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| - Une partie de la droite et l’extrême droite accuse l’ancienne garde des Sceaux de laxisme en matière carcérale au moment de la pandémie.12.000 détenus auraient été libérés par Nicole Belloubet.Un chiffre faux : il s’agit plutôt de la moitié et souvent de cas de libérations anticipées.
De retour au gouvernement après trois ans et demi d’absence, Nicole Belloubet est cette fois en charge de l’Éducation nationale, en remplacement d’Amélie Oudéa-Castera. Au lendemain de sa nomination, celle qui était garde des Sceaux de 2017 à 2020 a surtout été attaquée sur son bilan à la Justice. "Nicole Belloubet, c'est celle qui a fait libérer 12.000 prisonniers en un mois pendant le Covid", a ainsi accusé François-Xavier Bellamy, tête de liste des Républicains aux élections européennes, sur LCI.
Un argument visant à dénoncer le "laxisme" de Nicole Belloubet en matière carcérale qui a été entendu à l’extrême droite, du côté de Marion Maréchal (nouvelle fenêtre), candidate aux européennes pour Reconquête qui s’est dit, le 11 février, "inquiète par sa nomination à l’Éducation nationale", mais aussi de Philippe de Villiers (nouvelle fenêtre), deux jours plus tôt. "Nicole Belloubet, en tant que garde des Sceaux, a libéré 12.000 prisonniers pendant le Covid, alors que les Français étaient confinés. Le taux de criminalité a depuis bondi dans des proportions considérables", a affirmé le fondateur du Puy du Fou sur Cnews.
Près de 13.000 détenus en moins...
Replongeons-nous quatre ans en arrière, dans une France confinée (nouvelle fenêtre). Au printemps 2020, alors que le covid-19 était encore peu connu et qu’aucun vaccin n’était sur le marché, des mesures ont dû être prises pour réduire la circulation du virus. Ça a été le cas en prison, endroit par excellence d’émergence de clusters, ces foyers à l’origine de contaminations en chaîne. Ajouté à cela, le risque de mutineries était largement envisagé par les autorités, après la suspension des parloirs. Certains incidents de ce type avaient été constatés, comme à la maison d’arrêt de Grasse (nouvelle fenêtre) (Alpes-Maritimes).
Alors garde des Sceaux, Nicole Belloubet a donc décidé de "mesures exceptionnelles et provisoires pour faire baisser les taux d’occupation et protéger tant les personnels pénitentiaires que les personnes détenues", indique le ministère de la Justice à TF1info, et qui ont permis in fine de "sauver massivement des vies parmi nos surveillants pénitentiaires et parmi les détenus". Elles ont bien eu pour effet de réduire la population carcérale puisqu'"il y avait 71.679 personnes détenues le 16 mars 2020, et 58.720 le 11 mai 2020", soit 12.959 détenus de moins en deux mois.
.... mais 6600 prisonniers libérés
Début mai 2020, la presse rendait compte de ces efforts. "La chute ‘historique’ de la population carcérale se poursuit dans les prisons françaises, avec 'environ 60.600' détenus actuellement selon la ministre, soit environ ‘12.000’ de moins que le 16 mars", soulignait l’AFP dans une dépêche du 5 mai, tandis que Libération titrait un article du 14 mai (nouvelle fenêtre) comme ceci : "Prison : 12.793 détenus en moins et une occasion sans précédent". L’extrême droite s’est donc emparée de ces éléments pour dénoncer le bilan de la ministre de la Justice de l’époque. Or, cela ne signifie pas que Nicole Belloubet a fait libérer 12.000 prisonniers pendant le confinement.
En effet, ces mesures ont bien compris des libérations de prisonniers, et en particulier des libérations anticipées. Celles-ci ont concerné au total 6600 détenus et ont "été décidées au cas par cas par un juge", selon le ministère. Pour bénéficier d’une remise de peine, ces prisonniers devaient remplir plusieurs critères, et notamment celui de ne pas avoir été condamnés pour des crimes, des faits de terrorisme, des faits de violences intrafamiliales, d’avoir été violent en prison ou d’avoir mis en danger d’autres détenus ou le personnel pénitentiaire. Mais aussi d’être à quelques semaines, "au maximum deux mois", de leur libération réelle. "La plupart des libérations anticipées décidées sous Nicole Belloubet s’appliquaient à des personnes ayant un reliquat très faible, et qui seraient logiquement sorties à la fin du confinement", insiste le ministère de la Justice.
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Par ailleurs, et c’est ici que l’on parvient à ces 12.000 places en moins dans les prisons, des détenus sont sortis à la fin de leur peine et n’ont tout simplement pas été remplacés par d’autres. En effet, le confinement a donné lieu à une chute importante de la délinquance et à un ralentissement du fonctionnement des tribunaux. Ces deux éléments combinés ont eu pour effet d’envoyer moins de monde en détention. Un second argument de l’extrême droite est de dire que cette libération massive a directement fait bondir le "taux de criminalité". Là encore, c’est trompeur. Selon les chiffres officiels, "sur ces 6600 personnes détenues libérées en fin de peine, seules une trentaine ont été réincarcérées" dans les semaines ayant suivi.
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