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| - Les médias russes accusent les soldats ukrainiens de prendre de la drogue.Une rumeur qui revient régulièrement depuis le début de la guerre.Pour l’heure, rien ne permet d'étayer la prise de drogue par les soldats.
Pour tenir en première ligne, les soldats de l’armée de Kiev seraient-ils sous l’emprise de stupéfiants ? C'est ce que laissent à nouveau entendre des comptes prorusses. Tout part de cette séquence, relayée sur Twitter le 22 janvier et partagée par le complotiste Silvano Trotta. "#Captagon. L'OTAN organise la distribution. Permet une confiance accrue, diminue l'appétit et la somnolence. Insensibilise aux souffrances et celles infligées aux autres, donc commettre toutes sortes d’atrocités en riant. Elle constitue la ration alimentaire de base des forces", indique l’auteur du tweet en français, partageant la vidéo d’un soldat présenté comme ukrainien et se tordant en arrière, pouvant laisser penser qu'il serait sous l'emprise d'un produit.
Ce compte (nouvelle fenêtre) fait ici référence au captagon, cette substance communément appelée la "drogue des djihadistes". Si on l'a découverte au moment des attentats du 13 novembre 2015, elle n’avait été consommée par aucun des terroristes (nouvelle fenêtre) ce jour-là. Cette amphétamine est essentiellement produite au Moyen-Orient et notamment en Syrie, devenue une véritable plaque tournante du trafic (nouvelle fenêtre). Mais que sait-on de cette vidéo ? Elle est d'abord apparue sur les comptes VK et Telegram (nouvelle fenêtre) de Yuri Podolyaka, célèbre blogueur russe, le 22 janvier avant de trouver un nouvel écho sur Twitter. Les canaux habituels de la propagande russe.
Une rumeur venue d'un député de la Douma russe
L'extrait dure 15 seconde et l'on n'entend pas la voix du militaire : le son d'origine a été remplacé par une chanson d'un groupe ukrainien (nouvelle fenêtre), célèbre sur TikTok. Il est donc impossible de tirer une information de cette séquence. Elle ne livre surtout aucune preuve de l’usage de drogue par ce soldat, ni de captagon. En fait, cette rumeur trouve son origine directement à la Douma d’État, la chambre basse du parlement russe. Et elle n’est pas récente. En avril dernier, le député Alexandre Borodaï confiait alors au journal russe Komsomolskaya Pravda (nouvelle fenêtre) que des soldats ukrainiens, capturés, avaient avoué prendre jusqu’à trois comprimés de captagon par jour pour tenir au combat. Hormis ces déclarations, aucun élément tangible ne permet d’attester d’une consommation systématique de drogues dans les rangs de l’armée ukrainienne. Reste que la rumeur persiste et est presque devenue un poncif de la propagande.
Le 25 février 2022, Vladimir Poutine justifiait alors l’invasion de l’Ukraine en traitant les Ukrainiens de "clique de drogués et de néonazis" (nouvelle fenêtre). La presse et les officiels russes continuent depuis d'alimenter ce narratif. En août, l’agence de presse TASS a cité un général de l’armée russe (nouvelle fenêtre), selon qui des restes d’opioïdes et de méthadone avaient été "trouvées sur les positions abandonnées par l’armée ukrainienne". Sans fournir les preuves attendues. En novembre, l'agence de presse RIA Novosti s’est de nouveau appuyée (nouvelle fenêtre) sur des témoignages de soldats ukrainiens captifs ayant avoué leur consommation de stupéfiants.
À chaque fois, ces affirmations se fondent sur des déclarations de hauts gradés russes ou des "témoignages" directs de prisonniers ukrainiens. Au printemps d'ailleurs, une vidéo (nouvelle fenêtre) a circulé, censée documenter les aveux d’un militaire ukrainien à Marioupol. "J’étais sous drogue", affirme en effet le jeune homme au visage tuméfié, dans cet extrait que nous avons pu traduire. Un second témoignage du même soldat a également été diffusé sur VK, le 1er avril (nouvelle fenêtre).
D’après nos recherches, l’homme est bien un militaire ukrainien, appartenant à la 55ᵉ Brigade d'artillerie de Zaporijia et capturé le 31 mars par les Russes, selon une liste russe des prisonniers (nouvelle fenêtre) de guerre. Nazar Gomlya n’a donné aucune nouvelle depuis ces témoignages. Mais comme pour tous les prisonniers de guerre, que valent des confessions pouvant être obtenues sous la contrainte ?
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