautes. Car les deux chercheurs appellent à "la prudence en ce qui concerne l'allaitement des enfants de moins de 6 mois dans les 48 premières heures". Une petite phrase dont le blog de désinformation s'est emparé (nouvelle fenêtre) pour surinterpréter ces résultats. Et instiller le doute en affirmant que "les implications de cette découverte pour les nouveau-nés sont encore inconnues".
Sauf que leur alerte n'a pas lieu d'être. Tout d'abord, il est important de rappeler que ces travaux n'apportent absolument aucune nouvelle information. Dès le 19 août 2021 (nouvelle fenêtre), soit plus d'un an avant leur parution, une équipe de Singapour avait déjà identifié de très faibles quantités d'ARNm dans le lait de quatre femmes sur un échantillon de 35 participantes. De quoi pousser Mathieu Molimard, professeur de pharmacologie médicale, à décrire cette étude comme "un réchauffé de ce qu'on savait déjà". "Mais réalisé sur un petit nombre et avec une extrapolation des résultats", ajoute-t-il auprès de TF1info.
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Extrapolation qui vire même à l'erreur. Dans son article, le blog anti-vaccin interprète (nouvelle fenêtre) les résultats pour expliquer que sur "une semaine, le nouveau-né, pesant entre 2 et 5 kg, pourrait être exposé à une dose de 5 µg d'ARNm", soit deux fois moins que la dose injectée aux enfants de 5 à 11 ans. Ce qui les pousse à demander "une étude" à ce sujet. Sauf que leur calcul est faux, comme l'a repéré Olivier Pincone. Gynécologue-obstétricien à l'hôpital Louis-Mourier et chercheur dans l'unité Inserm IAME, il rappelle auprès de TF1info que la présence de vésicules a été détectée pendant 48 heures, soit "une dose maximum de l'ordre de 2µg" sur une semaine.
De plus, "on ne peut pas comparer une dose de vaccin reçue en intramusculaire et une dose ingérée par le lait maternel", note le président du Groupe de Recherche sur les Infections pendant la Grossesse (GRIG). Tout d'abord, parce que la présence d'ARNm est telle (nouvelle fenêtre)qu'il est impossible de différencier les résidus des ARNm fonctionnels. Il s'agit de "fragments", pour reprendre l'expression utilisée par Mathieu Molimard. "Ce n'est pas parce qu'on trouve un bout d'ARNm qu'il est complet et fonctionnel", relève le chef du service de pharmacologie médicale au CHU de Bordeaux. Pour preuve, dans les travaux réalisés à Singapour, les résidus détectés représentaient en moyenne 0,02% de la dose injectée. "Une goutte d'eau dans une piscine", pour reprendre l'analogie de l'immunologue Viki Male (nouvelle fenêtre).
Des fragments d'ARNm sans dangerosité
Par ailleurs, même s'il s'agissait d'un ARNm complet, "s'il arrive dans le lait, il ne passe pas dans le sang", souligne notre interlocuteur. Et d'appuyer son propos par une illustration : "Des milliards d'ARNm de bactéries venant de la mère passent dans le tube digestif du nourrisson. Ce n'est pas pour autant qu'il se transforme en bactérie géante."
Un constat partagé par Olivier Picone. Le chercher de l'Inserm rappelle que "tout l'ARNm dans les vésicules ne passera pas la barrière digestive". Raison pour laquelle les vaccins sont à injecter et non pas à ingérer. "La dose réelle dans le sang est encore moindre que celle du lait", conclut-il. D'ailleurs, dans l'étude publiée en août 2021, aucun des enfants testés ne présentait d'ARNm dans le sang. (nouvelle fenêtre) Les récents travaux des chercheurs américains ne le précisent pas.
Aujourd’hui, nous voulions vous parler du précieux partenariat que nous avons mis en place avec les experts de l' @Inserm pour lutter contre la désinformation en cette période de #COVID19 . #thread https://t.co/QZ1Zb8BBPU — verif_TF1LCI (@verif_TF1LCI) May 8, 2021
En résumé, ces résultats n'ont "rien d'original" et sont même "banals", selon les deux spécialistes. Surtout, aucun des éléments avancés ne peut venir remettre en cause les bénéfices de la vaccination chez la mère allaitante. Car si le vaccin peut transmettre des fragments d'ARNm dans le lait, le virus le fait encore plus. Et cette fois, il s'agit de molécules infectieuses, qui peuvent contaminer les cellules du nourrisson. La vaccination pendant la grossesse permet au contraire de donner des anticorps directement à l'enfant. Pour reprendre le résumé de Mathieu Molimard "dans le premier cas, on a un risque hypothétique, voire fantasmatique. Et de l'autre, on a un bénéfice certain."
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