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| - La France avance un article du Statut de Rome, fondateur de la Cour pénale internationale, pour justifier l'immunité invoquée à l'égard du Premier ministre israélien, objet d'un mandat d'arrêt.La jurisprudence a eu l'occasion de préciser la conduite que les États devaient adopter au sujet de cette immunité, comme en 2017 et en 2024.
Paris respecte-t-il le droit international en invoquant une "immunité" pour Benyamin Nétanyahou ? Telle est la question après la prise de position de la France au sujet du Premier ministre israélien, visé par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI). Le 27 novembre, la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a assuré que "la France respectera toujours le droit international, à savoir son obligation de coopérer avec la CPI, mais également le respect du statut de Rome qui prévoit des cas d'immunité pour les chefs d'État et les dirigeants". Avant d'ajouter que la décision d'arrêter ou non Benyamin Nétanyahou "relèvera du pouvoir judiciaire".
Pour rappel, le chef du gouvernement israélien est visé depuis le 21 novembre par un mandat d'arrêt de la CPI (nouvelle fenêtre), tout comme son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant. Ils sont soupçonnés de "crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis depuis le 8 octobre 2023" dans la bande de Gaza, au lendemain des attaques du Hamas dans le sud d'Israël. Depuis, le Quai d’Orsay a annoncé que Benyamin Nétanyahou ne serait pas arrêté (nouvelle fenêtre) s'il se rendait en France et a précisé, dans un point presse (nouvelle fenêtre), que cette immunité était prévue par "l'article 98" du Statut de Rome, traité fondateur de la CPI.
Une obligation de coopération
Que dit le Statut de Rome ? Son principe est régi par son article 27 (nouvelle fenêtre), selon lequel "le présent Statut s'applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle". Ainsi, les 124 États parties au traité ont une obligation de coopérer avec la CPI, compétente pour enquêter et juger des crimes de guerre et crimes contre l'humanité. À défaut d'avoir sa propre police, la CPI explique devoir (nouvelle fenêtre) "compter sur la coopération des États, indispensable en ce qui concerne l'arrestation et la remise des suspects" visés par un mandat d'arrêt. Cette obligation est prévue à l'article 86.
En revanche, et c'est justement ce qui est invoqué par Paris, l'article 98-1 dispose que "la Cour ne peut poursuivre l'exécution d'une demande de remise ou d'assistance qui contraindrait l'État requis à agir de façon incompatible avec les obligations qui lui incombent en droit international en matière d'immunité des États ou d'immunité diplomatique d'une personne ou de biens d'un État tiers". En l'occurrence, la France ne serait pas tenue d’arrêter Benyamin Nétanyahou, à qui elle a accordé l’immunité puisque Israël est un État tiers, qui n'a pas ratifié le Statut de Rome (nouvelle fenêtre).
La position française peut d'abord paraitre surprenante au regard de son droit national, observe auprès de TF1info Juliette Lelieur, professeure de droit pénal à l'Université de Strasbourg : "Lors de la transposition du Statut de Rome dans le Code de procédure pénale (nouvelle fenêtre), la France n'a nullement pris la peine de faire mention de cet article 98. Il est donc étrange qu'aujourd'hui, soit soudainement évoquée cette possibilité de différencier selon la nationalité de la personne sous mandat, et de prendre en considération le fait qu'elle bénéficie d'une immunité d'un État tiers".
La jurisprudence Omar el-Bechir
Ensuite, la jurisprudence est venue préciser le principe retenu par la Cour à propos de cette immunité. Car la question qui se pose aujourd'hui s'est déjà posée avec l'Afrique du Sud. Le pays a ratifié le Statut du Rome, mais avait pourtant refusé d'arrêter Omar el-Bechir en 2015, lorsque l'ancien président soudanais, soupçonné de génocide et de crimes contre l'humanité, s’était rendu sur son sol.
Répondant en 2017 à l'Afrique du Sud, qui estimait (nouvelle fenêtre) qu'elle n'avait pas à interpeller le suspect, la Chambre préliminaire II de la CPI a considéré (nouvelle fenêtre) que l'invocation de l'immunité par des États parties "créerait, du moins pour les demandes d’arrestation et de remise de personnes visées par un mandat d’arrêt, un obstacle insurmontable quant à la capacité de la Cour d’exercer sa compétence" et que "pareille situation serait manifestement incompatible avec l’objet et le but de l’article 27-2 du Statut". En 2021, le Soudan a promis de remettre (nouvelle fenêtre) Omar el-Bechir à la CPI… Ce qui n'a pas été fait à ce jour (nouvelle fenêtre).
Plus récemment, la Chambre préliminaire II, chargée de répondre aux questions qui se posent avant le procès, s'est prononcée sur le cas de Vladimir Poutine. Visé lui aussi par un mandat d'arrêt international, le président russe s'est rendu sans encombre en Mongolie, pourtant signataire du Statut de Rome. Là encore, l’organe juridictionnel a estimé le 24 octobre (nouvelle fenêtre) que "l'immunité personnelle, y compris celle des chefs d'État, n’est pas opposable devant la CPI et qu'aucune renonciation n'est requise".
Cette décision est aujourd'hui brandie par des associations de défense de droits humains, qui font le parallèle (nouvelle fenêtre) avec l'immunité garantie à Benyamin Nétanyahou. Le juriste en droit international Alix Renaudin relève d'ailleurs sur X (nouvelle fenêtre) que le Quai d'Orsay "n'a pas invoqué l'immunité de Vladimir Poutine lorsque la CPI a émis un mandat d'arrêt contre lui, la Russie n'étant pas plus partie au Statut de Rome".
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