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| - Alors que la situation géopolitique pousse la France et l'Europe à renforcer leurs capacités de défense, la réquisition des personnes et des biens est évoquée en ligne.Elle serait désormais facilitée et possible via un simple décret, depuis une évolution de la loi de programmation militaire de 2023.En pratique, les textes en vigueur ont subi un lifting significatif : si le pouvoir de réquisition a été élargi, il n'est pas synonyme d'envoi sur le champ de bataille.
Après la mise en retrait des États-Unis dans le cadre du conflit en Ukraine, l'idée d'une Europe de la défense et d'un renforcement capacitaire fait son chemin. C'est dans ce contexte que des messages sur les réseaux sociaux évoquent la possibilité de l'État à procéder à des réquisitions. "Biens et personnes" peuvent désormais se voir réquisitionnés "sur simple décret", lit-on sur le réseau social X (nouvelle fenêtre). Et ce, à la faveur d'un "remaniement de la loi de programmation militaire en 2023".
Une adaptation à de nouvelles menaces
Tout d'abord, la loi de programmation militaire a bien évolué en 2023, ce qui a conduit à élargir le pouvoir de réquisition des autorités. Cette réforme, a résumé l'Iris, "constitue une rénovation complète du régime des réquisitions au travers de l'abandon de la distinction entre les réquisitions civiles et militaires au profit d'une distinction fondée sur la nature et l'intensité de la menace et des besoins à couvrir".
En pratique, le principe même de donner à des dirigeants la possibilité d'effectuer des réquisitions à des fins militaires n'a rien de nouveau : elles "existent sans doute depuis que les guerres existent", expliquent les juristes du collectif et média Les Surligneurs. Si le terme de "menace" a été retenu dans les textes pour justifier ces décisions, c'est pour englober les multiples formes que peuvent revêtir les atteintes à la sécurité de la Nation.
De nos jours, les risques sont – par nature – devenus multiples : passant par "le cyberespace (paralysie des réseaux), l’espace (destruction de satellites), les mers (destructions de câbles sous-marins et gazoducs), etc". Dans ce cadre, "le Code de la défense n’est plus centré sur les attaques militaires depuis bien longtemps, et envisage tous types de 'menaces', toutes aussi dangereuses".
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L'évolution des textes en 2023 a répondu au besoin de s'adapter aux nouvelles formes de menaces qui sont encourues, signalent les Surligneurs. "La loi de programmation militaire adapte le chapitre sur les réquisitions – qui n’avait pas été modernisé et datait pour l'essentiel d’une ordonnance du 6 janvier 1959 [...] et reprend la terminologie de l'article L. 1111-1, afin de restaurer une cohérence du Code de la défense".
De manière très concrète, il serait envisageable pour l'État de réquisitionner des "drones civils [...] avec leurs pilotes", des "moyens numériques avec les personnels qualifiés", ou bien encore "des véhicules avec leurs conducteurs". Les particuliers sont concernés au même titre que les entreprises, si bien que l'on pourrait tout à fait imaginer une compagnie aérienne être sollicitée afin de mettre à disposition une partie de ses avions, dans le cadre de transferts de civils par exemple.
Symbole des évolutions des conflits au XXIᵉ siècle : l'espace. L'Iris souligne que "désormais, l'État peut obtenir [...] la fourniture de prestations de services fondées sur l’utilisation d’un objet spatial ainsi que le transfert temporaire de la maîtrise d’un objet spatial". Des dispositions qui n'étaient jusque-là par prévues par les textes.
Réquisitionner n'est pas mobiliser
Derrière les messages qui évoquent en ligne l'évolution des textes relatifs aux réquisitions, on voit émerger la crainte d'un recours aux civils dans le cadre d'un conflit armé. Un certain Francis Lalanne assurait ainsi dès 2023 que cette révision de la loi de programmation militaire allait permettre à Emmanuel Macron d'envoyer "toute la jeunesse [...] combattre en Ukraine".
Il s'agit là d'une confusion majeure entre deux outils juridiques bien distincts : la réquisition et la mobilisation. La première, avancent Les Surligneurs, "permet à l’État de se doter autoritairement de moyens humains et matériels, afin de parer à une menace". Ce qui n'implique pas nécessairement d'aller au combat ou d'effectuer des tâches de nature strictement militaires.
La mobilisation en revanche, qu'elle soit "totale ou partielle", peut être assimilée à un appel sous les drapeaux. L'hypothèse pouvant la justifier "est celle d’une agression armée actuelle ou imminente, mais également celle d’une agression contre un pays auquel la France doit aide et assistance en vertu d’un traité comme celui de l’OTAN", notent les juristes.
Attention, donc, à ne pas tout mélanger. En 2023, ce sont bien les modalités des réquisitions qui ont été modifiées, sans pour autant que la logique qui les sous-tend ne soit bouleversée. Le cadre législatif qui encadre une mobilisation de la population, quant à lui, n'a pas connu de changement significatif, étant de longue date précisé au sein du Code de la Défense.
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