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| - Le gouvernement veut-il faire adopter par les députés, en catimini, des mesures visant à accueillir des patients algériens en France aux frais de la Sécurité sociale ? C’est ce qu’affirment plusieurs sites proches de l’extrême droite qui s’alarment d’un projet de loi en cours d’examen à l’Assemblée nationale. Mais la rumeur a complètement déformé l’objet du texte et lui prête des conséquences bien éloignées de son contenu. Explications.
CE QUE DIT LA RUMEUR
La rumeur est venue du site Dreuz. info, qui nous paraît peu fiable dans le Décodex, dans un article intitulé « Français, sortez vos chéquiers : une nouvelle loi permettra aux Algériens de venir plus nombreux se faire soigner en France ». Plusieurs autres sites d’extrême droite lui ont alors emboîté le pas.
Selon ces articles, l’Assemblée nationale s’apprêterait à voter « un projet de loi autorisant l’approbation » d’un protocole de soins entre la France et l’Algérie. Les titres sont catégoriques, prédisant une explosion du nombre d’Algériens qui viendraient se faire soigner en France à l’avenir ainsi qu’un coût considérable pour les finances publiques françaises. Un photomontage du site Lagauchematuer.fr montre Emmanuel Macron à côté de la phrase : « Vous inquiétez pas ce sera sécu pour tous les algériens qui arrivent en France » [sic].
Les textes de ces articles sont en revanche plus allusifs, se gardant bien de citer le moindre chiffre concernant le nombre de patients potentiellement concernés et le montant des soins en jeu.
POURQUOI C’EST FAUX
Ces articles font référence à un projet de loi bien réel, qui a été examiné en commission à l’Assemblée nationale à la fin du mois de novembre et devrait l’être lundi 18 décembre en séance publique, selon le cabinet de Michel Fanget, député (MoDem), membre de la commission des affaires étrangères. Ce député est l’auteur d’un projet de rapport sur ce dossier, qui préfigure le projet de loi, et que nous avons pu consulter. La lecture de ce document, qui reprend pour l’essentiel les conclusions déjà formulées dans le rapport présenté en commission, montre que la présentation du projet de loi qui a été faite par les sites d’extrême droite est pour le moins trompeuse, et ce pour plusieurs raisons.
1. Des patients algériens sont déjà traités en France
La première confusion de la rumeur est qu’elle oppose artificiellement la situation actuelle à celle proposée dans le projet de loi. La France et l’Algérie sont en effet liées depuis 1980 par une convention de sécurité sociale. A ce titre, il est prévu que des salariés et fonctionnaires résidant en Algérie puissent être pris en charge en France, mais pas leurs ayants droit.
Cette condition limite le recours à la convention de soins entre les deux pays. Si bien que la Caisse nationale des assurances sociales des travailleurs salariés (CNAS) algérienne a noué d’autres conventions directes avec des établissements de soins français. Ce cas de figure concernerait ainsi, selon les chiffres cités par M. Fanget, « cinq cents à sept cents » patients algériens par an, alors que la convention de 1980 ne concernerait « plus que quarante à soixante » patients par an.
Or, les relations directes entre la CNAS et les hôpitaux posent parfois des problèmes liés au montant des frais facturés et à leur recouvrement. Certains établissements ont même cessé d’admettre des patients dans ce cadre. L’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) évaluait, au 15 novembre 2014, à 31,6 millions d’euros les créances dues par des patients venus d’Algérie (sur un total de 118 millions d’euros tous pays confondus), dont un tiers était dû par le CNAS. Ces créances atteignaient 39 millions d’euros pour la France entière en mars, selon le rapport de M. Fanget.
2. L’objet du projet de loi est de mieux recouvrer les frais liés aux soins de ces patients
Le projet de loi dont il est question ici ne vise donc pas à admettre plus ou moins de patients venus d’Algérie, explique-t-on au cabinet de Michel Fanget, mais de fixer un meilleur cadre à leur accueil. Avec notamment pour objectif d’éviter les contentieux et donc des soins non payés.
Le protocole défini dans le projet de loi que nous avons pu consulter propose d’instaurer un système unique de prise en charge de ces patients, avec une autorisation préalable et de meilleures garanties de prise en charge des frais.
Ce système a vocation à toucher un public plus large que par le passé, non pas pour augmenter le nombre de patients concernés mais parce que c’est dans ce cadre que les contentieux financiers sont les moins nombreux. Le rapport parlementaire relève ainsi qu’une large part des créances non payées aujourd’hui sont le fait de patients venant se faire soigner à titre personnel. Leur donner un meilleur cadre formel permettrait donc de limiter les impayés.
3. L’Etat français ne paie pas les soins de ces patients
Dans tous les cas, il est mensonger de laisser entendre que des patients algériens vont venir se faire soigner aux frais des contribuables français, puisque les soins sont pris en charge, entre autres, par la CNAS algérienne. Il n’en a jamais été question, ni par le passé ni aujourd’hui. Les patients algériens qui viennent se faire soigner en France ne viennent pas par effet d’aubaine, mais parce qu’ils espèrent y recevoir des soins de meilleure qualité que dans leur pays.
Le projet de loi qui sera présenté à l’Assemblée nationale dans les jours qui viennent vise au contraire à limiter les cas litigieux qui, eux, peuvent entraîner des coûts pour les établissements de soins français.
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