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| - Question posée le 02/03/2020,
Bonjour,
Votre question fait référence à cette vidéo, partagée sur Twitter par le compte @tprincedelamour, populaire auprès de l'extrême droite pour ses partages de contenus anti-migrants et souvent déformés à dessein. On y voit une femme africaine crier et lever les bras au ciel devant plusieurs photographes et cameramen. Le compte décrit la scène ainsi :
Séance photo de #migrants "syriens" en Grèce: Des professionnels et des acteurs "shootent" des images fortes pour émouvoir la ménagère de + de 50 ans européenne et la faire voter pour toujours + d'immigration massive... pic.twitter.com/Huvjx2uPCA— Napoléon (@tprincedelamour) March 1, 2020
En partant d'une photographie illustrant un article du magazine allemand Der Spiegel, prise par le photographe grec Angelos Tzortzínis, qui a l'habitude de travailler pour l'AFP, CheckNews a consulté la base photographique de l'agence de presse pour retrouver d'autres clichés de cette scène. La femme, reconnaissable à ses tresses et à ses vêtements, apparaît sur des photos prises par d'autres photographes sur l'île grecque de Lesbos, le samedi 29 février 2020.
Griechenland reagiert auf Flüchtlinge: Lesbos im Ausnahmezustand https://t.co/Hcv5FggMfa pic.twitter.com/MSquf2CVxG— SPIEGEL Ticker (@SPIEGEL_alles) March 2, 2020
Pas de mise en scène selon trois journalistes présents à Lesbos
Nous avons pu retrouver l'auteure des images utilisées par @tprincedelamour : il s'agit de la journaliste grecque Liana Spyropoulou, qui travaille pour le journal allemand Bild. Interrogée par CheckNews, elle dément toute forme de mise en scène et raconte : «La scène a duré environ une minute. Lorsque le bateau a accosté, elle est sortie et s'est mise à pleurer, à crier, etc. Elle était visiblement choquée.»
#Lesbos earlier today. More boats full of #Refugees are expected to reach the East Aegean islands the next hours from #Turkey since the winds are calming down.— Liana Spyropoulou (@LSpyropoulou) February 29, 2020
One question to #Greece ‘s gov: where are you going to host the new arrivals? In the overcrowded #Moria camp? pic.twitter.com/QlpcFeBipI
La scène a également été filmée par la chaîne turque TRT World Now. On y entend la femme crier désespérément «Oh my god !» («Oh mon Dieu !» en français) alors qu'un journaliste vient se placer devant elle pour la filmer.
We capture arrival of a group of desperate migrants on the Greek island of Lesvos after Turkey announced it would no longer stop refugees from reaching Europe pic.twitter.com/givpTt7V36— TRT World Now (@TRTWorldNow) February 29, 2020
Contacté par CheckNews, le responsable de la photo au bureau de l'AFP d'Athènes, Aris Messinis (à l'origine de la photo qui illustre notre article) dément aussi toute forme de mise en scène : «C'est encore une connerie de l'extrême droite ! Parfois quand un bateau arrive, il y a beaucoup de médias, comme ce jour-là. Quand le bateau a débarqué, les médias ont commencé à enregistrer des images de ce qu'il se passait. Ça ne signifie pas qu'il s'agit d'une mise en scène. Certains migrants se sont mis à pleurer, à prier, à chanter. Elle était certainement en train de remercier Dieu. Nous nous sommes mis à la photographier quand nous avons vu sa réaction.» Le journaliste estime, lui, que la scène a duré une vingtaine de secondes, puis les migrants ont été pris en charge par les ONG présentes. Selon les informations qui accompagnent le crédit de sa photo, la femme était à bord d'un «canot pneumatique transportant 27 réfugiés et migrants originaires de Gambie et de la république démocratique du Congo» et qui ont été «secourus par un navire de guerre lors de leur traversée maritime».
Mauvaise météo
Parmi ces 27 migrants se trouvaient «une femme enceinte et un enfant» précise le vidéojournaliste Savvas Karmaniolas, également interrogé par CheckNews. Il était présent sur la rive de la côte nord de Lesbos avec les autres journalistes et assure qu'il ne s'agit «bien évidemment pas d'une mise en scène. La météo était très mauvaise, il y avait beaucoup de vent et nous étions surpris qu'ils aient pu atteindre la rive. Le bateau aurait pu couler. Je pense que les migrants avaient très peur, ce qui explique la réaction de cette femme. Je ne pense pas qu'elle ait pris en considération les caméras. Les vidéojournalistes et les photographes se sont approchés pour prendre des images sous différents angles». Il rapporte que ce bateau a été le seul à atteindre l'île ce samedi matin.
Le contexte de la météo hostile et venteuse nous a également été évoqué par la journaliste Liana Spyropoulou, pour qui : «Le temps était affreux, nous étions vraiment étonnés qu'ils aient réussi [à traverser]. Les commentaires entre nous, [les journalistes], étaient du genre "seuls les Africains oseraient monter dans un bateau avec ce vent".» De même, Angelos Tzortzinis signale que «le temps était très mauvais et les gens étaient épuisés. Cette femme pleurait tout le temps, elle était en panique».
Concernant la présence de nombreux médias sur les lieux du débarquement, comme on peut le voir sur la vidéo partagée par @tprincedelamour, Savvas Karmaniolas estime qu'une «trentaine» de journalistes s'y trouvait «à cause de la situation» alors à Lesbos. Il explique qu'il s'était rendu sur l'île «à cause de la réaction des locaux contre la construction d'un nouveau camp d'accueil pour les réfugiés. Plusieurs journalistes sont arrivés dès mardi ou mercredi et ont prolongé leur séjour suite à la décision d'Erdogan». Face au manque de soutien de l'Union européenne suite à la perte de 33 soldats tués en Syrie jeudi, Ankara a ouvert sa frontière avec l'Europe vendredi, permettant ainsi à de nombreux migrants de se mettre en route vers la Grèce, où une frontière fermée les attendait.
Affirmation à vérifier
Une vidéo accuse des photographes de mettre en scène la misère d'une migrante à Lesbos.
Conclusion
Faux. Plusieurs journalistes présents sur l'île démentent
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