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| - Marie Toussaint a dénoncé ce lundi "un empoisonnement massif" qui serait en cours en France.Selon la tête de liste écologiste aux Européennes, les "produits toxiques" auraient provoqué "19 clusters de cancers pédiatriques" à travers le pays.Un raccourci trompeur.
Elle s'est dite "extrêmement en colère". Invitée ce lundi 13 mai sur le plateau de France 5, Marie Toussaint a souhaité dénoncer l'existence d'au moins "19 clusters de cancers pédiatriques en France" qui seraient directement liés à des "produits toxiques", comme le glyphosate ou les polluants éternels. Un "empoisonnement massif", selon la tête de liste écologiste aux Européennes, qui serait directement "mené par ce gouvernement". Nous avons passé au crible son affirmation.
On compte jusqu'à 19 clusters de cancers pédiatriques en France liés à ces produits toxiques qui sont partout ⚠️ Je dénonce un empoisonnement massif mené de la part de ce gouvernement qui préfère cacher les rapports des autorités sanitaires ❌ #Europeennes2024 #CàVous pic.twitter.com/XTMhqt7uMY — Marie Toussaint 🌍🌏 (@marietouss1) May 13, 2024
Commençons par le chiffre. Interrogée sur sa source, la juriste à l'origine de la campagne "L'Affaire du siècle" nous renvoie vers un article publié en novembre 2021 (nouvelle fenêtre)dans lequel sont cités des chiffres de Santé publique France (SPF). Auprès de TF1info, l'agence nationale chargée de la santé publique confirme, mais le remet à jour. Au total, entre 2002 et 2024, Santé publique France a été saisie dans 20 cas de cluster. Pour rappel, ce terme anglais désigne (nouvelle fenêtre)un "regroupement inhabituel dans le temps et dans l'espace, réel ou perçu, d'événements de santé incidents". En cas de suspicion d'un tel agrégat, un signalement est réalisé par les établissements de santé aux agences régionales de santé (ARS) et une investigation est réalisée en collaboration avec SPF.
Des clusters identifiés sur 20 ans
Si le chiffre de la tête de liste aux élections européennes est le bon (nouvelle fenêtre), il ne s'agit pas de cas actuellement en cours d'investigation. Les clusters en question s'étalent plutôt sur des dizaines d'années. Tout comme il n'existe pas d'épidémie de cancers pédiatriques, contrairement à ce que laisse entendre sa prise de parole au sujet d'un "empoisonnement" mené par le gouvernement. Dans une lettre publiée le 16 février 2022 à ce sujet, la Société française de lutte contre les leucémies et les cancers de l'Enfant et de l'adolescent (SFCE) et la Fédération enfants cancers santé s'insurgeaient précisément contre cette "contre-vérité" portée par des tribunes et des personnalités politiques.
À leurs yeux, les cancers pédiatriques sont "un sujet majeur, mais pas une épidémie". "Grâce à l'historique du registre national, nous sommes en mesure de dire qu'il n'y a pas d'augmentation d'incidence des cancers pédiatriques sur les 20 dernières années", écrivait alors les deux fédérations (nouvelle fenêtre). Une information confirmée par la spécialiste Jacqueline Clavel. Directrice de recherche à l'Inserm, elle est l'une des premières à avoir travaillé sur les origines des cancers pédiatriques. Et elle l'assure, aucune explosion des cas n'a été détectée. Reste que "chaque cancer est suffisamment grave pour qu'on ait besoin de comprendre pourquoi il survient", plaide celle qui a créé le premier registre des cancers pédiatriques, il y a près de 30 ans.
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Voilà pour les données. Et quel est le lien entre ces clusters et les "produits toxiques" cités par Marie Toussaint ? Interrogée à ce sujet, Santé publique France récuse ces accusations. En France comme à l'étranger, les enquête épidémiologiques menées au sein de ces agrégats n'ont jamais permis d'apporter "d'éléments probants" sur leur origine. L'agence sanitaire précise toutefois que certaines "hypothèses" sont actuellement discutées dans la littérature scientifique, dont des raisons "immuno-infectieuses ou environnementales". (nouvelle fenêtre)
Interrogée à ce sujet par TF1info, Marie Toussaint revient légèrement sur ses propos. Si elle ne fait plus de lien direct entre ces substances "toxiques" et les clusters, la tête de liste aux Européennes évoque plutôt "des faisceaux d'indices" sur les conséquences néfastes de ces produits, qui "devraient suffire à l'action". "Pour établir ce lien de causalité, encore faut-il chercher", note l'eurodéputée. Une demande pour laquelle Jacqueline Clavel tombe (un peu) d'accord. "Si son constat est erroné, l'intérêt de rechercher les facteurs environnementaux pour comprendre leur impact sur les cancers pédiatriques est une réalité", nous indique la médecin épidémiologiste. Des travaux menés "de façon continue et internationale", se réjouit la spécialiste.
À l'heure actuelle, ces travaux ont permis de mettre en exergue une "présomption forte" sur un lien entre une exposition professionnelle et domestique aux pesticides de la mère pendant la grossesse et le risque de leucémie chez l'enfant. En revanche, les résultats d'une étude écologique (nouvelle fenêtre) publiée en août 2020 n'ont pas mis en évidence de lien entre la densité des cultures à l'échelle communale et des cas de leucémie pédiatrique chez les habitants. Seule la présence de vignes à moins de 1000 m de l’adresse de résidence a pu être associée à une "légère augmentation" du risque de leucémie dans une étude parue le 18 octobre dernier (nouvelle fenêtre).
C'est suffisamment grave pour qu'on n'ait pas besoin d'une épidémieJacqueline Clavel, médecin épidémiologiste et directrice de recherche à l'Inserm
En résumé, Marie Toussaint a raison lorsqu'elle évoque les chiffres du nombre de clusters de cancers pédiatriques, mais son raisonnement est trompeur. Aucune explosion des cas n'est observée, et il n'existe pas, pour l'heure, de liens avec des "produits toxiques". Comme l'écrivait l'Inserm dans son expertise en 2021, parmi les facteurs de risque fortement suspectés de jouer un rôle dans la survenue des cancers de l’enfant, on cite principalement des "prédispositions génétiques et certaines caractéristiques périnatales" mais aussi "l'exposition aux contaminants environnementaux, en particulier la pollution liée au trafic routier et les pesticides". Des pistes qui sont toujours celles étudiées aujourd'hui, note la directrice de recherche à l'Inserm, et même "approfondies". Et de conclure : "Comme le dit Marie Toussaint, il faut chercher, oui. Mais pas en commençant par des paroles défiantes, fausses et inquiétantes."
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