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| - Un consultant en énergie affirme sur les réseaux sociaux que l'Allemagne dépend du nucléaire français.Des importations qui auraient un "coût pour le consommateur français".Nous avons voulu en savoir plus.
L'année 2024 s'annonce d'ores et déjà comme un bon millésime pour l'électricité française. Alors qu'EDF a indiqué ce jeudi 7 novembre que les ventes devraient atteindre 90 térawattheures (TWh) cette année, soit deux fois plus que la consommation annuelle de certains pays, cette bonne nouvelle ne serait pas sans conséquences. Sur les réseaux sociaux, Nicolas Meilhan, consultant en stratégie dans les secteurs du transport et de l'énergie, alerte sur le coût de ces échanges sur nos factures.
"Heureusement que les Allemands peuvent compter sur le nucléaire français pour passer les pointes avec l'équivalent de quatre réacteurs importés à 18h", souligne-t-il ce jeudi 7 novembre sur le réseau social X. Et d'ajouter : "Par contre cela a un coût pour le consommateur français : il paie son électricité plus chère avec une pointe à 170€ du MWh hier soir." Alors de quoi parle-t-on exactement ?
Des prix quatre fois plus chers en Allemagne
De fait, sur le graphique partagé par ce consultant, on observe qu'une hausse des échanges aux frontières en Allemagne s'est accompagnée d'un pic des prix sur le marché de gros. Pour rappel, c'est là que 20% de l'électricité du marché s'échange la veille pour le lendemain. En début de soirée le 6 novembre, une hausse de la demande en Allemagne a donc fait exploser le prix de ces négociations. Selon les données d'éCO2mix (nouvelle fenêtre), la plateforme du Réseau de transport d'électricité (RTE), le tarif du mégawattheure (MWh) est allé jusqu'à 805 euros à 18 heures. Un phénomène qui a aussi touché le marché en France. Le maximum de la journée était atteint à la même heure, à 172 euros le MWh. Toutefois, comme le démontre le graphique ci-dessous, les tarifs en France sont restés bien inférieurs à ceux de ses voisins européens.
Alors, pourquoi une intensification de la demande en Allemagne influence-t-elle nos prix ? En raison du marché européen de l'électricité. Afin d'assurer la sécurité d'approvisionnement, le réseau de transport d'électricité est interconnecté et achemine les flux d'énergie à travers 35 pays du continent.
Or, si le marché est interconnecté, une hausse de la demande venue de nos voisins affecte automatiquement la nôtre en France, même si la consommation reste similaire dans l'Hexagone. Le pic de demande qui a eu lieu mercredi en Allemagne, notamment lié à une journée particulièrement froide sans assez de vent pour nourrir les éoliennes (nouvelle fenêtre), a donc légèrement fait grimper les prix de vente en France.
Un phénomène qui n'aurait pas eu lieu sur le seul marché français. "Si cette électricité elle avait été vendue à l'intérieur des frontières à la même heure, son tarif aurait été un peu moins élevé", confirme l'économiste Jacques Percebois. Pour preuve, l'été dernier, un bug informatique ayant entraîné un découplage total entre les deux pays a fait plonger les tarifs en France. Le 25 juin, le prix outre-Rhin atteignait 492 euros le MWH sur le marché européen, tandis qu'il a plongé à moins de trois euros dans l'Hexagone. Soit 160 fois moins cher.
Un événement qui pourrait laisser penser que la France ferait mieux de sortir de ce schéma. Mais auprès de TF1info, Jacques Percebois appelle à éviter les conclusions hâtives. Professeur émérite à l'Université de Montpellier et directeur du Centre de recherche en économie et droit de l'énergie (Crede), il rappelle qu'en hiver, la situation peut être complètement inversée. Lors d'une vague de froid, les Français comptent en effet sur leur voisin pour satisfaire la demande (nouvelle fenêtre). "Pour preuve, en 2022, nous avons été importateurs nets d'électricité."
Si le mégawattheure est aujourd'hui plus cher outre-Rhin, ces prix au court terme sont extrêmement volatils. "L'électricité ne peut pas être stockée à grande échelle et des facteurs influençant l'équilibre offre-demande peuvent varier considérablement, comme les conditions climatiques ou des événements prévus ou non sur le parc électrique", résume la Commission de régulation de l'énergie sur son site (nouvelle fenêtre). "Ce qui compte, ce n'est donc pas le prix vendu mercredi à 18 heures, dont la pointe dure deux petites heures, mais la moyenne sur l'année, y compris lors des pics de consommation", conclut notre interlocuteur.
Auprès de TF1info, il souligne également que le marché européen (nouvelle fenêtre)profite à la balance commerciale de la France. Avec EDF qui estime vendre 90 TWh cette année, le solde de la France sera largement positif. Une bonne nouvelle pour les entreprises et les investissements. "Il ne faut pas voir ce marché seulement comme une contrainte, mais aussi comme une opportunité", insiste l'économiste, "c'est une sécurité pour notre approvisionnement et une aubaine pour nos ventes".
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En résumé, s'il est vrai que le prix de négociation du mégawattheure a augmenté ces derniers jours en France à cause de la demande Allemagne, ces tarifs à un instant T ne prouvent pas à eux seuls que ce constat sera le même tout au long de l'année, notamment cet hiver. D'autant que le marché de gros ne correspond pas réellement à ce que payent les foyers. Si c'est bien sur celui-ci que s'approvisionnent les entreprises, le consommateur est protégé de ces variations grâce au "tarif régulé de vente", déterminé par la Commission de régulation de l'énergie. Grâce à ce dispositif, EDF fourni une partie de sa production (100 térawattheures) à ses concurrents sur le marché français, à des prix fixes. Ceux-ci sont indépendants des aléas des marchés. Quant au reste de la production française, il va ensuite sur ce "marché du gros". Et là, le prix est dépendant des lois de l'offre et de la demande.
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